Dr. Abdou Khadre DIOP 1 Droit constitutionnel 1 Séquence 2 : LA CONSTITUTION Se

Dr. Abdou Khadre DIOP 1 Droit constitutionnel 1 Séquence 2 : LA CONSTITUTION Section 1. La notion de constitution A. Définition matérielle de la Constitution B. Définition formelle de la Constitution C. Définition normativiste de la Constitution D. Définition fonctionnelle de la Constitution Section 2. La vie de la Constitution A. Comment faire la Constitution : élaboration B. Comment changer la Constitution : révision C. Comment changer de Constitution : abrogation Section 3. Le contrôle de la Constitution A. La nécessité du contrôle B. Les modèles de justice constitutionnelle C. Le contrôle de constitutionnalité au Sénégal Dr. Abdou Khadre DIOP 2 Parler de la Constitution, c’est parler d’un texte fondamental qui régit la vie d’un État. C’est pourquoi, le droit qui étudie la Constitution est une discipline fondamentale de la science juridique, dont il faut connaître les notions essentielles et les contours pour comprendre le fonctionnement d’un État. Pourtant, si on pense facilement, a priori, déterminer ce qu’est une constitution, rien n’est moins simple. Il faut s’entendre sur la notion (Section 1). Son élaboration connaît elle aussi de multiples variantes (Section 2). Son contrôle permet enfin d’en assurer l’effectivité et l’efficacité (Section 3) SECTION 1. LA NOTION DE CONSTITUTION La définition des notions de base est une opération clé en droit, et d’ailleurs pour toutes les disciplines scientifiques. Il existe plusieurs manières de définir une notion. Une notion peut être définie en se focalisant sur son contenu (définition matérielle), sur son contenant (définition formelle), sur sa valeur juridique intrinsèque (définition normativiste), sur sa finalité (définition téléologique), sur sa fonction (définition fonctionnelle) etc. Qu’est-ce qu’une Constitution? On peut la définir du point de vue matériel (1), du point de vue formel (2), du point de vue normativiste (3) et du point de vue fonctionnel (4). A. La définition matérielle de la Constitution Dr. Abdou Khadre DIOP 3 Une définition matérielle prend le contenu pour objet. Il s’agit d’identifier les composantes d’une Constitution de manière objective et neutre. À ce propos, la première indication nous vient de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (vous pouvez consulter la Déclaration en cliquant sur le lien hypertexte). Selon cet article, « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Autrement dit, pour qu’on puisse dire qu’une société a une Constitution, il faut, d’une part, que la garantie des droits soit assurée et, d’autre part, la séparation des pouvoirs soit déterminée. Cela veut dire tout simplement que du point de vue matériel une Constitution comporte deux éléments. Le premier est relatif à l’organisation du pouvoir (séparation des pouvoirs). Le second est relatif à la protection des droits fondamentaux. Cette définition a le mérite de synthétiser l’ensemble des dispositions comprises dans une Constitution. De telles dispositions se rangent soit dans la catégorie de l’organisation du pouvoir, soit dans la catégorie de la protection des droits fondamentaux. En guise d’exemple, on peut dire que l’article 7 paragraphe 2 de la Constitution du Sénégal selon lequel « tout individu a le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, à l’intégrité corporelle notamment à la protection contre toutes les mutilations physiques » se range dans la catégorie Protection des droits fondamentaux. L’article 77 de la Constitution sénégalaise selon lequel « le Parlement peut habiliter par une loi le Président de la République à prendre des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » est relatif à l’organisation du pouvoir. Dr. Abdou Khadre DIOP 4 Toutefois, si cette définition a des vertus pédagogiques, en ce qu’elle offre une simplicité et une clarté à la notion de Constitution, elle n ‘est pas exempte de critiques. Pour faire simple, on peut avancer deux arguments remettant en cause la définition matérielle. D’une part, dans la Constitution, on ne trouve pas forcément toute la matière constitutionnelle. D’autre part, ce n’est pas que dans la Constitution qu’on trouve la matière constitutionnelle. Ces deux arguments méritent d’être explicités. Selon le premier argument, dans la Constitution, on ne trouve pas forcément toute la matière constitutionnelle. On a dit plus haut que la matière constitutionnelle c’est l’organisation du pouvoir et la protection des droits fondamentaux. Mais, la Constitution ne peut pas tout prévoir. C’est pourquoi, dans certains aspects relatifs à l’organisation du pouvoir ou à la protection des droits fondamentaux, elle renvoie à des lois ou d’autres textes juridiques. Par exemple, le Code électoral comporte des dispositions pertinentes relatives à la dévolution du pouvoir. Le deuxième argument selon lequel ce n’est pas que dans la Constitution qu’on trouve la matière constitutionnelle est aussi avéré. On retrouve des mesures relatives à l’organisation du pouvoir et à la protection des droits fondamentaux dans des textes internationaux qui ne sont pourtant pas des Constitutions. Par exemple, la Charte africaine de la Démocratie, des élections et de la gouvernance comporte des dispositions relatives à l’organisation du pouvoir, à la dévolution du pouvoir etc. