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Page 1 Document 1 de 1 Europe n° 5, Mai 2011, comm. 149 Article 20 TFUE Commentaire par Anne RIGAUX CITOYENNETÉ EUROPÉENNE Sommaire Arrêt d'espèce ? Questions de principe ? Les acquis, les lacunes et les incertitudes de l'arrêt Zambrano sur la géométrie de la citoyenneté européenne. CJUE, gde ch., 8 mars 2011, aff. C-34/09, Gerardo Ruiz Zambrano c/ Office national de l'emploi (ONEm) Note : Pour paraphraser la fameuse formule forgée par le Professeur Robert Kovar à propos des directives, on peut estimer que l'arrêt Zambrano risque fort d'intriguer, déranger et diviser, et que c'est sans conteste sa singula- rité qui en sera la cause. Dans cette affaire en effet, la grande chambre de la Cour, au terme d'un arrêt particulièrement ramassé dont la réponse sur le fond tient en moins d'une dizaine de points fort peu motivés, qui contraste cruellement avec les conclusions remarquablement substantielles et subtiles de l'Avocat général Sharpston (qui ne consacrent pas moins de 133 points à un examen sourcilleux des différents problèmes juridiques en cause), vient de faire produire à l'article 20 TFUE relatif à la citoyenneté européenne des effets pour le moins étendus au bénéfice de deux ressortissants colombiens arrivés en Belgique en 1999, dont les deux puinés de leurs trois enfants sont nés dans ce pays respectivement en 2003 et 2005 et possèdent la nationalité de cet État. Pour simplifier, la Cour estime en premier lieu que l'article 20 TFUE octroie un droit de séjour au titre du droit de l'Union à des enfant mineurs sur le territoire de l'État membre dont ces enfants ont la nationalité, mais cela indépendamment de l'exercice préalable par ceux-ci de leur droit à la libre circulation sur le terri- toire des États membres. Cette conclusion vaut curieusement dans une situation qu'on aurait tendance à qua- lifier de purement belgo-belge, voire belgo-colombienne, ainsi que l'avaient d'ailleurs soutenu avec une belle unanimité tant les neuf gouvernements ayant présenté des observations sur cette affaire que la Commission, et ne peut manquer de susciter des interrogations sur les questions pourtant fondamentales de champ d'appli- cation fonctionnel des règles du traité. Cette première pétition de principe posée, la Cour en déduit immédia- tement l'octroi, dans les mêmes circonstances, au titre du droit au rapprochement familial, d'un droit de sé- jour dérivé aux ascendants, ressortissants d'un État tiers, qui assument la charge des enfants mineurs, doublé d'un droit à l'exercice en Belgique d'une activité économique, et des droits sociaux qui y sont attachés. Il est donc affirmé finalement que « l'article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre, d'une part, refuse à un ressortissant d'un État tiers, qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l'Union, le séjour dans l'État membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité et, Page 2 d'autre part, refuse audit ressortissant d'un État tiers un permis de travail, dans la mesure où de telles déci- sions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l'Union ». Cette solution met un point final à un long marathon administrativo-judiciaire ayant opposé le requérant aux autorités belges depuis septembre 2000, c'est à dire bien antérieurement à la naissance de leurs deux enfants sur le territoire belge, date à laquelle ces dernières avaient refusé aux époux Zambrano (et nécessairement à leur premier enfant) de bénéficier du statut de réfugié tout en assortissant la notification de l'ordre de quitter le territoire d'une clause de non-reconduite en Colombie, au vu de la situation de guerre civile prévalant dans ce pays. Ce feuilleton initialement fondé sur des problèmes de droit de séjour s'est finalement doublé d'un contentieux relatif aux conditions légales de travail et de protection sociale de la main d'oeuvre étrangère, puisque le contentieux qui aboutit aux questions préjudicielles posées dans la présente affaire par le tribunal du travail de Bruxelles est relatif à la contestation par Monsieur Zambrano de deux décisions de l'Office na- tional de l'emploi (ONEm) qui refusent de l'admettre au bénéfice des allocations de chômage au titre de la législation belge, dans la mesure où les journées de travail que ce dernier invoque au titre du stage requis pour les chômeurs de sa catégorie d'âge n'ont pas été accomplies en conformité avec les législations relatives au séjour des étrangers et à l'occupation de la main-d'oeuvre étrangère (pour des éléments détaillés de l'en- semble de la situation voir les explications détaillées figurant dans les conclusions de l'Avocat général, spéc. pts 18 à 32). S'agissant de l'élément d'ancrage « européen » du