e. Bulletin du droit d’auteur juillet-septembre 2004 DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES

e. Bulletin du droit d’auteur juillet-septembre 2004 DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES LES ORGANISMES DE GESTION COLLECTIVE AU CAMEROUN Dr Christophe Seuna1 Sommaire Introduction......................................................................................................................................2 I. La constitution des organismes.................................................................................................4 A. Les conditions de fond ........................................................................................................4 B. Les conditions de forme ......................................................................................................9 II. Le fonctionnement des organismes .......................................................................................10 A. Les mécanismes de fonctionnement..................................................................................10 B. Le contrôle du fonctionnement..........................................................................................12 Conclusion......................................................................................................................................14 1 Chargé de l’enseignement du droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies à l’Université de Yaoundé II (Cameroun), rapporteur de la Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective, l’auteur du présent article a aussi été membre de la commission de rédaction de l’avant-projet de la loi camerounaise du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. U e. Bulletin du droit d’auteur juillet-septembre 2004 Introduction En droit positif camerounais, le droit d’auteur est un ensemble de droits exclusifs sur les créations littéraires ou artistiques originales, alors que les droits voisins constituent des droits exclusifs octroyés aux auxiliaires de la création (artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, entreprises de communication audiovisuelle) sur leurs prestations que sont les interprétations, les vidéogrammes, les phonogrammes, les émissions de radiodiffusion2. Les droits ainsi octroyés peuvent être exercés par leurs titulaires respectifs. Mais est-il aussi possible de les mettre en œuvre par ce que la doctrine et les législateurs dénomment « sociétés de gestion »3, « sociétés de gestion collective », « sociétés d’auteurs »4 ou « de droit d’auteur »5, « sociétés de perception et de répartition »6, « organismes de gestion et de protection collective »7 ou « bureaux de droit d’auteur »8 ? Quel est, dans l’ordre juridique camerounais, le statut de ces organisations dont la mission est d’exercer les droits d’auteur et les droits voisins pour le compte des titulaires de ces droits ? Sous quel visage se présentent-elles ? Ce qui, en réalité, est en question, n’est rien moins qu’une technique juridique, qu’une modalité d’exercice au Cameroun des droits par des organisations dont l’importance ne cesse de croître dans l’environnement numérique. En effet, rares sont les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins qui peuvent gérer personnellement leurs droits, en négociant par exemple directement l’exécution sur scène d’une pièce de théâtre, l’édition d’un roman ou l’enregistrement d’une composition musicale. La majorité des titulaires, incapables de contrôler 2 Voir la loi camerounaise du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. 3 Voir le « Titre 4 : Sociétés de gestion » de la loi helvétique du 9 octobre 1992 sur le droit d’auteur et les droits voisins. 4 A. Schmidt, Les sociétés d’auteurs, S.A.C.E.M.-S.A.C.D., Contrats de représentation, Paris, L.G.D.J., 1971; J.-L. Tournier, « L’avenir des sociétés d’auteur », Revue internationale du droit d’auteur (RIDA), n° 170, octobre 1996, p. 96; Th. Desurmont, « Réflexions sur le devenir de la gestion collective des droits d’auteur: ombres et lumières », in Mélanges, A. Françon, Paris, Dalloz, 1995, p. 98; U. Uchtenhagen, « La création des sociétés d’auteurs, expériences et réflexions », Revue de l’OMPI, Le droit d’auteur, juin 1991, p. 135. 5 H. Cohen Jehoram, « Principes fondamentaux des sociétés de droit d’auteur », Revue de l’OMPI, Le droit d’auteur, 1990, p. 224. 6 Ministère français de la Culture, « La gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins en 1995 et 1996 par les sociétés de perception et de répartition des droits », Rapport présenté par la Sous-direction des affaires juridiques de la Direction des affaires générales, juin 1997; F. de Ridder, Droits d’auteurs, droits voisins dans l’audiovisuel, les sociétés de perception et de répartition, Paris, DIXIT, 1994. 7 Voir l’article 54 de la loi grecque du 4 mars 1993. 