ALEXIS FITZJEAN Ó COBHTHAIGH Avocat au Barreau de Paris 5, rue Daunou - 75002 P

ALEXIS FITZJEAN Ó COBHTHAIGH Avocat au Barreau de Paris 5, rue Daunou - 75002 PARIS Tél. 01.53.63.33.10 - Fax 01.45.48.90.09 https://afocavocat.eu CONSEIL CONSTITUTIONNEL CONTRIBUTION EXTÉRIEURE N° 2021-823 DC POUR : 1°) Le collectif « Les Lucioles de la liberté » 2°) Le « Collectif pour la liberté d’instruire en famille » (CLIEF) 3°) L’association « Liberté d’avenir » 4°) Mme Caroline de Schynkel, éditrice du site Web « Les archives de l’IEF » CONTRE : L’article 49 de la loi « confortant le respect des principes de la République » 2 FAITS 1. Les Lucioles de la liberté, premier exposant, est un collectif d’enfants agissant pour le droit à la liberté d’instruction, initié spontanément par des jeunes instruits en famille, sur les réseaux sociaux, en réaction au discours du 2 octobre 2020 au Mureaux du président de la République. Le Collectif pour la liberté d’instruire en famille, deuxième exposant, est né également à la suite de ce discours. Son objectif est de porter la voix des familles et, en particulier, des enfants, en ayant une démarche indépendante et de maintenir l’instruction en famille (IEF) sous un régime déclaratif. L’association Liberté d’avenir, troisième exposante, a pour objet de défendre la liberté d’instruction et l’innovation en éducation. Pensée comme l’équivalent d’un syndicat lycéen, elle est formée de jeunes majoritairement en instruction en famille, impliqués dans la défense de leur mode d’instruction. Elle œuvre pour une instruction libre, dans l’intérêt propre de chaque enfant, libérée de l’influence politique. Mme Caroline de Schynkel, quatrième exposante, est éditrice du site Web « Les archives de l’IEF »1. 2. De telles pratiques éducatives, adoptées par de nombreux parents et réalisées sous le contrôle rigoureux de l’Etat, permettent une individualisation de l’instruction de l’enfant que ne permet pas le système scolaire traditionnel, moins adapté au rythme biologique de l’enfant, voire, dans certains cas, aux difficultés d’apprentissages que peuvent rencontrer certains. 3. Elles mettent en outre les parents en mesure de décider, dans le cadre de leur autorité parentale et en accord avec leurs enfants, du mode d’éducation le plus conforme à leur conscience, sans limitation géographique ou de moyens, sous le contrôle de l’Etat et sous réserve de respecter les principes républicains. 4. Plus généralement, l’instruction en famille peut s’inscrire dans un projet familial conforme au mode de vie librement adopté par les parents, dans le respect des droits de leurs enfants, en particulier de leur droit à l’instruction et à l’émancipation. Le cas échéant, ce choix d’instruction doit pouvoir s’appliquer à l’ensemble d’une fratrie. 5. Ces méthodes éducatives alternatives ouvrent, de surcroît, aux enfants concernés, la possibilité de consacrer davantage de leur temps à des activités extra-scolaire, d’ordre culturel, artistique ou sportive, dont la 1 https://lesarchivesdelief.wordpress.com/ 3 pratique est indispensable au développement de l’enfant, à son éveil et à son épanouissement, mais qui demeurent reléguées dans le système scolaire traditionnel à un rang subalterne. En résumé, l’instruction en famille n’est pas le vecteur d’un entre-soi animé par des visées séparatistes exclusives des principes républicains, mais s’inscrit bien dans un projet pédagogique destiné à garantir l’épanouissement de l’enfant, dont les parents doivent demeurer libres de décider, dans l’exercice de leur autorité parentale. 6. Ce mode d’instruction est inégalable, en ce qu’il permet un enseignement sur-mesure offrant une diversité pédagogique en tout lieu. L’instruction en famille constitue ainsi le mode d’instruction qui, non seulement incarne la liberté, mais encore légitime les autres modes d’instruction en faisant du format scolaire un droit mais surtout l’expression d’un véritable choix. 7. Malgré les nombreux avantages de cette méthode d’enseignement alternative et l’augmentation constante du nombre de parents convaincus de ces bienfaits, le 23 juillet 2021, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi « confortant le respect des principes de la République », altérant profondément le droit positif en la matière et, en particulier, la possibilité des parents d’instruire eux-mêmes leurs enfants2. 