1 L’ordonnance n°27 du 27 août 2008 et la réforme du droit de l'urbanisme rouma
1 L’ordonnance n°27 du 27 août 2008 et la réforme du droit de l'urbanisme roumain par Yves Jégouzo, Professeur émérite à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et Directeur du GRIDAUH Jean-Pierre Lebreton, Professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin, Directeur de la recherche du GRIDAUH Roland Peylet, Conseiller d’Etat Le gouvernement roumain s’est engagé sur la voie d’une substantielle réforme de son droit de l'urbanisme. Cette réforme s’imposait compte tenu d’un certain nombre de constats opérés quant aux insuffisances de la législations roumaine, faible effectivité, lisibilité difficile compte tenu des imbrications de nombreux textes, procédures ne permettant pas un contrôle efficace de l’occupation des sols et de nature à favoriser certaines dérives, intégration insuffisante des principes et exigences du droit européen et du droit communautaire. Ce constat a été dressé dans une étude publiée sur le site du GRIDAUH en 2007 par Jean-Yves Chapuis, Yves Jégouzo, Jean-Pierre Lebreton, Roland Peylet et intitulée « Droit de l’urbanisme de la Roumanie et l’intégration dans l’Union européenne ». Cette étude a été rédigée sur la base d’un rapport élaboré par les mêmes auteurs pour le compte du MEDDAD sur « l’élaboration d’un code de l'urbanisme roumain », rapport dressant un diagnostic de la législation roumaine en matière d’occupation du sol et ouvrant des pistes de réforme. L’ordonnance dite d’urgence n°27 du 27 août 2008 modifie et compléte le texte qui est à la base du droit roumain de l’urbanisme, la loi n° 350/2001 relative à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme. Elle s’inscrit délibérément dans les perspectives de la réforme nécessaire à l’éradication des faiblesses les plus évidentes du droit roumaine. L’ordonnance marque la volonté d’inscrire les politiques publiques relatives à l’organisation et à l’aménagement de l’espace dans le respect de deux exigences fondamentales, l’une et l’autre communes aux Etats de l’Union européennes, à raison à la fois de choix nationaux convergents et de l’obligation de se soumettre aux engagements internationaux et communautaires : 2 - il s’agit d’une part de l’exigence de base d’un perfectionnement des instruments d’intervention publique qui assure leur adéquation avec le principe de l’Etat de droit, - il s’agit d’autre part de ces nouvelles exigences, qui ont surgi au tournant du siècle qui portent à la fois sur la recherche d’une bonne gouvernance de l’aménagement et la poursuite des objectifs du développement durable I. L’ordonnance et l’Etat de droit Le droit de l'urbanisme roumain est en attente de perfectionnements pour se hisser à la hauteur des exigences attachées à la notion d’Etat de droit qui irrigue la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme sur laquelle veille la Cour de justice de Strasbourg et qui est revendiquée par l’article 1er de la constitution de la Roumanie1. Avant de présenter les apports de l’ordonnance, il est utile de rappeler, succinctement, ce que recouvre la notion d’Etat de droit et ses implications pour le droit de l'urbanisme. • Les exigences de l’Etat de droit. L’Etat de droit ne consiste pas – ou ne consiste pas seulement - dans une accumulation de règles ordonnant la vie sociale mais dans un système normatif présentant deux qualités essentielles : - la première qualité est la confiance dans la décision publique Il importe tout à la fois que cette décision puisse intervenir pour faire face aux nécessités de la vie collective, qu’elle s’inscrive bien dans le cadre défini par la loi, qu’elle soit perçue comme légitime, y compris par ceux dont les intérêts sont altérés, et qu’enfin, les acteurs de la vie sociale puissent, pour l’accomplissement de leurs projets, compter sur cette décision, autrement dit 1 Article premier : L'État roumain (extraits) (3) La Roumanie est un État de droit, démocratique et social, dans lequel la dignité de l'être humain, les droits et les libertés des citoyens, le libre développement de la personnalité humaine, la justice et le pluralisme politique représentent des valeurs suprêmes et sont garantis. 