H U M A N R I G H T S W A T C H Burundi La «justice» populaire au Burundi Compl

H U M A N R I G H T S W A T C H Burundi La «justice» populaire au Burundi Complicité des autorités et impunité La « justice » populaire au Burundi Complicité des autorités et impunité Copyright © 2010 Human Rights Watch All rights reserved. Printed in the United States of America ISBN: 1-56432-612-8 Cover design by Rafael Jimenez Human Rights Watch 350 Fifth Avenue, 34th floor New York, NY 10118-3299 USA Tel: +1 212 290 4700, Fax: +1 212 736 1300 hrwnyc@hrw.org Poststraße 4-5 10178 Berlin, Germany Tel: +49 30 2593 06-10, Fax: +49 30 2593 0629 berlin@hrw.org Avenue des Gaulois, 7 1040 Brussels, Belgium Tel: + 32 (2) 732 2009, Fax: + 32 (2) 732 0471 hrwbe@hrw.org 64-66 Rue de Lausanne 1202 Geneva, Switzerland Tel: +41 22 738 0481, Fax: +41 22 738 1791 hrwgva@hrw.org 2-12 Pentonville Road, 2nd Floor London N1 9HF, UK Tel: +44 20 7713 1995, Fax: +44 20 7713 1800 hrwuk@hrw.org 27 Rue de Lisbonne 75008 Paris, France Tel: +33 (1)43 59 55 35, Fax: +33 (1) 43 59 55 22 paris@hrw.org 1630 Connecticut Avenue, N.W., Suite 500 Washington, DC 20009 USA Tel: +1 202 612 4321, Fax: +1 202 612 4333 hrwdc@hrw.org Web Site Address: http://www.hrw.org Mars 2010 1-56432-612-8 La « justice » populaire au Burundi Complicité des autorités et impunité Carte du Burundi ......................................................................................................................... 1 I. Résumé .................................................................................................................................... 2 II. Recommandations ................................................................................................................. 6 III. Méthodologie .......................................................................................................................11 IV. Aperçu des structures administratives, policières et judiciaires locales du Burundi ............. 12 Structures administratives .................................................................................................. 12 Structures de police ............................................................................................................ 13 Structures judiciaires .......................................................................................................... 14 Étude de cas 1 : Participation et négligence de responsables locaux dans des actes de justice populaire à Buraza, province de Gitega, juillet 2009............................................................ 15 V. Le maintien de l’ordre au Burundi: Impunité, corruption et incidence sur la justice populaire 19 Inefficacité de la police en matière de maintien de l’ordre et de sécurité ............................. 22 Répartition des effectifs ................................................................................................ 22 Conditions nocturnes difficiles ...................................................................................... 24 Manque de motivation et de moyens ............................................................................ 25 Comportement criminel de certains policiers ................................................................ 26 Inefficacité des enquêtes de la police et des parquets ......................................................... 27 Libération de suspects ........................................................................................................ 29 Corruption .................................................................................................................... 31 Méconnaissance des raisons légitimes d’une libération ................................................ 34 Note sur les accusations de « sorcellerie » et la justice populaire ........................................ 37 Étude de cas 2 : Suspects livrés à la foule, Gisuru, province de Ruyigi, septembre 2009 ...... 42 VI. Implication et complicité des autorités dans des actes de justice populaire ......................... 46 Rôle direct de responsables locaux ..................................................................................... 47 La justice populaire comme manifestation de la violence politique ..................................... 52 Soutien inconditionnel aux « comités de sécurité » non formés ........................................... 53 Négligence des autorités ..................................................................................................... 58 Étude de cas 3 : La justice populaire rendue par les « comités de sécurité » de jeunes, Kinyinya, province de Ruyigi, mai 2009 .............................................................................. 60 VII. Absence d’enquêtes et de poursuites engagées par les autorités dans les cas de justice populaire .................................................................................................................................. 64 Protection de personnalités locales influentes ................................................................... 66 Capitulation face à la pression publique ............................................................................ 68 « La police estimait que c’était justifié » .............................................................................. 70 L’absence de plainte ........................................................................................................... 73 La « résolution à l’amiable » ................................................................................................ 75 L’obligation d’enquêter ....................................................................................................... 76 VIII. La réaction du gouvernement burundais ............................................................................ 78 IX. Les acteurs internationaux et la société civile burundaise ................................................... 82 La police ............................................................................................................................. 83 Le secteur judiciaire ............................................................................................................ 