Études de sociologie du droit et de l’éthique Guy Rocher professeur titulaire e

Études de sociologie du droit et de l’éthique Guy Rocher professeur titulaire et chercheur au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l’Université de Montréal Données de catalogage avant publication (Canada) Rocher, Guy, 1924- Études de sociologie du droit et de l'éthique Comprend des réf. bibliogr. ISBN 2-89400-070-7 1. Sociologie juridique. 2. Droit et morale. 3. Droit — Aspect social. 4. Bioéthique — Aspect social. 5. Morale — Aspect sociologique. I. Titre. K371.R62.1996 340'.115 C96-940160-4 Graphisme : Claude Lafrance Composition : Sylvie Thériault On peut se procurer le présent ouvrage aux Éditions Thémis Faculté de droit Université de Montréal C.P. 6128, succ. Centre-ville Montréal (Québec) H3C 3J7 Téléphone : (514) 739-9945 Télécopieur : (514) 739-2910 Tous droits réservés @ 1996 - Les Éditions Thémis Inc. Dépôt légal : 2e trimestre 1996 Bibliothèque nationale du Canada Bibliothèque nationale du Québec ISBN 2-89400-070-7 Le Centre de recherche en droit public n'accorde aucune approbation ni improbation aux opinions émises par ses chercheurs dans leurs études; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. AVANT-PROPOS La quinzaine de textes réunis ici ont été publiés dans autant de revues ou de livres au cours des dernières années, au hasard des invitations ou des occasions. On a jugé qu'un public diversifié de lecteurs aurait intérêt à les trouver assemblés en un volume. Nous les présentons sous le titre d'«études». Cette désignation n'est pas le fruit du hasard : il y a lieu de la justifier. Les dictionnaires donnent de ce terme quelques définitions qui disent chacune assez bien la nature à la fois variée et unifiée de cet ouvrage. Selon une première acception, des études peuvent être l'exposé des «résultats d'une recherche». L'ensemble des chapitres de cet ouvrage forme en effet le produit d'une longue recherche, entreprise il y a déjà plus de quinze ans, sur le sens et les orientations de la sociologie du droit et de l'éthique. Par ailleurs, une deuxième définition va presque dans le sens opposé de la première : elle nous dit que le terme «études» peut encore désigner des travaux préparatoires en vue «d'une oeuvre plus élaborée». Il est vrai que la recherche dont ce livre fait état se poursuit toujours, l'on peut même affirmer qu'elle connaît une constante évolution. Enfin, suivant un usage qui a cours surtout en musique, l'étude est une oeuvre qui affiche «un dessein didactique» explicite ou reconnu. Le métier de professeur a développé comme à l'état naturel, chez celui qui l'a exercé depuis un bon nombre d'années, une attitude didactique qui agit presque à l'égal de l'instinct. L'ensemble de cet ouvrage est de fait inspiré par le projet de susciter et alimenter la curiosité de tout lecteur qui s'interroge sur ce que peut être et apporter un regard sociologique sur le droit et l'éthique. Bref, conformément à la notion d'«études», ce livre offre au lecteur un certain nombre de conclusions qui sont, d'une part, extraites de recherches empiriques et théoriques menées depuis une quinzaine d'années et qui, d'autre part, se rattachent à une démarche scientifique plus large toujours en active gestation. Le «dessein didactique», de son côté, est partout présent dans chacun des chapitres. Dans la quinzaine de chapitres qui suit, il sera question de la sociologie du droit et de sociologie de l'éthique. Parlons rapidement de l'une et de l'autre. * * * X ÉTUDES DE SOCIOLOGIE DU DROIT ET DE L'ÉTHIQUE La sociologie du droit a fait de grands progrès au cours des dernières années. Quand j'ai commencé à m'y intéresser, elle n'était pratiquée que par un nombre limité de juristes, et par encore moins de sociologues. Depuis lors, elle a progressé à la fois par le nombre des recherches empiriques qu'elle a inspirées et par les analyses théoriques qu'elle a suscitées ou auxquelles elle a participé. Il y a quelques années à peine, je dressais un inventaire des travaux qu'on pouvait identifier comme étant des contributions à la sociologie québécoise du droit1. Encore valable pour son temps, ce tour d'horizon appellerait de nombreux ajouts pour être mis à jour, prouvant de ce fait la productivité des chercheurs dans ce champ d'études. Par ailleurs, c'est moins avec la philosophie qu'avec la théorie du droit que la sociologie a fait jonction, à travers un intérêt commun pour une meilleure compréhension de la production du droit, sa légitimité, les fondements de sa force, les raisons de ses faiblesses, son effectivité réelle, évidente ou cachée. Les études que contient cet ouvrage-ci ont été nourries à une double source : la recherche empirique et la réflexion théorique. L'une ne va pas sans l'autre. La recherche empirique