Doc conflit de lois LOIS. LOIS RETROACTIVES. LOIS DE VALIDATION. DROITS FONDAME

Doc conflit de lois LOIS. LOIS RETROACTIVES. LOIS DE VALIDATION. DROITS FONDAMENTAUX. CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME. PROCES EQUITABLE Ass. plén. 24 janvier 2003 (Bull. civ. ass. plén., n° 2, p. 2, D. 2003. 1648, note Péricard-Pioux ; RFDA 2003. 470, note B. Mathieu)Baudron c/ Fédération des syndicats nationaux d'employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées par François Terré Membre de l'Institut ; Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas (Paris II) par Yves Lequette Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II) * * * Si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges. Faits. - Gérant des établissements accueillant des personnes handicapées, une association emploie des éducateurs lesquels assurent, entre autres, des permanences de nuit. En vertu de la convention collective applicable, ces heures de surveillance nocturne leur sont payées sur la base d'un système d'équivalence : les neuf premières heures de surveillance sont assimilées à trois heures de travail éducatif et les trois suivantes sont payées sur la base d'une demie heure de travail éducatif, chacune. Début 1998, certains éducateurs saisissent la juridiction prud'homale et demandent des rappels de salaire, des indemnités de congés payés et des dommages-intérêts. Déboutés en première instance, ils se prévalent en cause d'appel d'une jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation qui décide que les heures de surveillance nocturne constituent un temps de travail effectif et ne peuvent être rémunérées selon le régime d'équivalence institué par la convention collective applicable (Soc. 29 juin 1999, Bull. civ. V, n° 307, JCP E 1999, p. 1232, note J. Barthélémy). Une loi est adoptée, en date du 29 janvier 2000, dont l'article 29 valide l'équivalence des heures définie par la convention collective. Par une décision du 14 décembre 2000, la Cour d'Orléans confirme la décision des premiers juges. Un pourvoi est formé faisant valoir que la loi de validation du 29 janvier 2000, étant intervenue dans un procès en cours sans qu'un motif impérieux d'intérêt général le justifie, viole les dispositions de l'article 6 § 1 de la Conv. EDH posant le droit à un procès équitable. Arrêt La Cour, - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 14 décembre 2000), que l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public (ADPEP), au sein de laquelle s'applique la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, gère des établissements à caractère social et sanitaire ; que M. X... et d'autres salariés de cette association, employés en qualité d'éducateurs, assurent une permanence de nuit dans une chambre dite de « veille » mise à leur disposition dans chaque établissement pour leur permettre de répondre aux sollicitations des pensionnaires et à tout incident ; que ces heures de surveillance nocturne leur sont payées conformément à l'article 11 de l'annexe III de la convention collective prévoyant que les neuf premières heures sont assimilées à trois heures de travail éducatif et qu'entre neuf heures et douze heures, chaque heure est assimilée à une demi-heure de travail éducatif ; que les salariés, après avoir saisi, les 26 janvier, 12 février et 2 mars 1998, la juridiction prud'homale en réclamant des rappels de salaire, les indemnités de congés payés afférentes et des dommages- intérêts, se sont prévalus, en cause d'appel, d'une jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation qui a décidé que les heures de surveillance nocturne constituaient un temps de travail effectif et ne pouvaient être rémunérées selon le régime d'équivalence institué par la convention collective applicable ; que les syndicats CFDT des services de santé et services sociaux du Loiret et le syndicat SUD CRC du Loiret sont intervenus dans l'instance en réclamant le paiement de dommages-intérêts ; - Attendu que les salariés et les syndicats font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen : - 1/ que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable, résultant de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'oppose, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige ; qu'il était acquis aux débats que l'association était chargée d'une mission de service public et placée sous le contrôle d'une autorité publique qui en assure le financement par le paiement d'un prix de journée, que le procès l'opposant au salarié était en cours lors de l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et que ce texte, dont il n'est pas établi qu'un impérieux motif d'intérêt général le justifiait, remettait en cause, au profit de l'association, une jurisprudence favorable au salarié en matière d'heures d'équivalence ; qu'au vu de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser, ainsi qu'il lui était demandé, d'écarter l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 pour juger le litige dont elle était saisie ; - 2/ qu'il résulte des articles L. 212-2 et L. 212-4 du Code du travail, dans leur rédaction alors en vigueur, qu'un horaire d'équivalence peut être institué soit par un décret, soit par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel étendu, soit par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement soumis aux dispositions de l'article L. 132-26 du Code du travail ; qu'une convention collective agréée ne remplit pas ces conditions ; qu'en se fondant, par suite, sur l'institution d'un temps d'équivalence par la seule Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ; - 3/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les salariés intéressés effectuaient des heures de présence de nuit dans une chambre spécialement mise à leur disposition dans l'enceinte du foyer afin d'être en mesure de répondre à tout moment, en cas de besoin, aux sollicitations des personnes handicapées, et que, s'il y avait des temps d'inaction entre les interventions, ils devaient être considérés par ailleurs comme des temps de travail effectif ; qu'il s'en déduisait nécessairement qu'il s'agissait d'un temps pendant lequel les salariés étaient tenus de rester en permanence à la disposition de l'employeur pour les besoins de l'entreprise, de sorte que ces heures de garde de nuit constituaient un temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme tel ; que de ce chef, la cour d'appel a encore violé l'article L. 212-4 du Code du travail ; - Mais attendu que si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; - Et attendu qu'obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées ; que dès lors, la cour d'appel, en faisant application de l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige, a légalement justifié sa décision ; Par ces motifs, rejette. Observations 1 Aux termes de l'article 2 du Code civil, la loi « n'a point d'effet rétroactif ». On entend par là qu'une loi ne peut pas s'appliquer à des faits qui ont été accomplis antérieurement à son entrée en vigueur. La règle paraît de bon sens. Le droit privé a pour finalité d'organiser la vie en société et d'assurer la paix sociale en règlant les rapports entre les personnes privées. Comment pourrait-il atteindre ce but si les actes qui ont été accomplis, les situations qui ont été créées et les droits qui ont été acquis conformément à la loi alors en vigueur pouvaient être remis en cause à tout moment par une loi nouvelle ? Mais il arrive que le législateur se propose de déroger à cette règle. Le peut-il et dans quelle mesure ? Répondant à cette interrogation, l'arrêt ci-dessus reproduit pose les principes qui gouvernent la question (I). Les justifications qu'on invoque à leur soutien ne sont pas à l'abri de la discussion (II). I. - Les principes 2 Après avoir rappelé que le législateur peut, en matière civile, adopter des dispositions rétroactives (A), la haute juridiction apporte à cette affirmation, s'agissant des lois de validation, des limitations qu'elle emprunte uploads/S4/conflit-de-lois.pdf

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  • Publié le Fev 19, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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