1 CONSEIL D’ETAT Assemblée générale _________ Séance du jeudi 4 novembre 2021 N
1 CONSEIL D’ETAT Assemblée générale _________ Séance du jeudi 4 novembre 2021 N° 404001 EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS AVIS SUR UNE PROPOSITION DE LOI visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte 1. Saisi sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 39 de la Constitution de la proposition de loi enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, présentée par M. Sylvain Waserman, député, le Conseil d’Etat, après en avoir examiné le contenu, formule les observations et suggestions qui suivent. Cadre juridique en vigueur et contexte de la proposition de loi 2. La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a créé un régime unifié du lanceur d’alerte. Inspiré notamment des propositions de l’étude adoptée par l’assemblée générale du Conseil d’Etat en février 2016 (Le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger du 25 février 2016), ce régime donne une définition du lanceur d’alerte, organise des canaux et des procédures de signalement des alertes et prévoit des mesures de protection des lanceurs d’alerte contre d’éventuelles représailles. 3. Le constat réalisé notamment par le rapport d’information du 7 juillet 2021 présenté par M. Gauvain et M. Marleix, députés, sur l’évaluation de l’impact de la loi du 9 décembre 2016, est qu’en dépit des garanties élevées pour les lanceurs d’alerte que contient le régime créé par la loi du 9 décembre 2016, la protection et l’accompagnement des auteurs de signalement restent faibles en pratique, exposant parfois ceux-ci à de grandes difficultés. Ce rapport a proposé en conséquence de consolider le régime des lanceurs d’alerte à l’occasion de la transposition de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union. Cette directive souligne « le rôle clé des lanceurs d’alerte dans la révélation et la prévention des violations du droit de l’Union et dans la préservation du bien-être de la société » et prévoit des normes minimales communes pour garantir une protection efficace des personnes qui, ayant obtenu dans un contexte professionnel des informations sur des violations du droit de l’Union dans des domaines spécifiques, signalent ou divulguent publiquement celles-ci selon les procédures et dans les conditions qu’elle prévoit. Contenu et objectifs de la proposition de loi 2 4. La proposition de loi a pour objet de transposer la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019, et à l’aune des constats réalisés sur l’application du cadre juridique existant, de « construire un environnement clair et protecteur pour les lanceurs d’alerte ». A cette fin la proposition de loi contient les dispositions suivantes. Le titre Ier modifie la définition du lanceur d’alerte (article 1er) et étend les protections accordées aux lanceurs d’alerte à des tiers, personnes physiques ou morales, liées à celui-ci (article 2). Le titre II relatif aux procédures de signalement précise le fonctionnement des canaux internes et externes de signalement, les modalités de recours à la divulgation publique (article 3), et les garanties de confidentialité qui s’attachent au statut de lanceur d’alerte (article 4). Le titre III, relatif aux mesures renforçant la protection des lanceurs d’alerte, prévoit l’interdiction de mesures de représailles à leur encontre et s’efforce de mieux les protéger contre les procédures « baillons ». Il crée un régime d’irresponsabilité civile des lanceurs d’alerte et d’irresponsabilité pénale de ceux-ci à raison de l’obtention et du stockage des informations à l’origine du signalement (articles 5 et 6). Il améliore les conditions de leur réinsertion professionnelle en cas de sanction sans fondement et créée un référé-liberté spécifique à l’exercice du droit d’alerte devant le juge administratif (article 7). Il renforce et étend le champ des sanctions applicables aux personnes auteures de mesures de représailles contre les lanceurs d’alerte (article 8), impose aux autorités responsables d’un canal de signalement externe d’organiser un soutien financier et psychologique aux lanceurs d’alerte (article 9), modifie les dispositions de l’article L. 911-1-1 du code de justice administrative relatives à l’injonction de réintégration d’un agent public pour permettre leur application aux lanceurs d’alerte (article 10). Il met enfin en cohérence les dispositions de l’article L. 151-8 du code de commerce relatives au secret des affaires avec les nouvelles dispositions prévues par la proposition de loi (article 11). Les dispositions finales du titre IV précisent la date à laquelle la loi entrera en vigueur (article 12) et prévoient la compensation de la charge pour l’Etat résultant de l’application de la proposition de loi (article 13). Le Défenseur des droits a donné le 29 octobre 2021 un avis (n°21-16) sur la proposition de loi. Après avoir souligné les « avancées importantes » auxquelles aboutit le dispositif législatif envisagé, il recommande plusieurs voies d’amélioration de son rôle dans l’accompagnement et le soutien des lanceurs d’alerte et préconise de renforcer leur protection, notamment en amont des représailles dont ils peuvent faire l’objet. Observations générales d’ordre légistique 5. Le Conseil d’Etat prend acte du choix fait par la proposition de procéder par modification des articles concernés de la loi du 9 décembre 2016 et adjonction de nouveaux articles à ce texte. Mais il indique qu’une autre option consistant à abroger les dispositions du chapitre 2 du titre Ier de la loi du 9 décembre 2016 et à écrire une loi nouvelle dédiée au droit d’alerte suivant le plan très clair de la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 aurait été possible afin de gagner en accessibilité et en intelligibilité du texte. 3 A défaut, le Conseil d’Etat suggère à tout le moins de procéder à des restructurations de la proposition de loi, notamment de ses dispositions relatives aux canaux de signalement. Il recommande par ailleurs de prêter une attention particulière à la précision des termes utilisés et, dans la mesure du possible, d’adapter la terminologie de la directive au langage juridique français. Examen des dispositions de la proposition de loi Définition du lanceur d’alerte 6. La directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 prévoit une protection des personnes signalant des informations obtenues dans un contexte professionnel et relatives à certaines violations du droit de l’Union. Sont concernées les violations d’actes de l’Union précisément énumérés dans l’annexe, qui sont relatifs à dix domaines juridiques (marchés publics, services, produits et marchés financiers, sécurité et conformité des produits…), ainsi que les violations portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou relatives au marché intérieur. Les informations visées sont définies largement : elles peuvent porter sur des faits avérés ou sur des « soupçons raisonnables » et concerner des « informations sur des violations » qui se sont produites ou sont « très susceptibles » de se produire dans l’organisation où l’intéressé travaille ou dans une organisation avec laquelle il est en contact professionnel, ou encore des tentatives pour dissimuler de telles violations. La directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 permet aux Etats membres d’étendre la protection au titre du droit national à d’autres domaines que ceux qu’elle vise (art. 2.2) et d’adopter ou maintenir des dispositions plus favorables aux auteurs de signalement que celles qu’elle prévoit (art. 25.1). Elle précise que sa mise en œuvre ne peut constituer un motif pour réduire le niveau de protection déjà offert par un Etat membre dans les domaines qu’elle régit (art. 25.2). 7. En droit interne, le lanceur d’alerte est défini aujourd’hui par l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ». Le droit d’alerte a ainsi en droit national un champ large qui inclut d’ores et déjà la violation du droit primaire et du droit dérivé de l’Union européenne. Il peut être exercé dans un cadre professionnel ou hors de ce cadre. Mais son exercice est soumis à des conditions de qualification des violations faisant l’objet du droit d’alerte. Dans le cadre de la transposition de la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019, la proposition de loi donne une nouvelle rédaction, où le lanceur d’alerte est défini comme « une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime ou un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, une violation du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ». Les principales innovations consistent dans la suppression de l’exigence que la violation d’une norme de droit soit « uploads/S4/404001ppl-extrait-avis-lanceurs-d-x27-alerte.pdf
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- Publié le Oct 05, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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