8. Cette loi a été déférée, sur le fondement du 2ème alinéa de l’article 61 de la Constitution, au Conseil constitutionnel par au moins 60 députés et par au moins 60 sénateurs. Elle a été enregistrée le 26 juillet 2021 par le Conseil constitutionnel, sous le n° 2021-823 DC. 9. C’est la loi dont la constitutionnalité est contestée par les présentes observations. 2 Cette loi contient un Titre Ier intitulé « Garantir le respect des principes de la République et des exigences minimales de la vie en société ». Au sein de ce Titre Ier, est notamment inséré un Chapitre V dénommé « Dispositions relatives à l’éducation et aux sports ». Ce Chapitre contient une Section 1 relative à l’instruction en famille (IEF). 4 DISCUSSION 10. En premier lieu, l’article 49 de la loi déférée méconnaît le principe de la liberté de l’enseignement, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et qui implique notamment le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille. 11. Aux termes du 1er alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. » 12. Dans cette perspective, le Conseil constitutionnel reconnaît l’existence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République lorsque la réunion de trois conditions cumulatives est caractérisée. 13. D’abord, il faut « que le principe trouve un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946 »3. 14. Ensuite, pour être reconnu comme un tel principe, ce dernier doit avoir été continûment affirmé par les lois républicaines4. Dit autrement, il faut « qu’il n’ait jamais été dérogé à ce principe par une loi républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 »5. 3 « Commentaire autorisé » de la décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, préc. ; Cons. const., 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, décision n° 86-224 DC, pt. 15 4 Cons. const., 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, décision n° 88-244 DC, pt. 12. 5 « Commentaire autorisé » de la décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, préc. 5 15. Enfin, « le principe doit énoncer une règle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralité »6 et intéresser les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale et l’organisation des pouvoirs publics7. 16. Sur le fondement du 1er alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a dégagé plusieurs principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, à savoir : - la liberté d’association8 ; - la liberté d’enseignement9 ; - la liberté de conscience10 ; - la liberté individuelle11 ; - le respect des droits de la défense12 ; - l’indépendance de la juridiction administrative13 ; - l’indépendance des professeurs d’université14 ; - la compétence exclusive de la juridiction administrative en matière de contentieux de l’excès de pouvoir15 ; 6 « Commentaire autorisé » de la décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, préc. 7 Cons. const., 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, décision n° 2013- 669 DC, pt. 21 8 Cons. const., 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, n° 71-44 DC. 9 Cons. const. 23 novembre 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 relative à la liberté de l’enseignement, n° 77-87 DC ; Cons. const., 8 juillet 1999, Loi d’orientation agricole, n° 99-414 DC, pt. 6 ; Cons. const. 13 janvier 1994, Loi relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales, n° 93-329 DC, pt. 26. 10 Cons. const. 23 novembre 1977, n° 77-87 DC. 11 Cons. const., 12 janvier 1977, Loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales, n° 76-75. 12 Cons. const., 2 décembre 1976, Loi relative au développement de la prévention des accidents du travail, n° 76- 70 DC. 13 Cons. const., 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs, n° 80-119 DC. 14 Cons. const., 20 janvier 1984, Loi relative à l’enseignement supérieur, n° 83-165 DC. 15 Cons. const., 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, n° 86-224 DC. 6 - le rôle de gardien de l’autorité judiciaire en matière de propriété privée immobilière16 ; uploads/S4/ porte-etroite-cc-ief-alexis-fitzjean-o-cobhthaigh.pdf

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  • Publié le Dec 02, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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