est sans doute souvent inspirée par des préoccupations sociales, mais elle a constamment besoin de l'être aussi par un questionnement théorique. La réflexion théorique, de son côté, tire sans cesse de la recherche empirique les matériaux nécessaires à la poursuite de sa démarche en même temps qu'à la vérification de ses avancées. Ainsi se construit, par touches successives, une connaissance plus exacte de cette réalité sociale infiniment complexe qu'est le droit. La première et la deuxième partie de cet ouvrage correspondent à cette dualité. La première est d'orientation plutôt empirique, la seconde, théorique. L'une s'appuie cependant sur l'autre, l'une renvoie à l'autre. Elles peuvent être lues séparément, selon l'intérêt du lecteur. Mais elles ont été conçues et écrites en fonction l'une de l'autre. Le point de départ de toute sociologie du droit réside dans la reconnaissance du fait que le droit n'a qu'une autonomie relative. Bien sûr possède-t-il indéniablement une certaine autonomie, du fait de son caractère savant. Celui-ci a donné lieu à la création de la profession des juristes, vieille de plus de deux millénaires, si on ne remonte qu'aux Grecs et aux Romains de l'Antiquité. De leur côté, les juristes ont évidemment contribué à accentuer le caractère savant du droit, et par suite l'autonomie toujours croissante du droit comme champ de savoir. Cette autonomie n'est cependant que relative dans la mesure où le droit tire son inspiration des us et 1 Guy ROCHER, «La sociologie du droit au Québec : une nouvelle discipline en émergence?», dans Robert D. BUREAU et Pierre MACKAY (dir.), Le droit dans tous ses états. La question du droit au Québec, 1970-1987, Montréal, Wilson et Lafleur, 1987, pp. 555-596. AVANT-PROPOS XI coutumes d'une société, que sa production et sa mise en application sont soumises à des jeux de pouvoir entre groupes d'intérêt et de pression, que son action s'inscrit dans la vie concrète d'institutions variées et qu'il se nourrit des valeurs et des idéologies sur lesquelles toute société humaine se construit, se maintient et se modifie. C'est précisément dans l'analyse de ces interactions entre le droit et le milieu social, économique, politique et culturel que la sociologie du droit trouve sa fonction, sa raison d'être. Dans cet ouvrage, ce sont notamment les rapports d'internormativité que le droit entretient avec l'éthique qui sont mis en relief. Les travaux empiriques que j'ai menés ou dirigés au Centre de recherche en droit public depuis quelques années ont porté tout à la fois sur le droit et l'éthique comme modes de régulation sociale. Deux modes de régulation sociale qui, quoi qu'on en disent, sont bien près l'un de l'autre, prenant souvent appui l'un sur l'autre. La morale prend le relais là où le droit se tait; en revanche, celui-ci en vient à tenir lieu de morale lorsque celle-ci ne peut plus compter sur un consensus assez général. Cependant, le droit, plus que l'éthique, entretient avec les différents pouvoirs des relations privilégiées et complexes. Parlant de l'intérêt que «le père de la Tragédie», Eschyle, avait pour le droit, particulièrement dans son Orestie, Ismaël Kadaré écrit : «Pour s'intéresser au droit avec tant de passion et de sérieux, il faut être profondément conscient de sa responsabilité dans les affaires des hommes, il faut vouloir ne pas se tenir à l'écart en se lavant les mains, mais s'engager (terme irritant à l'oreille de bien des esthètes) dans la grande mêlée humaine, bref, empoigner le sceptre du législateur, du souverain»2. Les sept tragédies d'Eschyle qui sont venues jusqu'à nous, des quelque 90 qu'il aurait écrites, témoignent en effet d'un esprit profondément imbu des grandes questions qui agitaient la conscience des Grecs de son temps et cela dans une perspective si universelle que ses oeuvres rejoignent les angoisses de nos contemporains du XXe siècle, comme l'a bien montré Ismaël Kadaré. Sans doute peut-on dire que le droit n'est pas la seule institution à faire appel à l'engagement de qui la prend au sérieux : on peut en dire autant, par exemple, de l'enseignement, de l'économie ou de la morale. Mais cela n'empêche que Kadaré a eu raison de dire que le droit en particulier fait appel au sens «de la responsabilité dans les affaires des hommes», parce qu'il est une normativité essentiellement active. Il est étroitement lié à toute forme d'exercice du pouvoir dans les comportements humains et les rapports sociaux. D'une manière ou d'une autre, il appelle l'obéissance et ouvre la porte à la contrainte, parce uploads/S4/ studii-de-sociologie-dreptului-si-etica 1 .pdf

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  • Publié le Apv 29, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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