84 Les lacunes dans le soutien des bailleurs de fonds ............................................................. 84 La société civile burundaise, les médias et les ONG internationales .................................... 85 Annexe : Cas de « justice » populaire ayant entraîné la mort, 2009 .......................................... 86 Remerciements ......................................................................................................................... 94 1 Mars 2010 Carte du Burundi © Programme des Nations Unies pour le Développement au Burundi La « justice » populaire au Burundi 2 I. Résumé « Si un voleur vole, on n’a pas besoin d’un procès. Il est tué sur place. » ‒ C.I., commune de Butaganzwa, province de Ruyigi, 7 juillet 2009. Simon Ruberankiko a été brûlé vif par ses voisins le 1er août 2009. Ruberankiko, un homme séropositif de 54 ans, malade au point de ne plus pouvoir cultiver ses propres champs, était sorti furtivement de chez lui la nuit pour voler de la nourriture dans les champs d’un voisin. Furieux qu’il ait volé un régime de bananes, des habitants de la localité l’ont attrapé, battu et recouvert d’herbe sèche à laquelle ils ont mis le feu. Quelques jours auparavant, un autre voleur présumé avait été brûlé vif à quelques kilomètres de là. Personne n’a été arrêté pour aucun des deux meurtres. Le meurtre de Simon Ruberankiko a eu lieu sur une colline1 rurale de Muyinga, l’une des provinces du Burundi où la « justice populaire »2 est la plus courante. À la mi-2009, en l’espace de quatre mois, au moins neuf personnes ont été tuées dans des circonstances similaires à Muyinga, et une dixième a failli subir le même sort, faisant de Muyinga l’une des provinces les plus dangereuses du Burundi pour les personnes accusées de méfaits. Dans un premier temps, la police a fait montre de quelques velléités d’enquêter sur le meurtre de Ruberankiko mais elle a rapidement renoncé en l’absence de toute assistance des administratifs à la base (responsables de l’administration locale) qui lui donnaient l’impression de protéger les meneurs du groupe de lyncheurs. La plupart des agressions liées à la « justice » populaire —dont au moins 74 meurtres sur l’ensemble du pays en 2009 et au moins 59 cas où les victimes ont été blessées—n’ont donné lieu à aucune enquête policière. Ces personnes ont subi la vindicte populaire pour divers délits présumés, notamment pour adultère, vol simple (commis sans violence ou autres circonstances aggravantes), vol à main armée, viol et meurtre. Lorsque les chercheurs de Human Rights Watch et l’Association pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH) ont demandé aux habitants—dont certains ont révélé d’eux-mêmes qu’ils avaient participé aux meurtres— d’expliquer pourquoi ces personnes soupçonnées de délits étaient si fréquemment tuées 1 Au Burundi, la colline est la plus petite unité administrative, comptant environ 10 000 habitants. 2 Le terme « justice populaire » est utilisé au Burundi pour désigner les violences exercées par une foule sur un criminel ou supposé tel. Les termes « lynchage » et « vindicte populaire » sont également utilisés pour qualifier ces mêmes actes. 3 Mars 2010 plutôt que d’être remises à la police, les réponses étaient presque toujours identiques. Les gens ont déclaré qu’ils n’avaient plus confiance dans les forces de police ni dans le système judiciaire qui sont paralysés par la corruption, l’incompétence et un manque de moyens. Le même commentaire revenait souvent : « Lorsque nous appréhendons des voleurs et les remettons à la police, ils sont libérés deux ou trois jours plus tard. Alors nous avons décidé de nous charger nous-mêmes de la justice. » Le fait que la justice populaire fasse si rarement l’objet d’une enquête, et encore plus rarement d’un châtiment, montre une acceptation implicite de cette pratique par les autorités de l’État. Aux termes du droit international, l’État est tenu de garantir la sécurité de tous ses citoyens, y compris de ceux qui sont soupçonnés de délits. Mais certains responsables, en particulier au niveau local, participent eux-mêmes aux actes de justice populaire. D’autres ferment les yeux. Mal formés, débordés et sous-équipés, les policiers se mettent dans bien des cas en défaut d’ouvrir des enquêtes. Parfois, ils expriment ouvertement leur soutien à ceux qui sont prêts à se charger de rendre justice eux-mêmes : un chef de poste de la police à Mutaho, dans la province de Gitega, a déclaré à Human Rights Watch et à l’APRODH que toute personne qui attrapait quelqu’un en flagrant délit de vol la nuit pouvait légitimement tuer le voleur. Les meurtres de présumés criminels décrits dans le présent rapport ont lieu dans le contexte d’un pays émergeant d’un conflit et rongé par une effroyable pauvreté. La guerre civile de 1993-2009 a détruit les infrastructures et affaibli les institutions publiques, ainsi que la confiance envers l’administration publique. Elle laisse derrière elle un appareil judiciaire en proie aux difficultés et des forces de police qui ont dû être reconstruites en repartant de zéro. Les Burundais espéraient que les élections démocratiques de 2005 et la fin de la plupart des combats en 2006 déboucheraient sur une meilleure sécurité, une justice impartiale et un niveau de vie plus élevé. Même si le sentiment de sécurité de la majeure partie des Burundais s’est légèrement amélioré, le Burundi continue d’être confronté à une combinaison explosive de facteurs, à savoir la pauvreté, l’absence de forces de police efficaces, la circulation de dizaines de milliers d’armes légères, ainsi que l’insuffisance de perspectives économiques et éducatives, en particulier pour les milliers de jeunes ex- combattants que la guerre a laissés dans son sillage. Ces facteurs empêchent tout recul des différents types de criminalité, du vol simple au meurtre. Aucune statistique fiable sur la justice populaire au Burundi n’existait avant 2008, moment où uploads/S4/justice-populaire-au-burundi-complicit-des-autorit-s-et-impunit.pdf

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  • Publié le Mar 12, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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