Grands arrêts du droit de la concurrence Sous la direction de Frédéric Buy, Nic
Grands arrêts du droit de la concurrence Sous la direction de Frédéric Buy, Nicolas Ferrier Volume III Pratiques commerciales déloyales Distribution Concurrences REVUE DES DROITS DE LA CONCURRENCE | COMPETITION LAW REVIEW Grands arrêts du droit de la concurrence – volume III 7 Préface La revue Concurrences, soucieuse d’honorer son pluriel (D. Ferrier “Concurrence(s) : Un singulier pluriel…”, Concurrences, n° 2-2015, p. 5), poursuit sa présentation des “grands arrêts” du droit de la concurrence dont elle se fait l’écho depuis presque quinze ans. Voici donc, rassemblées dans un troisième volume venant s’ajouter à ceux déjà consa- crés aux pratiques anticoncurrentielles (vol. 1) et aux concentrations (vol. 2), les grandes décisions rendues en matière de “pratiques commerciales déloyales” et de “contrats de distribution”. * * * “Pratiques commerciales déloyales”. L’intitulé de la première partie de l’ouvrage surprendra peut-être certains, mais sûrement pas les lecteurs de la revue Concurrences, qui ont vu en 2014 la chronique “Pratiques restrictives” être ainsi rebaptisée. Comme l’avait écrit Laurence Idot à l’époque, ce changement visait surtout à dissiper toutes les “ambiguités (…) de la terminologie juridique française” (Concurrences 2014-1), qui distingue les “pratiques anticoncurrentielles” (titre II, livre IV, C. com.) et les “pratiques restrictives de concurrence” (titre IV, livre IV, C. com.). Souvent trompeuse vue de l’étranger, l’expression “pratiques restrictives” méritait d’être écartée au profit d’une formule plus claire. Celle de “pratiques commerciales déloyales” s’est imposée assez naturellement (L. Idot, préc.). C’est qu’elle correspond assez bien à la nature profonde d’un corps de règles, certes moucheté de considérations concurrentielles, mais principalement destiné à assurer la loyauté des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (v. par ex. F. Buy, M. Lamoureux et J.-C. Roda, Droit de la distribution, LGDJ, 2017, n° 319 et s.). L’expression s’est au reste progressivement installée dans le paysage du droit européen, dans le sillage de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales “B2C”. La Commission avait déjà publié il y a quelques années un livre vert sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire et non-alimentaire interentreprises (COM (2013) 37 final, 31 janv. 2013). A l’heure où ces lignes sont écrites, c’est une proposition de directive sur les pratiques commerciales déloyales entre professionnels dans la chaîne de distribution alimentaire (COM (2018) 173 final, 12 avr. 2018) qui préfigure une harmonisation des droits en la matière (v. déjà E. Terryn et D. Voinot (dir.), Droit européen des pratiques commerciales déloyales. Evolution et perspectives, Larcier, 2012). Il ne restera plus à la réforme annoncée du titre IV du livre IV du Code de commerce qu’à s’approprier ce nouveau nom, comme certains le suggèrent au reste depuis longtemps (v. Rapport G. Canivet, Restaurer la concurrence par les prix, La documentation française, 2004, p. 97 et s.). Sous cette bannière, les spécialistes retrouveront donc, en premier lieu, le “petit droit” de la concurrence qu’est le droit des pratiques restrictives, accompagné du droit de la transparence. Evidemment, les décisions de justice n’y sont pas aussi marquantes qu’en droit des ententes ou des abus de position dominante : la matière étant structurée par une kyrielle de textes souvent très techniques, on ne peut pas toujours attendre de la jurisprudence qu’elle prenne une place qui n’est pas la sienne. La forte instabilité législative ne favorise pas, non plus, la recension des grands arrêts. Certaines interdictions Grands arrêts du droit de la concurrence – volume III 8 symboliques, comme celle des pratiques discriminatoires, ont disparu il y a quelques années (L. 4 août 2008, dite “LME”). D’autres thèmes n’ont émergé que récemment et/ ou ont mis du temps à être stabilisés par la jurisprudence. Le lecteur comprendra mieux pourquoi nous avons, à la manière d’un case book, choisi de signaler, aux côtés des arrêts de la Cour de cassation, certains arrêts d’appel et, même, quelques jugements de tribu- naux de commerce ! Cela étant, les “grands arrêts du petit droit” (F. Buy, “Les grands arrêts du petit droit”, D. 2017, p. 1481) existent bel et bien, et chacun pourra retrouver, en particulier, les décisions phares récemment rendues en matière de déséquilibre significatif et de ruptures brutales de relations commerciales, qui ont sciemment orchestré, après un temps d’expansion, le “reflux” de l’article L. 442-6 du Code de commerce (C. Mouly- Guillemaud (dir.), Flux et reflux de la rupture d’une relation commerciale, LexisNexis, 2018). L’intitulé “pratiques commerciales déloyales” permet aussi de couvrir plus largement, en second lieu, le contentieux de la concurrence déloyale et, par extension, celui des obligations de non-concurrence. On le sait, la jurisprudence s’est ici toujours montrée extrêmement créative. Ces pans du droit de la