8 Ex. : Bureau béninois du droit d’auteur. Voir OMPI, Répertoire d’administrations nationales du droit d’auteur, Genève, OMPI, 1999. - 2 - e. Bulletin du droit d’auteur juillet-septembre 2004 toutes les utilisations des œuvres protégées, ont besoin d’une gestion par une ou plusieurs organisations qui peuvent prendre contact avec les usagers, négocier les contrats d’exploitation, percevoir et répartir les redevances et, le cas échéant, ester en justice. Ces organisations profitent aussi aux utilisateurs comme les organismes de radiodiffusion, qui ne peuvent, dans des délais raisonnables, obtenir des milliers de titulaires toutes les autorisations souhaitées. Les nouvelles technologies permettent de mettre à la disposition du public, par exemple sur l’Internet, un très grand nombre d’œuvres avec comme conséquence la multiplication des titulaires avec lesquels il est impossible de négocier individuellement9. Dans la quête d’une protection effective du droit d’auteur et des droits voisins, la question se pose moins de savoir si la gestion collective est nécessaire à l’ère numérique que de déterminer comment elle doit s’effectuer10. Tout se passe comme si la gestion collective était devenue le mode normal de mise en œuvre des droits. Mais, au-delà de ces considérations d’ordre pratique, le problème du statut des organisations de gestion collective au Cameroun touche aux principes juridiques qui gouvernent l’exercice collectif des droits, ainsi qu’à la nature juridique des pouvoirs et du contrôle de ces institutions. A l’importante question de la gestion collective le législateur a donné une réponse qui s’inscrit dans l’histoire du droit de la propriété littéraire et artistique au Cameroun. Jusqu’à l’entrée en vigueur, au Cameroun, de la loi française du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique11, la législation camerounaise n’avait pas spécialement régi ce mode d’exercice des droits12. C’est seulement depuis le 19 avril 1958 que la prise en compte spécifique des organisations de gestion par le législateur camerounais est devenue une donnée constante de l’ordre juridique camerounais, successivement à travers la loi de 1957, la loi du 26 novembre 198213 et les lois du 10 août 199014 et du 19 décembre 2000 relatives au droit d’auteur et aux 9 A. Lucas, « Nouvelles technologies et modes de gestion des droits », in L’avenir de la propriété intellectuelle, Paris, Litec, 1993, p. 28; J.-L. Tournier, « La gestion collective répond aux nouveaux défis » in Dossiers de l’audiovisuel, n° 88, novembre-décembre 1999, p. 28; Th. Desurmont, op. cit., p. 100. 10 Ph. Gosset, « Quelle gestion collective des droits d’auteurs à l’ère du numérique ? » in Dossiers de l’audiovisuel, n° 97, mai - juin 2001, p. 66 ; D. Gervais, « Gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins au Canada: perspective internationale », Rapport du Ministère de la Culture du Canada, 2001, p. 53; N.-P. Boisseau, « La solution de l’avenir à l’avènement de l’Internet. La gestion collective du droit d’auteur », Le Journal du Barreau, vol. 30, n° 3, 15 février 1998, p. 1. 11 Loi rendue applicable au Cameroun par le règlement d’application du 19 avril 1958. 12 Voir les divers textes français rendus applicables au Cameroun par le décret du 29 octobre 1887: loi des 19-24 juillet 1793 relative aux droits de propriété des auteurs d’écrits en tout genre, des compositeurs de musique, des peintres et des dessinateurs, loi du 19 juillet 1791 relative aux spectacles, etc. 13 Texte qui vise dans des dispositions éparses « l’Organisme national du droit d’auteur ». 14 Texte qui, dans l’une de ses dispositions finales, vise « l’organisme professionnel de droit d’auteur ». Voir pour l’étude de l’ensemble de la loi, Ch. Seuna, « La protection du logiciel - 3 - e. Bulletin du droit d’auteur juillet-septembre 2004 droits voisins. La récente réforme camerounaise de la propriété littéraire et artistique n’a pas épargné la gestion collective. A travers tout un titre qui lui est consacré15, la loi du 19 décembre 2000 a opéré une refonte du statut de ce qu’elle dénomme « organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins».16 L’article 75 de la loi dispose : « Les titulaires du droit d’auteur ou des droits voisins peuvent, aux fins de l’exercice de leurs droits, créer des organismes de gestion collective ». Mais le législateur camerounais ne se contente pas de formuler expressément ainsi la possibilité de recourir aux organismes fiduciaires. Il règle les modalités de la gestion collective en déterminant leur fondement et leur mode de fonctionnement. C’est par l’examen de ces divers aspects de la gestion collective qu’il convient de prendre la mesure de la réforme du régime de ces structures. I. La constitution des organismes Si la loi du 19 décembre 2000 pose le principe de la gestion collective, elle réglemente la création des organismes qui ont la charge d’une telle activité. Elle subordonne leur création à de nombreuses conditions prévues par la loi et son décret d’application du 1er novembre 2001. Ces conditions multiples peuvent cependant se regrouper en deux catégories : les conditions de fond et les exigences de forme. A. Les conditions de fond Certaines conditions de fond touchent à la forme juridique des organismes de gestion collective. L’article 20 du décret d’application de la loi du 19 décembre pose le principe selon lequel les organismes de gestion collective doivent « adopter la forme d’une société civile ou d’une personne morale à but non lucratif ». En exigeant la première forme, le législateur interdit uploads/S4/les-organismes-de-gestion-collective-au-cameroun-dr-christophe-seuna-sommaire.pdf

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  • Publié le Aoû 20, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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