Contentieux fiscal : principales évolutions Brahim KETTANI * Le contentieux est
Contentieux fiscal : principales évolutions Brahim KETTANI * Le contentieux est la manifestation d’approches opposant les intérêts de parties différentes à 1’occasion de l’application de la régle de droit propre à chaque systéme juridique. En matiére fiscale, le contentieux est un facteur de justice et d’équité fiscales à travers son double aspect de veille pour la stricte application de la loi et de révélateur des imperfections et insuffisances de cette loi. En réglementant les différentes procédures qui déterminent le dérou- lement et la solution des litiges, le législateur fiscal marocain a agi, dans une démarche progressive, d’un côté en assurant au contribuable des droits et des garanties dans ses rapports avec 1’administration et, d’un autre côté, en renforçant les moyens de lutte contre la fraude et 1’évasion fiscales. Aussi et parallélement à 1’évolution des textes législatifs, ayant abouti ã l’élaboration en 2007 du Code général des impôts (CGI), avec comme partie essentielle le Livre des procédures, 1’administration fiscale a également connu de grandes mutations tenant principalement à humaniser son action et à améliorer ses relations avec les contribuables. Ces mutations concernent autant le domaine du contentieux fiscal que les différentes phases de ce contentieux (I). C’est donc l’ensemble de la gestion du contentieux fiscal qui, au Maroc, a fait 1’objet de réformes durant ces dernières années (II). * Directeur de la législation, des études et de la coopération internationale, Direction générale des impóts, ministêm de l’Économie et des Finances. 82 Revue Française de Finances Publiques I. — LE DOMAINE ET LES PHASES DU CONTENTIEUX FISCAL Le contentieux fiscal comporte deux branches distinctes, à savoir le contentieux de l’assiette et celui du recouvrement. Dans le conten- tieux de l’assiette, le contribuable conteste la non-conformité au droit de l’impôt mis à sa charge. C’est ainsi que doit se comprendre le texte de l’article 235 du CGI selon lequel les réclamations du contribuable tendent ä obtenir soit la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire. S’agissant du contentieux de recouvrement, il ne concernait pour la DGI, jusqu’en 2004, que le droit d’enregistrement. Avec la prise en charge du recouvrement d’au- tres impôts et taxes à partir de 2004, la DGI a été amenée ä gérer progressivement cette partie du contentieux, concurremment avec les services de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR). Le contentieux fiscal comporte une phase administrative obligatoire déclenchée par une réclamation préalable devant l’administration, suivie d’une phase judiciaire éventuelle. La différenciation des deux branches du contentieux fiscal par référence à leur domaine nous conduit ä examiner successivement les règles concernant la réclamation dans le cadre de chacune d’elles. La règle de la réclamation préalable est une règle de base du conten- tieux de 1’assiette. La réclamation est formulée devant le Directeur des impôts ou la personne déléguée par lui à cet effet. Cette règle est impérative. En principe, la réclamation est formulée par écrit. Toutefois, cette formalité n’est pas nécessaire pour la contestation d’erreurs maté- rielles, ou de cotes faisant double emploi ou faux emploi. À peine d’irrecevabilité, la réclamation doit mentionner l’imposition contestée et contenir l’exposé sommaire des moyens du contribuable et ses conclusions. Elle peut avoir pour objet la réparation d’une simple erreur, souvent commise par le contribuable lui-même, 1’application de certaines mesu- res fiscales prévues par la loi en faveur du contribuable ou encore la contestation directe de l’imposition sur la base de moyens de fait et de droit. Le délai de la réclamation est de six mois ä compter de la date de mise en recouvrement du titre de recette ou du versement de l’impôt contesté lorsqu’il n’a pas fait 1’objet d’une émission préalable. En vertu de 1’article 117 du Code de recouvrement, la réclamation contentieuse n’a pas d’effet suspensif sur le recouvrement de l’imposi- tion contestée. Le contribuable qui conteste une imposition mise à sa Contentieux fiscal : principales évolutions 83 charge reste tenu de l’acquitter, même s’il formule dans les délais légaux une réclamation régulière. Il peut, toutefois, demander le sursis de paiement de cette imposition, l’octroi de ce sursis étant en principe conditionné par la constitution de garanties de paiement, proposées au comptable public ou réclamées par lui. L’administration dispose d’un délai de 6 mois pour statuer sur la réclamation du contribuable et se prononcer, par décision motivée en cas de décision de rejet, sur la validité de l’imposition contestée. Si aucune décision expresse n’est notifiée au contribuable dans le délai de six mois, le silence de l’administration équivaut au rejet de sa réclamation. Tendant à contester un acte du comptable public