concurrence n’ont pas eu besoin de textes spéciaux pour exister et les ressorts du droit des obligations (responsabilité civile délictuelle et droit des contrats) ont longtemps suffi pour saisir la grande diversité des pratiques. Deux observations cependant. L’une concerne la part du droit écrit, qui progresse incontestablement. Encore assez discrètement en matière de concurrence déloyale – en dépit des exhortes d’une partie de la doctrine (Y. Picod, “Plaidoyer pour une consécration législative de la concurrence déloyale”, in Mélanges Yves Serra, Dalloz, p. 359) –, plus lourdement en matière de clauses de non-concurrence, depuis que la loi Macron du 6 août 2015 a entrepris d’éradiquer une grande partie des clauses restrictives d’après-contrat dans les réseaux de distribution (C. com., art. L. 341-2). L’autre concerne la teneur du droit prétorien. La collecte de décisions rendues en matière de concurrence déloyale permettra de constater que la jurisprudence ne s’est pas tellement déployée à coups d’arrêts de principe, mais plutôt sous forme de sédimentation. Il faut dire que la période de référence (2004-2018) est un peu particulière : les dernières “grandes guerres” se sont jouées dans les années 1980-1990 (distribution parallèle, parasitisme), et leurs prolongements modernes (i.e. Le contentieux de la désorganisation des réseaux par Internet) n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. En comparant cette jurisprudence avec celle rendue au sujet de l’obligation de non-concurrence, le constat sera presque inverse. La question a été profondément renouvelée à la lumière de l’objectif de protection des libertés du débiteur, et les décisions rendues sur un mode quasi-législatif se sont multipliées, en particulier à l’initiative de la chambre sociale de la Cour de cassation. Au point qu’il ne nous semble pas excessif d’affirmer que nous venons de vivre, en ce début de siècle, le véritable âge d’or de la construction prétorienne du régime des clauses de non-concurrence. * * * “Contrats de distribution”. Ce second thème, comme le premier d’ailleurs, se situe davantage en amont, soit à la source, plutôt qu’en aval du droit de la concurrence, depuis le passage, au milieu du XX siècle d’une économie de pénurie à l’économie d’abondance (J.-K. Galbraith, The affluent society, Penguin Book, London, 1958), qui a créé le besoin, voire la nécessité pour le producteur et de manière générale le fournisseur, de favoriser la commercialisation des produits ou services, et a les conduits à imaginer des formules contractuelles propres à renforcer leur relation avec les distributeurs au détriment des Grands arrêts du droit de la concurrence – volume III 9 fournisseurs concurrents et parfois même au détriment d’autres distributeurs (Pour une présentation, V. D et N. Ferrier, Droit de la distribution, 8e éd. 2017, n° 2 et s.). Les liens contractuels ainsi établis ont conduit à éprouver la conception classique du droit des contrats et ont d’ailleurs favorisé l’évolution des règles qui lui sont applicables (reconnaissance de la notion de contrat-cadre et admission au sein de cette catégorie de la détermination unilatérale du prix ; obligation de renégocier ; sanction de la violence économique…) ou des conceptions du droit des contrats (défense du solidarisme contrac- tuel, promotion de la catégorie des contrats-coopération ou d’intérêt commun…). Ces liens contractuels ont surtout très tôt suscité le contrôle des autorités de concur- rence, sensibles à leurs potentiels effets restrictifs de concurrence. Certaines restrictions de concurrence, qualifiées de “verticales” pour traduire les positions respectives du four- nisseur en amont et du distributeur en aval, et les distinguer des restrictions dites “hori- zontales” entre concurrents situés au même stade de l’activité économiques, ont été ainsi stigmatisées mais traitées de manière singulière et généralement moins rigoureuse. Et un nouveau champ d’interventions et d’interrogations s’est ainsi ouvert entre celui du droit des contrats fondé sur le principe de la liberté contractuelle, en particulier la liberté d’organiser une relation privilégiée entre un fournisseur et un distributeur découlant de la liberté d’entreprendre, et celui du droit de la concurrence fondé sur le paradigme, plus économique que juridique, de la liberté de la concurrence. Une première question est celle de la distinction au sein même de ce vaste champ, entre l’approche contractuelle et l’approche concurrentielle. On constate en effet qu’elle tend à se brouiller. D’un côté, des dispositifs contractuels sont présentés comme poursuivant un objectif concurrentiels (V. en particulier les articles L. 330-1 et L. 341-1 du Code de commerce) ; d’un autre côté, des dispositifs concurrentiels conditionnent la validité des contrats (V. en particulier les articles 101 § 2 T FUE et L. 420-3 du Code uploads/S4/ toc-foreword-gadc-iii.pdf
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- Publié le Fev 28, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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