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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Marine Le Pen décroche un prêt hongrois pour financer sa campagne PAR MARINE TURCHI ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 2 FÉVRIER 2022 Viktor Orbán et Marine Le Pen le 4 décembre 2021, à Varsovie. © Wojtek RADWANSKI / AFP C’est à nouveau à l’étranger que Marine Le Pen a décroché un prêt pour sa campagne: 10,6millions d’euros d’une banque hongroise, selon RTL. «Par rapport à toutes mes démarches dans les autres pays européens, l’atmosphère était plus libre en Hongrie»,indique à Mediapart Wallerand de Saint- Just, qui s’est occupé du montage. Au Rassemblement national, on prône la fermeture des frontières, sauf pour l’argent. C’est à nouveau à l’étranger que Marine Le Pen a décroché un prêt pour financer sa campagne présidentielle. D’après RTL, c’est une banque hongroise qui vient de prêter 10,6millions d’euros à la candidate. Ce que confirme à Mediapart Wallerand de Saint-Just, l’ancien trésorier du RN, qui indique s’être «un peu occupé du montage juridico-technique du dossier». « J’ai eu l’impression, par rapport à toutes mes démarches dans les autres pays européens, que l’atmosphère était plus libre en Hongrie qu’ailleurs, raconte-t-il, après avoir indiqué qu'il n'y aurait « aucune confirmation de [leur] part » de l'information. Ça ne veut pas dire que cette banque n’a pas fait à 100% son boulot, c’est considérable le dossier qu’ils nous ont demandé de monter pour parvenir à ce prêt. Les banquiers belges, italiens ou espagnols, ou même à Chypre, ils ne peuvent rien faire, ils sont tous tétanisés. En Hongrie, ce banquier-là, on ne l’a pas trouvé tétanisé.» Viktor Orbán et Marine Le Pen le 4 décembre 2021, à Varsovie. © Wojtek RADWANSKI / AFP Wallerand de Saint-Just refuse d’indiquer quels intermédiaires ont œuvré pour obtenir ce prêt, tout comme le montant de leurs commissions éventuelles. Il assure simplement qu’«à [sa] connaissance, il n’y a eu aucune intervention politique»: «Nous avons eu une introduction tout à fait banale dans cette banque, des gens qui connaissent et puis voilà. C’est passé par un circuit classique.» De son côté, l’attachée de presse du RN ne souhaite pas commenter l’information: «Nous ne confirmerons ni la nationalité ni le nom de la banque, comme nous nous y sommes engagés auprès d’elle», réagit auprès de Mediapart Caroline Parmentier, indiquant que ces informations seront rendues publiques «en temps utile lors de la publication des comptes de campagne des candidats». Viktor Orbán, son gouvernement ou ses proches ont- ils pu faciliter l’obtention de ce prêt? Là encore, le Rassemblement national ne répond pas. La question de l’ingérence éventuelle d’un pays étranger dans une campagne française se pose cependant. Ces quatre derniers mois, Marine Le Pen a rencontré le premier ministre hongrois à trois reprises. Fin octobre, en visite plusieurs jours à Budapest, elle s’était félicitée de «l’accueil» et de la «confiance» que lui avait réservés Viktor Orbán : Lors d’une conférence de presse commune, la candidate du RN avait estimé que «la Hongrie de 2021, sous la conduite de Viktor Orbán, se pla[çait] à la pointe du combat pour la liberté des peuples». Début décembre, Marine Le Pen avait à nouveau Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 échangé avec le dirigeant hongrois à Varsovie, où se réunissaient plusieurs partis d’extrême droite européens. Tout récemment, le 29janvier, ils se sont à nouveau entretenus à Madrid, dans le cadre d’une rencontre entre alliés européens, et Viktor Orbán a cette fois apporté un soutien officiel à la candidate du RN. « Nous partageons ensemble l’amour de notre pays et nous continuons à travailler ensemble pour une Europe des nations libres et souveraines », s'est félicitée Marine Le Pen, en postant sur Twitter une vidéo de leur poignée de main. Ces dernières années, comme Éric Zemmour ou Marion Maréchal, la candidate du RN a multiplié les déclarations en faveur du premier ministre hongrois. En 2019, elle s’était par exemple élevée contre la volonté du Parti populaire européen de suspendre le parti d’Orbán, en raison de ses campagnes diffamatoires et conspirationnistes envers Bruxelles. Ce prêt et ces visites ne sont pas sans rappeler d’autres prêts décrochés à l’étranger par le parti d’extrême droite. En 2014, Mediapart avait révélé que Marine Le Pen et son père avaient obtenu deux emprunts russes, respectivement de 9,4 et 2millions d’euros, après un long travail de lobbying et un positionnement pro-russe intensifié. Le prêt des quelque 9 