3 qu’elle soit identifiable, notamment par la publicité, et qu’elle soit précautionneuse des besoins de sécurité juridique, - la seconde qualité, qui recouvre d’ailleurs en partie la première, est la protection des droits fondamentaux ; Le premier des droits fondamentaux, que le droit de l’urbanisme met en cause, est le droit de propriété, protégé par l’article 41 de la constitution2 et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Les limitations que la décision, notamment d’urbanisme, peut apporter au droit de propriété, sont admissibles à certaines conditions : - elles doivent être justifiées par un intérêt public - si elles excèdent pas un degré de gravité au point de priver le propriétaire de la substance du droit sur son bien (soit par expropriation du bien ou par des restrictions apportées à l’usage de ce dernier telles qu’elles peuvent être assimilées à une expropriation), ce propriétaire doit pouvoir compter sur une compensation adéquate du préjudice. Parmi les autres droits fondamentaux affectés par le droit de l’urbanisme, il convient de relever celui de disposer des moyens d’assurer le respect de la légalité, par le recours à un juge habilité à constater les manquements à la légalité et à en tirer les conséquences ; et il importe que l’accès à ce juge soit largement ouvert, comme le veut l’article 9 de la convention signée à Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. 2 Article 41 : La protection de la propriété privée (extraits) (1) Le droit à la propriété, ainsi que les créances sur l'Etat, sont garantis. Le contenu et les limites de ces droits sont déterminés par la loi. (…) (3) Nul ne peut être exproprié hormis pour une cause d'utilité publique, déterminée conformément à la loi, moyennant une juste et préalable indemnité. (…) (5) La valeur des dédommagements prévus aux alinéas (3) et (4) est établie d'un commun accord avec le propriétaire ou, en cas de divergence, par voie de justice. (6) Le droit de propriété oblige au respect des charges concernant la protection de l'environnement et le bon voisinage, ainsi qu'au respect des autres charges qui, selon la loi ou la coutume, incombent au propriétaire. (…) 4 • Les apports de l’ordonnance. L’ordonnance n°27 s’inscrit délibérément dans la perspective d’une amélioration du droit de l'urbanisme mise en place par la loi n°350/2001 sur l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Sont présentés ci après les apports de l’ordonnance les plus significatifs. Un premier élément de perfectionnement tient dans l’attribution du pouvoir de refuser une autorisation de construire sur le fondement de certains intérêts fondamentaux – sécurité publique, présence de vestiges archéologiques notamment – alors même que le plan d’urbanisme applicable au terrain considéré permettrait la réalisation du projet (article 31- 1 de l’ordonnance). C’est là une solution qui est déjà reconnue par le droit de l’urbanisme français au travers des « règles générales d’urbanisme d’ordre public et dont l’ adoption par le droit de l’urbanisme roumain avait été suggérée lors de la rencontre des experts français et roumains de novembre 2007 à Paris (sur cette réforme, voir infra, 2ème partie). Une second élément de perfectionnement tient dans l’amélioration sensible de la combinaison des trois composantes de la planification urbaine locale, le plan d’urbanisme général (PUG), leplan d’urbanisme de détail (PUD) et le plan d’urbanisme de zone (PUZ). A cet égard, le rapport d’expertise avait relevé que le PUZ était une « clef de l’urbanisme roumain » exposant celui-ci à la dérive vers un urbanisme privé et dérogatoire, de nature à très sérieusement atteindre la confiance dans la règle normalement posée par le PUG. Les progrès sont sur ce point indéniables : - la place du PUG comme instrument directeur de l’urbanisme local est renforcée. L’article 46 de la loi sur l’aménagement du territoire est complété par un alinéa selon lequel : « Le Plan général d’urbanisme a un caractère de direction ainsi que de réglementation et il représente le principal instrument de planification opérationnelle, constituant la base légale pour réaliser des programmes et des actions de développement » (Planul urbanistic general are atât caracter director, cât şi de reglementare şi reprezintă principalul instrument de planificare operaţională constituind baza legală pentru realizarea programelor şi acţiunilor de dezvoltare) Le PUG devra désormais comporter une sorte de « noyau dur » fait de dispositions soustraites aux facultés dérogatoire ouvertes notamment au travers de PUZ. Des parties du territoire de la localité intéressée sont régies par les seules règles du PUG, à savoir celles que le plan a identifiées comme telles et celles pour lesquelles s’applique par ailleurs un régime particulier de protection. 5 De la même façon, l’admission d’une densité supérieure au coefficient d’utilisation du sol de 4 ne pourra être autorisée que par le PUG. - Les statuts des plans particuliers (PUD et PUZ) intéressant des parties du territoire couvert par le PUG sont précisés. Suivant le nouvel article 48 (1) de la loi d’aménagement du territoire, le Plan d’urbanisme détail « a exclusivement un caractère de réglementation spécifique » (planul urbanistic de detailu are exclusiv caracter de reglementare specifica), « par laquelle sont assurés les termes uploads/S4/commentaire-de-l-x27-ordonnance-27-2008.pdf
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- Publié le Jan 10, 2022
- Catégorie Law / Droit
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