litige, c'est à dire la nationalité belge de deux des trois en- fants du couple Zambrano, on précisera qu'il résulte d'une conjonction juridique d'acquisition de la nationali- té assez acrobatique. En effet, en vertu de la législation colombienne relative à la nationalité, les enfants nés en dehors du territoire colombien n'acquièrent pas la nationalité colombienne, à moins qu'une déclaration expresse en ce sens ne soit faite auprès des autorités consulaires compétentes par les parents, ce que le couple Zambrano s'est abstenu de faire. En revanche, en vertu de l'article 10, premier alinéa, du code de la nationa- lité belge en vigueur à l'époque des faits « est Belge, l'enfant né en Belgique et qui, à un moment quelconque avant l'âge de dix-huit ans ou l'émancipation antérieure à cet âge, serait apatride s'il n'avait cette nationalité ». On précisera cependant que depuis décembre 2006, suite à une drastique modification de la législation belge, il est désormais devenu impossible à un enfant né en Belgique de ressortissants étrangers d'acquérir la natio- nalité belge « si l'enfant peut obtenir une autre nationalité moyennant l'accomplissement par son ou ses re- présentants légaux d'une démarche administrative auprès des autorités diplomatiques ou consulaires du pays de ses auteurs ou de l'un de ceux-ci ». Comme l'ont résumé avec une clarté remarquable les conclusions de l'Avocat général qui s'est appliquée à modéliser avec précision les problèmes juridiques soulevés (V. en particulier pt 39) « bien que l'action enga- gée devant la juridiction nationale ait principalement pour objet une demande d'allocations de chômage fon- dée sur la législation relative à la sécurité sociale et à l'emploi, et non une demande d'autorisation de séjour fondée sur le droit administratif, il apparaît donc avec évidence que la juridiction nationale ne peut trancher l'affaire dont elle est saisie sans savoir a) si M. Ruiz Zambrano peut prétendre à des droits dérivés tirés du droit de l'Union européenne en raison du fait que, en tant que ressortissants belges, ses enfants sont aussi des citoyens de l'Union et b) de quels droits jouirait un Belge qui, en tant que citoyen de l'Union, s'est rendu dans un autre État membre et est ensuite retourné en Belgique » (pt 40). On retrouve dans cette formulation un certain nombre de préoccupations cardinales, en premier lieu celle de la géométrie exacte des dispositions du traité relatives à la citoyenneté européenne au sens du traité (V. le rappel de la jurisprudence existante sur cette question dans les conclusions, pts 67 à 90), mais aussi celle des situations purement internes (V. Concl. pts 91 à 122) et celle des discriminations à rebours (V. Concl. pts 123 à 150), caractéristiques de questions de fond, encore à l'oeuvre de manière boiteuse dans le droit juris- prudentiel de l'Union, et auxquelles l'avocat général Sharpston s'est toujours montrée particulièrement sen- sible (V. notamment conclusions sous CJCE, 1er avr. 2008, aff. C-212/06, Gouvernement de la Communauté Page 3 française et gouvernement wallon), et qu'elle demande une fois de plus à la Cour d'aborder de front (V. Concl. Zambrano, spéc. pt 139). À cet égard, l'arrêt Zambrano n'opère pas les clarifications souhaitées, tout en donnant à la notion de ci- toyenneté européenne une portée exponentielle. Celle-ci est fondée sur le constat lapidaire selon lequel en premier lieu « l'article 20 TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d'un État membre le statut de citoyen de l'Union (voir, notamment, CJCE, 11 juill. 2002, aff. C-224/98, D'Hoop, point 27 ; CJCE, 2 oct. 2003, aff. C-148/02, Garcia Avello, point 21) ». Partant, et on ne contestera pas ce constat qui relève de l'évidence, il est clair qu' « étant de nationalité belge, dont les conditions d'acquisition relèvent de la compé- tence de l'État membre en question (voir en ce sens, notamment, CJUE, 2 mars 2010, aff. C-135/08, Rott- mann, point 39), les deuxième et troisième enfants du demandeur au principal bénéficient incontestablement de ce statut (voir, en ce sens, arrêts précités Garcia Avello, point 21, ainsi que Zhu et Chen, point 20) ». La Cour rappelle en second lieu, et il s'agit sans aucun doute de l'antienne de cette jurisprudence, que ce statut de citoyen de l'Union « a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (voir, notamment, CJCE, 20 septembre 2001, aff. C-184/99, Grzelczyk, point 31 ; CJCE, 17 sept. 2002, aff. C-413/99, Baumbast et R, point 82, et arrêts précités Garcia Avello, point 22, uploads/S4/ zambrano-anne-rigaux.pdf

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  • Publié le Nov 07, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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