LA NULLITE DU CONTRAT DE MARIAGE Germain Briire* II est relativement facile de
LA NULLITE DU CONTRAT DE MARIAGE Germain Briire* II est relativement facile de d6terminer les conditions de fond et de forme du contrat de mariage, mais il est plus difficile de savoir quelle sanction il faut appliquer quand ce contrat ne remplit pas l'une ou l'autre des conditions requi- ses. Certes, le contrat de mariage n'est pas le seul acte au sujet duquel on se demande encore si l'inobservation des prescriptions de la loi ou l'infraction A ses d~fenses appelle, comme sanction, la nullit6 absolue ou la nullit6 relative, car la th6orie des nullit~s est l'une des mati6res les plus difficiles du droit.1 Mais comme ce contrat est d'un type tout particulier, en raison de son caract~re tant irrevocable que composite, 1'analyse de sa nullit6 n'en est que plus complexe. C'est sans doute ce qui explique les courants nettement contradictoires que l'on d~c6le A ce sujet dans la doctrine et la jurisprudence, tant au Qu6bec qu'en France. Pourtant, il n'est pas inutile de savoir si la violation des rigles relatives au contrat de mariage entraine tel type de nullit6 plut6t que l'autre. On connait en effet les effets radicalement diff6rents de ]a nullit6 absolue et de la nullit6 rela- tive, quant aux personnes qui peuvent la faire valoir, quant A ]a possibilit6 de confirmer l'acte, enfin quant au temps durant lequel la nullit6 peut Etre invoqu6e.2 La question n'est donc pas d6pourvue d'int6r& pratique. Pour y apporter tout au moins des d61ments de solution, il importe de faire les distinctions qui s'imposent entre les diverses causes de nullit6 du contrat de mariage. Elles seront group6es en deux categories, ]a premiere 6tant r~serv~e aux causes qui donnent sfirement lieu A Ila nullit6 absolue, et la seconde A cefles qui engendrent une nullit6 dont le caract&re demeure incertain mais qui pourrait fort bien n'&re que relative. I- LEs CAUSES DE NULLITE ABSOLUE Les vices de forme, ainsi que les atteintes A l'ordre public, aux bonnes mceurs et aux lois prohibitives constituent les seules causes susceptibles d'entrainer de faqon incontestable la nullit6 absolue du contrat de mariage. Aussi est-il oppor- tun de les considrer s4parment, ce qui facilitera d'ailleurs la solution quant aux autres causes de nullit6. *Professeur A la Facult6 de Droit, Universit6 d'Ottawa (9ection de droit civil). lTrudel, G., Traiti de droit civil du Quibec, t. 7, p. 98. 2Les caractares diffrents des deux genres de nullit6 ont t6 particuli6rement bien soulign~s par le juge R Taschereau, dans l'arr~t Rosconi v. Dubois, [1951] S.C.R. 554, A la page 576. NULLITE DU CONTRAT DE MARIAGE A -Les vices de forme. Comme la loi exige que toutes les conventions matrimoniales soient r6diges en forne notaribe (art. 1264 C.C.), il en r6sulte que le contrat de mariage sous seing priv6 est nul de nullit6 absolue; c'est 1. en effet la sanction habituelle des vices de forme qui affectent un acte solennel.3 Pr&isons que l'acte notari6 en brevet n'6chapperait pas la nullit6, 4 notam- ment parce que le contrat de marage n'est pas au nombre des actes que la Loi du notariat indique comm'e pouvant 6tre requs de cette fa~on. Cette exigence de l'acte notari6 ne devrait cependant pas s'appliquer au con- trat de mariage fait . l'6tranger, m~me lorsque l'un des futurs 6poux est domi- cili6 dans la province de Quebec; l'adage locus regit actum est en effet reconnu par notre droit (art. 7 C.C.) . Par ailleurs, il n'y a pas que le contrat de mariage sous seing priv6 qui soit nul quant la forme. Le l~gislateur a sans doute voulu que l'acte notari6 en question ffit authentique, donc qu'il remplisse les conditions de l'article 1208 C.C. Dans l'affaire Dame Jacques v. Lessard, 6 on a considr6 un contrat de mariage comme nul pour le seul motif que la signature de l'une des parties faisait d~faut. C'est la femme qui avait demand6 'annulation, all6guant que son pere n'avait pas sign6 ce contrat passi alors qu'elle 6tait en minorit6; la pr& sence du p~re ainsi que son consentement &aient pourtant mentionns . l'acte, mais il n'y apparaissait pas qu'il 6tait incapable de signer. Les juges Rivard et Dorion ont affirm6 alors que 'acte, n'6tant pas authentique, ne r6pondait pas aux exigences de l'article 1264. Le juge Dorion-il est int6ressant de le noter - dit ne pas mettre en doute << la nullit6 absolue qui doit r~sulter du d~faut d'autorisation >> ; il semble plut6t que la nullit6 absolue r6sulte en l'oc- currence de l'inaccomplissement d'une formalit6 de l'acte authentique : la signa- ture de l'une des parties i l'acte ; le d6faut d'autorisation est une cause d'annulation et non de nullit6 absolue, comme on le soutiendra plus loin.7 Autre exemple : le contrat de mariage serait nul si le consentement d'une 3L'exemption de la forme notarize pour les contrats de mariage faits dans certaines localit6s ne semble plus avoir d'application aujourd'hui. Cf. Faribault, L., Traits de droit civil du Quebec, t. 10, p. 45. 