millions, entouré de zones d’ombre, avait été racheté par d’obscures sociétés et n’a, à ce jour, toujours pas été remboursé intégralement par le Rassemblement national. «C’était prévu pour septembre 2019, c’est rééchelonné», explique Wallerand de Saint-Just, sans vouloir donner le calendrier. En 2017, autre campagne et autre prêt: 8 millions d’euros ont été versés depuis une banque à Abou Dabi, comme Mediapart l’avait révélé. Ce prêt était arrivé in extremis dans les caisses du Front national, une semaine avant le dépôt du compte de campagne présidentiel de Marine Le Pen. La somme, remboursée depuis, avait été avancée par Laurent Foucher, un homme d’affaires français implanté en Afrique, mais avec des fonds dont l’origine n’avait pas été clairement établie. L’argent avait été versé par Noor Capital, une société financière émiratie (lire notre enquête). Ce prêt était intervenu quelques années après un travail d’approche des Émirats arabes unis. En juillet 2014, la présidente du Front national avait reçu un représentant émirien qui aurait proposé d’«aider» le parti. En mai 2015, son voyage en Égypte aurait été «financé par les Émirats arabes unis», affirmait l’un de ses proches (lire notre enquête). Dans les deux cas – prêts russes et prêt «émirati » –, la justice française s’est penchée sur les commissions touchées par l’intermédiaire, l’ex-eurodéputé RN Jean-Luc Schaffhauser, qui a depuis quitté le parti. Une enquête préliminaire avait été ouverte en 2016 par le parquet national financier. Le Rassemblement national le répète, s’il se finance à l’étranger, c’est parce que les banques françaises refusent de lui prêter des fonds pour sa campagne. «Une discrimination scandaleuse», dénonce Wallerand de Saint-Just. Le parti d'extrême droite a d'autant plus de mal à financer ses campagnes que la loi s'est durcie en 2017, pour éviter les dons déguisés et prévenir toute ingérence étrangère dans la vie politique française. Depuis la loi pour la confiance dans la vie politique votée en 2017, les prêts de personnes physiques sont davantage encadrés et ceux des personnes morales sont interdits, à l’exception de ceux octroyés par les partis politiques et les banques basées dans l’Union européenne. Un État étranger ou une banque non- européenne ne peuvent donc plus prêter de l’argent. Le parti de Marine Le Pen a cependant pu compter sur l’aide du nouveau « médiateur des crédits » – chargé de faciliter le dialogue entre les candidats et les banques. «Il a fait un gros travail, concède Wallerand de Saint-Just. Avec ses conseils et son appui, le dossier de Marine Le Pen a été présenté aux six plus grands groupes bancaires français à partir du mois de septembre.» Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Mais à l’écouter, le Rassemblement national n’aurait eu «que des refus ou des absences de réponse», à l’exception du Crédit mutuel, qui aurait accepté à la condition que le parti obtienne «la caution d’une personne physique disposant d’au moins 10,5millions». «Nous n’avions pas ça. Il n’y a qu’à nous qu’une telle exigence est demandée!», affirme-t- il, citant un prêt de la même banque qu’aurait obtenu en 2017 le candidat Emmanuel Macron. Le 19 janvier, sur France Inter, Marine Le Pen avait affirmé avoir essuyé une cinquantaine de refus de banques pour l’aider à financer sa campagne. «Cette situation devrait scandaliser tous les gens attachés à la démocratie», avait-elle déclaré, regrettant que «la banque de la démocratie qui avait été promise par Emmanuel Macron [ait] été jetée à la poubelle sans qu’on n’ait la moindre explication». Pour les élections européennes, en 2019, le Rassemblement national avait fait appel à un emprunt auprès de ses sympathisant·es pour réunir les 4,5millions d’euros nécessaires. Pour les élections régionales, en 2021, il assure que ce sont les candidates et candidats qui se sont débrouillés avec les apports des uns et des autres. «En Île-de-France et en PACA, on avait besoin de 900000euros, ce n’est pas rien», souligne Wallerand de Saint-Just. Vendredi 28 janvier, le Rassemblement national s’était félicité, par la voix de son président, Jordan Bardella, d’avoir décroché un prêt de 10,6millions pour sa campagne présidentielle, correspondant au total du plafond de dépense remboursable par l’État. Mais il était resté évasif sur l’origine des fonds, parlant simplement «d’une banque européenne». Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, uploads/Finance/ article-1009666.pdf

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  • Publié le Oct 09, 2021
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