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples comporte également des dispositions relatives à la protection des droits fondamentaux. B. La définition formelle de la Constitution Dr. Abdou Khadre DIOP 5 Une définition formelle ne se soucie point du contenu mais du contenant. Concernant la Constitution, parler de définition formelle permet de se focaliser sur la procédure permettant de la créer et l’organe qui la crée. De ce fait, du point de vue formel, la Constitution peut être définie comme l’acte juridique qui fonde l’État et adopté selon une procédure particulière différente de la procédure de droit commun de production normative. Autrement dit, la Constitution est un texte particulier qui n’obéit pas à la même procédure d’adoption et de révision que les autres textes juridiques. Cette particularité de la procédure qui la crée, qui la révise et l’abroge montre son importance par rapport aux autres textes de l’ordonnancement juridique. En guise d’exemple, la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 a été adoptée par voie de référendum. La révision constitutionnelle de mars 2016 a été aussi adoptée par voie de référendum. On imagine mal un autre texte de l’ordonnancement juridique qui nécessite pour son adoption à un recours au vote populaire. Cette définition fait toutefois appel à quelques critiques. Elle ne vaut que pour les États qui se dotent d’une Constitution écrite. Il convient en effet de noter que lorsqu’on parle de procédure d’adoption particulière, on se réfère à la Constitution écrite par opposition à la Constitution coutumière. Une Constitution écrite est comme son nom l’indique une Constitution dont les dispositions sont clairement établies sur un support approprié, publiées et mises à la disposition de tous. Une Constitution coutumière, quant à elle, résulte d’une pratique constitutionnelle répétée dans le temps et s’imposant comme étant le droit en vigueur. Donc, elle provient de la coutume c’est à dire une pratique et non un texte écrit. Ainsi dans les États qui se dotent d’une Constitution coutumière, l’adoption des règles constitutionnelles ne suit pas une procédure Dr. Abdou Khadre DIOP 6 particulière, mais résulte de la spontanéité. Le Royaume Uni est un exemple patent d’un État doté d’une Constitution coutumière. En guise d’exemple, dans cet État, les mécanismes constitutionnels comme la dissolution et la responsabilité politique du gouvernement ne sont dans aucun texte mais pourtant s’imposent dans la pratique institutionnelle. Néanmoins, il convient de noter qu’aujourd’hui, la Constitution est en principe écrite. Les cas de constitutions coutumières se font de plus en plus rares. Même au Royaume Uni, la part du droit écrit prend de plus en plus une importance fondamentale. D’une part, il y a le grands textes de l’histoire comme la Magna Carta de 1215, l’Act d’Habeas Corpus de 1679, le Bill of Rights de 1689, et d’autre part, plus récemment les Parliaments Acts notamment en 1911 et 1949, le House of Lord Act de 1999 et le Constitutional Reform Act de 2005 créant une Cour Suprême et modifiant les compétences de la Chambre Haute. C. La définition normativiste La définition normativiste est celle qui se fonde sur la valeur juridique de l’objet à définir. Donc ici, il s’agira de définir la Constitution en se focalisant sur sa valeur juridique. À cet égard, à la suite de Louis Favoreu, on peut définir la Constitution comme un texte ayant « un caractère fondamental et fondateur, que sans elle, il n’y aurait pas de droit, qu’elle est en quelque sorte ce qui conditionne le reste du système juridique ». Cette définition trouve sa source dans la théorie de la pyramide des normes de Hans Kelsen. Selon cette théorie, tout ordre juridique est nécessairement hiérarchisé de sorte que les normes inférieures tirent leur validité des normes supérieures. À ce titre, la Constitution est la norme fondatrice, donc placée au sommet de la hiérarchie des normes. Elle Dr. Abdou Khadre DIOP 7 conditionne à cet égard la validité de toutes les autres normes qui lui sont inférieures, notamment la loi. Un exemple simple pour comprendre cette théorie : si la Constitution uploads/S4/ sequence-2 3 .pdf

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  • Publié le Dec 17, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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