LE NY Goulven M2 Droit public des affaires Contentieux financier Par une décisi
LE NY Goulven M2 Droit public des affaires Contentieux financier Par une décision du 27 mai 2015 (n°374708), le Conseil d’État juge que le montant minimum du débet laissé à la charge du comptable en cas de remise gracieuse lorsque le comptable a commis un manquement ayant causé un préjudice financier doit être appliqué manquement par manquement et non pour la globalité d’un exercice. La décision n’en est pas moins intéressante à plusieurs titres, le Conseil d’Etat ayant profité de sa troisième décision depuis les réformes intervenues pour en préciser le régime et les conditions d’applications (ODINET Guillaume et DUTHEILLET DE LAMOTHE Louis, Responsabilité des comptables : le préjudice financier entre en ligne de compte, AJDA, 2015, p. 2142). Par un arrêt du 20 novembre 2013 relevant 27 manquements aux obligations comptables ayant causé un préjudice financier, la Cour des comptes a mis en débet les deux trésoriers-payeurs généraux des Bouches-du-Rhône respectivement de 3785283,04€ et 9087527,48€ au titre des exercices 2006 à 2009. Il s’agissait notamment du versement irréguliers d’indemnités dites “complément d’indemnité mensuelle de technicité”, indemnités dénuées de fondement législatif ou réglementaire et régularisées postérieurement par décret. Le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, se pourvoit en cassation et demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt de la Cour des comptes. En cas de de pluralité de manquements ayant causé un préjudice financier commis par un comptable public, le ministre chargé du budget est-il tenu de laisser à sa charge une somme plafonnée pour l’ensemble des manquements d’un exercice ou plafonnée manquements par manquements ? Le juge, pour engager la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics une fois le manquement constaté raisonne en deux temps. Le préjudice financier identifié (I), il peut appliquer le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire approprié et en cas de préjudice financier mettre le comptable en débet. Le ministre chargé du budget, pour exercer son pouvoir de remise gracieuse, est contraint par un plancher, part du montant du débet non rémissible, fixé par les textes (II). I - L’identification de l’existence ou de l’absence d’un préjudice financier occasionné par le manquement du comptable public Le juge est contraint de rechercher si un préjudice financier existe. Il conditionne le régime de responsabilité applicable (A). Cette recherche le conduit à préciser la manière dont il s’apprécie (B). A - La nécessité de rechercher l’existence d’un préjudice financier occasionné par le manquement du comptable 1 Au visa de l’article 60 de loi du 23 février 1960 fixant le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, le juge de cassation distingue deux situations. Dans son deuxième considérant, il rappelle que “le comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu à raison d'un manquement ayant causé un préjudice financier à l'organisme public concerné est susceptible de se voir accorder la remise gracieuse des sommes mises à sa charge par le juge des comptes”. Dans son troisième considérant, il ajoute que “le comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu alors que le manquement qu'il a commis n'a causé aucun préjudice financier à l'organisme public concerné peut se voir ordonner par le juge des comptes le versement d'une somme, insusceptible de faire l'objet d'une remise gracieuse par le ministre chargé du budget”. En d’autres termes, il résulte de l’article 60 de la loi du 23 février 1960 dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2011 (n°2011-1978) ayant réformé la responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics que : lorsque le comptable a commis un manquement n’ayant pas causé de préjudice financier, il est condamné au paiement d’une somme non rémissible que la doctrine a pu qualifier par confort de langage d’amende (ADVIELLE Frédéric et VAN HERZELE Pierre, Le juge des comptes et le préjudice financier, AJDA, 2014, p. 1987) ; lorsque que le comptable a commis un manquement ayant causé un préjudice financier, il est classiquement mis en débet et le pouvoir de remise gracieuse du ministre est plafonné. La distinction opérée par le Conseil d’Etat entre manquement n’ayant causé aucun préjudice financier et manquement ayant causé un préjudice financier en est rendue nécessaire : l’existence ou l’absence d’un préjudice financier détermine le régime applicable de responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public. C’est cependant certainement l’aspect de la réforme qui suscite “le plus de difficultés d’interprétation” (GIRARDI Jean-Luc et RENOUARD Louis, Évolutions de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, AJDA, 2012, p. 536). Il appartient “à la jurisprudence de préciser la notion de préjudice financier, terme qui n’a pas d’équivalent dans la jurisprudence