4Faribault, L., op. cit., p. 42. GCf. Lesage, A., ConsidErations sur un contrat de mariage sign6 aux Etats-Unis, 59 R. du N., 533. L'auteur y analyse la validit6 et les effets du contrat de mariage fait dans 'Etat de New-York sous la forme des identures. Cf. igalement Castel, J.-G., De la forme des actes juridiques et instrumentaires en droit international priv6 qu~becois, (1957), 35 Can. Bar Rev. 654, . la page 689. 6(1932), 52 B.R. 325. 7Dans cette affaire, le juge Bernier s'est port6 dissident, estimant que la loi n'exige pas que le consentement et l'assistance soient donns par &rit et sous la signature des personnes concernes. No. 2] McGILL LAW JOURNAL personne incapable de signer, 6tant partie A l'acte pour y assister son fils mineur, n'6tait pas requ en presence d'un t6moin habile qui signat. 8 On peut aussi se demander si le contrat de mariage est nul pour vice de forme lorsque l'une des parties y est repr~sent~e par une personne munie d'une procuration qui n'est pas en forme notarize, comme doit l'Etre le contrat de mariage lui-m&xne. Certains de nos auteurs adoptent l'opinion des auteurs fran- qais selon laquelle l'acte authentique sous forme de procuration est alors exige. Le praticien fera sfirement mieux d'exiger une procuration en forne notarize, mais il semble que les tribunaux h~siteraient i annuler un contrat de mariage simplement parce que la procuration en question serait donn~e d'une autre faqon. On a en effet refus6 d'invalider d'autres actes solennels quand la procuration n'6tait pas dans Ia m~me forme.10 La post~rioritM du contrat de mariage A ]a c6l~bration du mariage lui-mrme constitue une autre violatiofi des r~gles de forme (art. 1264 C.C.) et entraine aussi la nullit6 absolue.m 1 Le contrat de mariage pass6 le jour m&ne du mariage, mais avant la c6l6bration, serait cependant valide.12 On connait par ailleurs la possibilit6 de modifier le contrat de mariage avant le mariage ; cela ne peut se faire, toutefois, qu'I des conditions tr6s pr~cises (art. 1266 C.C.), dont rinaccomplissement entraine la nullit6 absolue des chan- gements apport6s. II semble d'ailleurs qu'on doive appliquer cette s~v6rit6 A tout acte juridique susceptible d'interf6rer sur les effets du contrat de rnariage et non seulement A un changement explicite du contrat initial. II a 6t6 jug6 en effet que "constitue tn changement aux conventions matrimoniales et dolt a peine de milliti 6tre constat6 par acte notari6, tout ce qui d6roge i ces conventions entre les parties ou entre l'une d'elles et un tiers, tout ce qui modifie directement ou indirectement ]a situation cr6e par ces conventions, tout ce qui a pour effet de diminuer ou d'augmenter les avantages que les parties se sont conc&lds."' 3 L'inobservation des r~gles de publiciti est-elle soumise A ]a m~me sanction? "II semble plut6t qu'elle n'entraine aucune nullit6, mais simplement l'inopposa- bilit6 aux tiers. Cette publicit6, d'une nature particuli6re, est pr6vue aux arti- 8Cela r6sulte implicitement des motifs du juge St-Germain dans l'affaire Lessard v. dame Nadeau (1939), 66 B.R. 175. 9Cf. Turgeon, H., Le contrat de mariage du mineur (1941), R. du B., 157. Aussi, Faribault, op. cit., p. 66. 1ODans I'arr6t Pesant v. Robin (1918), 58 S.C.R. 96, of& le problime s'est pos6 au sujet de 'acceptation d'une donation, le juge Anglin aflirme : (zThe requirement of the law, in the Province of Quebec, that an instrument should be in authentic form does not import that the authority of an agent to execute it must be evidenced in the same manner. 3, A 'appui, il cite notamment la d&ision La SociU de Prits v. Lachance (1896), 5 B.R1 11, 6cartant la n6cessit6 de l'acte notari6 pour la nomination d'un mandataire charg6 de passer un acte d'hypothique. ItFaribault, op. cit., p. 44. 1 2Mignault, Le Droit civil canadien, t 6, p. 128. Aussi, Faribault, op. cit., loc. cit. 13Gagnj v. Berthiaunme, [1951] C.S. 366. [Vol. 4 NULLITE DU CONTRAT DE MARIAGE cles 65 et 1834 C.C. Pr~cisons que le ddfaut d'enregistrement du contrat de mariage n'affecte aucunement le contrat lui-m ne, puisqu'il n'est pas exig6 ; cependant, on doit souvent l'enregistrer, non pas uploads/S4/briere.pdf
Documents similaires










-
36
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 21, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.2201MB