« JUSTICE POPULAIRE ET DROITS DE L’HOMME» Bulletin d’information du Centre de r

« JUSTICE POPULAIRE ET DROITS DE L’HOMME» Bulletin d’information du Centre de recherche A Priori (CRAP) N° 3 – Janvier 2018 Gratuit et disponible en ligne sur www.centrederechercheapriori.com A Posteriori 2 N° 3 Janvier 2018 Justice populaire, justice parallèle ? Xavière Karelle TCHAKOUTE La justice populaire vaut-elle la peine ? Pencrace BEBGA La justice populaire : une mauvaise interprétation de la justice par les populations ABOU HANHIFA Hanaf 3 TABLE DE MATIERES Editorial “Barbarie devant le palais de justice” Dr. FOKA TAFFO Frédéric La répression des présumés auteurs de justice populaire au Cameroun : entre complaisance sociale et déni de justice. Arnaud BOA La justice populaire : échec de la justice institutionnelle (politique criminelle) ou simple déni de l’autorité de l’état ? Pierre Emmanuel MBIA, Juriste 4 7 10 12 Comité scientifique : Dr. FOKA TAFFO Frédéric, Directeur de Publication Dr. KAMGANG SIMEU Christelle Corinne Dr. YOGO Edouard Epiphane Comité de rédaction M. BOA Arnauld, Chef du Secrétariat de rédaction M. BEBGA Pencrace M. ABOU HANHIFA Hanaf Mlle TCHAKOUTE T. Karelle Xavière Secrétariat Centre de recherché A Priori, BP: 14879 Situé Face Cami Toyota, Immeuble Biophar­ ma, 2e étage E-mail : infos@centrederechercheapriori.com Tél : (+237) 651 444 900/ 690 10 88 01 www.centrederechercheapriori.com 14 3 A Posteriori, Bulletin d’information du CRAP Dr. FOKA TAFFO Frédéric Directeur du Centre de recherche A Priori EDITORIAL “Barbarie devant le palais de justice” La justice est un droit pour tous ! Ce droit suppose le droit de demander et d’obtenir justice pour toute atteinte subie contre sa propre personne ou contre ses bi­ ens. Demander et obtenir justice suppose l’exis­ tence de procédures et de ressorts institutionnels qui peuvent et doivent être mobilisés à cette fin. Par conséquent, bien que la justice soit un droit pour tous, il ne présuppose aucunement un droit de se faire justice. En effet, la justice est rendue par les institutions relevant du pouvoir judiciaire, suivant des procédures clairement définies à l’avance et par des magistrats assermentés. Toute œuvre de justice faite hors de ce cadre formel relève de la vengeance et constitue non seulement une atteinte fondamen­ tale aux droits de la personne qui la subie mais égale­ ment une atteinte inexcusable à l’autorité de l’Etat. Cependant, dans de nombreux Etats y compris au Cameroun, un phénomène s’est développée depuis quelques années et a maturé en princi­ pe de droit à tel point que les autorités publiques n’osent plus engager la moindre enquête à la suite des actes de barbarie que constitue la justice pop­ ulaire. En réalité, une fois que cette vengeance collective d’une brutalité et d’une animosité sans pareille s’est mise en scène, il ne reste plus qu’aux autorités publiques de procéder à l’inhumation ou à la restitution des restes du « présumé innocent » à sa famille. Oui, « présumé innocent » car il faut le rappeler, toute personne est présumée innocen­ te jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un tribunal compétent, indépendant et impartial. Notre objectif n’est pas seulement de critiquer ce qui est apparu à de nombreux observateurs com­ me des ratés de la justice populaire, c’est-à-dire des personnes brutalement assassinées sur des dénonciations fallacieuses ou des présomptions sans fondement, mais il s’agit d’une opposition de principe à un mal social qui dépouille l’institu­ tion judiciaire de sa fonction sociale et rétrograde nos Etats à l’état de nature. En effet, la justice pop­ ulaire est une violation grave et systématique des droits de l’homme qu’il s’agisse autant de celui qui n’est « coupable » de rien que de celui qui est pris en flagrant délit de commission d’une infraction. En effet, quelle que soit la victime de cette pra­ tique barbare, elle constitue une violation du droit à la présomption d’innocence, du droit d’accès à un juge et plus globalement du droit à un procès équitable. La justice populaire viole également le droit de toute personne à l’égale protection de la loi et plus dramatiquement, des droits aussi fon­ damentaux tels que le droit à la dignité humaine et le droit à la vie. Au surplus, la justice populaire est l’une des formes les plus abouties de la néga­ tion de l’Etat de droit et de la vie organisée en so­ ciété. Elle remet en cause l’autorité même de l’Etat. En réalité, la justice populaire s’est constituée aut­ our de l’idée suivant laquelle l’institution judiciaire, trop corrompue, était inapte à rendre justice. Elle est ainsi structurée autour d’un besoin de justice par­ allèle qui, celle-là, aveugle, tranche « équitablement » sans tenir compte des appartenances sociales. Toutefois, il est important de relever que ce faisant, la justice populaire tranche plus qu’elle ne rend jus­ tice. Car la justice est construite autour de principes fondateurs tels que la proportionnalité entre l’in­ fraction et la peine, la nécessité de rééduquer et de réinsérer le délinquant et plus fondamental, le car­ actère impérieux de respecter les droits de l’accusé. C’est compte tenu de tous ces éléments, que ce numéro s’attachera à réexaminer cette pratique qui, au fil du temps, est devenue un véritable mal social et dont l’éradication permettra de restaurer en de nom­ breuses situations l’autorité de l’Etat et de garantir à tous (les délinquants) une égale protection de la loi. Dr. Frédéric FOKA TAFFO 4 N° 3 Janvier 2018 La justice populaire : échec de la justice institutionnelle (politique criminelle) ou simple déni de l’autorité de l’état ? Rédigé par Pierre Emmanuel MBIA « Nul ne peut se faire justice à soi-même ». C’est en ces termes qu’est déclinée l’interdiction faite à toute personne, peu importe les circonstances, de se substituer au droit ou à l’autorité de l’Etat pour infliger une punition face à une action portant at­ teinte à ses intérêts et emportant des dommages. Cependant force est de constater que ces dernières années, l’environnement au Cameroun est car­ actérisé par des actes de justice privée, communé­ ment appelée « justice populaire », appliqués aux per­ sonnes accusées à tort ou à raison d’une infraction, et dont les conséquences sont la régression du droit pour tous de bénéficier des garanties procédura­ les permettant de parvenir au respect de l’Etat de droit où tout le monde est soumis au droit et à la loi. La justice privée, contraire au droit, est entendu par Gérard CORNU comme étant le fait « de se faire justice à soi-même ; de s’arroger le droit de procéder spontanément, de son propre mouve­ ment, à l’exécution de ses projets, sur la seule ap­ préciation personnelle du bien fondé de ses pro­ pres prétentions, sans recourir à la justice étatique ou à une autre autorité instituée, ni chercher dans l’arbitrage, la médiation, la conciliation ou la trans­ action, la solution amiable des conflits »[1]. Ce dernier rajoute qu’il s’agit d’une action unilatérale de propre justice que l’Etat de droit exclut dans le principe mais dont subsistent, par exception, des traces naturelles dans divers procédés séculaires d’autodéfense. Mais préalablement à la présenta­ tion des différents axes de cette analyse, une pré­ cision doit être faite sur la justice. Cette dernière s’entend dans un sens comme étant : « le fait de rendre à chacun le sien »[2], de telle sorte que de­ mander justice revient à réclamer son dû, son droit. Dans un autre sens, elle correspond au service pub­ lic en charge de rendre la justice, de faire droit, de dire le droit. Ainsi, la justice populaire pourrait être la résultante de la gouvernance approximative du modèle de justice dans ses aspects naturel et positif. Aussi, pour mieux saisir les contours de ce phénomène sociétal, réponse d’une minorité ou d’une majorité au phénomène criminelle ou à « l’injustice », il sera question d’envisager d’abord ses potentielles causes (1), et ensuite de faire une incursion dans ses mani­ festations dont la violence au sens propre du terme, comme au sens figuré, n’est plus à démontrer (2). La justice populaire : les causes du mal Pour situer les causes du phénomène de la justice populaire, et répondre au questionnement sur l’échec de la politique criminelle au sein de l’Etat, il y a lieu de situer le problème à deux niveaux : d’abord, d’un point de vue interne et ensuite externe. Trois axes peuvent permettre une analyse du problème : D’abord, un net recul de la justice sociale, ici force est de relever que l’absence de justice sociale no­ tamment le non-respect du principe de l’égalité de tous devant la loi ; du principe de l’égalité des chances entre autres, a pour effet de décrédibiliser le système de justice à telle enseigne que le recours à ce dernier n’est plus une option. Ainsi en est-il de l’accès aux fonctions administratives ; l’accès à l’emploi et aux grandes écoles ; la non soumission de certains gestionnaires à la contrainte de la loi et le silence face à ces situations qui sont des in­ dicateurs du malaise et de la mal gouvernance du système de justice au sens large et du système ju­ diciaire au sens stricte. Le dernier exemple en date uploads/S4/justice-populaire-et-droits-de-lhomme.pdf

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  • Publié le Nov 15, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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