civile ou administrative” (MICHAULT Christian et SITBON Patrick, La réforme des conditions de mise en jeu de la responsabilité des comptables publics, AJDA, 2013, p.681). On aurait cependant pu imaginer que la notion de préjudice en matière de responsabilité soit transposée de la jurisprudence administrative. C’est, après tout, en cette matière, le préjudice qui donne la mesure de la réparation, comme en matière financière lors d’une mise en débet (THÉBAULT Stéphane, Le pas de plus vers la responsabilité pour faute du comptable ou comment tout changer en préservant l'essentiel, RFFP, 2013, p. 238) Pour opérer cette distinction, le juge doit rechercher l’existence d’un préjudice financier et a été contraint, dans sa jurisprudence, d’en définir une méthode. B - L’appréciation du préjudice financier occasionné par le manquement du comptable Une lecture attentive de la décision fournit quelques précisions sur la manière dont le préjudice a été apprécié par le juge de cassation, le préjudice devant être imputable au 2 manquement du comptable et préjudiciable à l’organisme dont il tient les comptes (Cour des Comptes, 2014, Centre régional de la propriété forestière d’Aquitaine, n°68465 ; Cour des Comptes, 2014, Académie de marine, n°69090). En l’espèce, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement de la Cour des comptes qui avait identifié un préjudice financier causé par les dépenses litigieuses. Il s’agissait du versement de plusieurs indemnités dépourvues de tout fondement législatif. Le Conseil d’Etat le confirme, estimant que la Cour des comptes n’a sur ce point commis ni erreur de droit, ni erreur dans la qualification juridique des faits : “le comptable public qui procède au paiement d'une indemnité non instituée par un texte législatif ou réglementaire commet un manquement à ses obligations causant, eu égard au caractère indu de ce paiement, un préjudice financier à l'organisme public concerné”. En premier lieu, la circonstance que les indemnités irrégulièrement versées par le comptable public aient été régularisées postérieurement par décret est sans incidence sur l’irrégularité de la dépense et le préjudice qu’elle occasionne. L’existence d’un préjudice financier s’apprécie donc au moment de la dépense, confirmant la jurisprudence de la Cour des comptes sur ce point (Cour des comptes, 2014, CCAS de Pamproux, n°69806 ; Cour des comptes, 2015, ENM, n°72448). En soit, cela n’a rien de surprenant, l’acte de régularisation étant dépourvu de portée rétroactive (Conseil d’Etat, 1948, Société du journal de l’aurore, n°94511). Il faut cependant noter que la Cour des comptes admet la régularisation dans de rares situations, notamment lorsqu’elle intervient quasi immédiatement après le paiement de la dépense (Cour des comptes, 2015, Chambre régionale d’agriculture de Bretagne, n°72106). Ce constat a conduit la doctrine à considérer que “l’absence de fondement normatif suffisant des dépenses de personnel aboutit toujours à la constitution en débet” (GAILLARD Stéphane et PICARD et Jean-Eudes, L’existence d’un préjudice financier s’apprécie en principe au moment du paiement, AJDA, 2015 p. 1533). En second lieu, le Conseil d’Etat juge que le ministre ne peut, pour faire écarter l’existence d’un préjudice financier, se fonder sur le pouvoir hiérarchique qu’il exerce sur les comptables en cause ni sur le fait que le versement des indemnités litigieuses aurait été imputable à sa propre décision et versés à des fonctionnaires de son ministère. Aux termes des dispositions combinées de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires et du décret du 17 juillet 1985 relatif à la rémunération des fonctionnaires, il appartient au comptable public en cas de versement irrégulier d’une indemnité à des fonctionnaires de suspendre le paiement et d’en informer l’ordonnateur. De plus, les textes ouvrent à l’ordonnateur la possibilité de requérir par écrit du comptable de payer, et ce sous sa responsabilité. Le raisonnement ici développé s’agissant d’une dépense est analogue côté recette, il appartient au comptable de se livrer aux différents contrôles qu’il lui incombe d’assurer et d’accomplir les diligences requises (Conseil d’Etat, 2015, comptable du service des impôts des entreprises de Saint-Brieuc Est, n°370430). Le préjudice financier identifié, le Conseil d’Etat va appliquer le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en cas de manquement ayant causé un préjudice financier. 3 II - La mise en débet du comptable auteur d’un manquement ayant causé un préjudice financier et le pouvoir de remise gracieuse du ministre chargé du budget La décision commentée précise les conditions d’application de la part non rémissible du montant de la mise en débet (A). Le juge financier peut, au fond, uploads/Finance/ commentaire-de-la-decision-du-conseil-d-x27-etat-du-27-mai-2015-n0374708.pdf
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- Publié le Fev 25, 2021
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