qui poursuit le recouvrement de l’impôt, la réclamation préalable dans le contentieux de recouvrement est portée par le redevable lui-même ou le débiteur solidaire de 1’imposition devant le directeur régional des impôts ou le trésorier régional. Le délai de réclamation est plus bref dans le contentieux de recouvre- ment que dans celui de l’assiette. En effet, la demande doit être adressée dans le délai de 60 jours ä partir de la notification de l’acte contesté. En matière de recouvrement, la réclamation peut avoir comme objet l’opposition aux actes de poursuites exécutés dans le cadre de la procé- dure de recouvrement forcé, la contestation des garanties de recouvre- ment constituées par le contribuable ou exigées par le comptable, le refus d’un sursis à paiement ou à exécution, ou encore la contestation de la dette fiscale dans son existence même par l’effet de paiements antérieurs, de la prescription ou de la compensation. Après instruction, l’administration doit se prononcer dans un délai de 60 jours à partir du dépôt de la demande. Si aucune décision n’a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, ä peine de forclusion, porter l’affaire devant le tribunal administratif. Il dispose pour cela de 30 jours à partir de la notification de la décision de l’administration. À l’issue de cette phase administrative, les tribunaux administratifs sont compétents pour connaitre des litiges nés de l’application de la législation et de la réglementation en matière rscale ainsi que des actions contentieuses relatives au recouvrement des créances publiques. Cette compétence de pleine juridiction revient en second degré aux cours d’appel administratives et, en cassation, à la chambre administra- tive de la Cour suprême. La saisine du tribunal peut être faite à l’initiative du contribuable ou de l’administration. 84 Revue Française de Finances Publiques Le recours devant le tribunal administratif peut porter soit sur les décisions définitives des commissions d’arbitrage, soit sur les décisions prises par l’administration suite à réclamation. Les redressements qui résultent de l’exercice du droit de contrôle ou de vérification par l’administration sont généralement contestés devant la commission locale de taxation puis, devant la commission nationale de recours fiscal. Les impositions émises suite aux décisions de ces commissions peuvent être contestées par le contribuable devant le tribunal administratif compétent dans le délai de d0 jours suivant la date de mise en recouvrement du titre de recette correspondant. L’administration dispose également du même droit de recours lors- qu’elle conteste la décision prise par ces commissions. Toutefois, si la décision de l’une ou de l’autre des deux commissions ne donne pas lieu à 1’émission d’un titre de recette, le recours judiciaire peut être exercé dans les soixante jours suivant la date de la notification de la décision desdites commissions. Le contribuable, qui n’accepte pas la décision rendue par l’adminis- tration suite à sa réclamation, peut saisir le tribunal compétent dans le délai de 30 jours à compter de la date de la notification de la décision précitée. À défaut de réponse de l’administration dans le délai de six mois suivant la date de la réclamation, le contribuable peut saisir le tribunal compétent dans les 30 jours à compter de l’expiration du délai de réponse précité. II. — LAGESTION DU CONTENTIEUX FISCAL DANS L’ADMINISTRATION MAROCAINE L’évolution du contentieux fiscal durant les dernières années a été caractérisée par la prédominance du contentieux de masse généré par les impôts de constatation (patente, taxe urbaine et taxe d’édilité). Dans le même sens, on remarque notamment l’accroissement du nombre de recours devant les commissions d’arbitrage et les tribunaux, consécutif au renforcement des garanties accordées aux contribuables et à l’institu- tion des tribunaux administratifs, ainsi que l’importance du volume des recours gracieux qui représente une part non négligeable dans le flux des réclamations reçues. D’une manière plus globale, on notera une évolution de la population fiscale, en raison de la prise en charge de nouveaux assujettis. Pour faire face aux flux des réclamaüons reçues par les différentes entités de la Direction générale, la démarche adoptée Contentieux fiscal : principales évolutions 85 a été guidée par le souci de créer les conditions de prévention et d’améliorer le traitement du contentieux. Parmi les actions entreprises en vue de la prévention du contentieux, il y a lieu de citer particulièrement la coordination entre les services qui seront associés avant les émissions des impôts pour rectifier certains comportements générateurs de contentieux et participer ensemble aux accords transactionnels à la uploads/S4/contentieux-fisc-princip-evolut-rffp-n-102-juin-08 1 .pdf
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- Publié le Nov 17, 2021
- Catégorie Law / Droit
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