Tiers-Monde Chine : L'ouverture à l'étranger François Gipouloux Citer ce docume

Tiers-Monde Chine : L'ouverture à l'étranger François Gipouloux Citer ce document / Cite this document : Gipouloux François. Chine : L'ouverture à l'étranger. In: Tiers-Monde, tome 27, n°108, 1986. Les réformes en Chine. pp. 825- 841; doi : https://doi.org/10.3406/tiers.1986.4424 https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1986_num_27_108_4424 Fichier pdf généré le 29/03/2018 CHINE : L'OUVERTURE A L'ETRANGER par François Gipouloux* Inaugurée lors du retour au pouvoir de Deng Xiaoping en 1978, ce qu'il est désormais convenu d'appeler la politique d'ouverture de la Chine aura suscité bien des convoitises et des déconvenues. Spectaculaire, le changement en matière d'échanges extérieurs l'est d'autant plus qu'il intervient au terme d'une longue période de quasi-autarcie. Le commerce extérieur chinois passe en effet de 14,8 milliards de dollars en 1977, à 20,6 milliards de dollars l'année suivante, puis à 37,2 milliards de dollars en 1980. Après une période de forte restriction des importations (1981-1982), baptisée « réajustement », le mouvement reprend avec plus d'ampleur encore. En 1985, le flux des échanges cumulés atteint 69,62 milliards de dollars1. Sur la période 1978-198 5, le rythme de progression du commerce extérieur (près de 30 % en moyenne annuelle) est très nettement supérieur à celui du pnb. Fait significatif, enfin : la part des échanges extérieurs dans le pnb s'accroît considérablement : 4,6 % en 1978, 12,9 % en 1985 2. Mais l'ouverture ne peut être réduite à l'accroissement des échanges extérieurs. Durant la même période, les institutions compétentes en matière de commerce extérieur ont été profondément remodelées, et le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les transactions s'est considérablement enrichi. Le recours à l'investissement étranger, le foisonnement des joint-ventures et l'ouverture de zones franches témoignent, au-delà de leur portée purement économique, d'inflexions idéologiques majeures. Pays en voie de développement notoirement sous-équipé sur le plan industriel, mais aussi économie socialiste pragmatique et... solvable, la Chine des années 80 serait-elle devenue la « dernière frontière » de l'économie internationale ? Sans nier l'originalité de l'expérience chinoise, sans précédent dans un environnement communiste, il convient de remarquer que la politique menée depuis 1978 suscite plusieurs interrogations de fond : l'ouverture induira-t-elle un autre modèle de croissance impliquant, à terme, une trans- * Chargé de recherche, cnrs. 1. Statistical Yearbook of China, ipSj, State Statistical Bureau, China, Hong-kong, 1985, pour 1977, 1978 et 1980. Pour 1985, cf. Renmin Ribao, 1-3-1986. 2. Sources : pour 1978, fmi ; pour 1985, calcul effectué à partir des chiffres fournis par RAfRB, 1-3-1986. Revue Tiers Monde, t. XXVII, n° 108, Octobre-Décembre 1986 Illustration non autorisée à la diffusion FRANÇOIS GIPOULOUX formation du caractère socialiste de l'économie? Par ailleurs, et c'est sans doute la question la plus controversée, l'ouverture est-elle irréversible ? Peut-elle en d'autres termes survivre à la disparition de Deng Xiaioping, son principal artisan ? I. — Le développement heurté des échanges extérieurs Contraintes physiques, longues traditions d'autosuffisance, partis pris idéologiques se sont conjugués pour ne confier au commerce extérieur qu'un rôle marginal dans le développement économique du pays. En 1978, le ratio commerce extérieur / pnb était en Chine l'un des plus bas du monde : 4,5 % pour les exportations, 4,7 % pour les importations3. C'est que les mécanismes des échanges extérieurs restent très sommaires : la planification de l'économie s'est faite très lourdement sentir sur la structure du commerce extérieur, auquel n'est dévolue qu'une simple fonction de rééquilibrage. Les importations, réduites au strict nécessaire, servent à compenser les carences de la production nationale, et accessoirement alimenter le marché en biens qui ne peuvent être produits localement. Les exportations, loin d'être conçues en termes de croissance ou d'emplois, ont pour seul objectif de générer les devises nécessaires à régler les importations. Durant les trente premières années du régime, les échanges extérieurs croissent ainsi pratiquement au même rythme que le pnb*. Graphique i. — Le commerce extérieur de la Chine (1978-198;) Unité : milliards de dollars 40- 30- 20- 10- П 10.89/9,75 15,67/13,66 19,55/18,27 19,48/20,89 17,48/21,32 18,53/22,20 25,36/24,41 42.26/27,36 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 Export (FOB) : Import (Cl F) : Sources : 1978-1984 : Statistical Yearbook of China, 19S}', 1985 : RMRB, i-j-1985. 3. Cf. Banque mondiale, China Socialist Economie development, Washington, 1981. 4. Pour une description détaillée des échanges extérieurs de la Chine durant cette période, cf. Nai Ruenn Chen, China's foreign Trade, 195 0-1974, in China : a reassment of the economy, Joint Economic Committee of the United States, Washington, 1975. Ou encore A. Eckstein, Illustration non autorisée à la diffusion chine : l'ouverture a l'étranger 827 Cette situation évolue radicalement à partir de 1978, lorsque la Chine décide de s'orienter vers une intégration accrue dans les échanges internationaux. Si la forte progression du commerce extérieur chinois de 1978 à 1985 est indéniable (les échanges triplent en huit ans), les comparaisons internationales ramènent ces performances à leur juste valeur : en 1983, le commerce extérieur de la Chine ne pesait pas plus que celui de Hong-kong (45 milliards de dollars), dépassait de peu celui de Taiwan (41 milliards de dollars), et représentait à peine plus de 1 % des échanges mondiaux6. Dans cette croissance continue, d'autre part, une fracture : 1981-1982, période de réajustement qui fait suite au premier déficit de grande ampleur enregistré en 1979 et 1980. Les importations seront comprimées pendant deux ans, jusqu'au retour à l'équilibre en 1982, au prix, il est vrai, de l'annulation de nombreux contrats d'achat « clé en main ». Bien que la traduction statistique n'en soit pas encore repérable, une nouvelle phase de restriction des importations, conséquence de l'énorme déficit commercial (14,7 milliards de dollars), s'ouvre en 1985. Reflet des mutations de l'économie chinoise, la structure des exportations s'est déformée durant cette période. Si le déclin des produits agricoles, sensible surtout de 1953 à 1976 s'est considérablement ralenti depuis (13 % en 1981, 14 % en 1984), la part des produits textiles, à l'inverse, va augmentant (8,8 % en 1955, 24 % en 1984). Le pétrole brut, enfin, apparaît comme une source majeure de recettes à l'exportation. Vendu en faibles quantités au début des années 70, sa part (29,7 millions de tonnes) représentait en valeur un quart des exportations chinoises en 1985e. Tableau i. — Composition des exportations chinoises (198 1- 19 8j) (en pourcentages) 1981 1982 1983 1984 1985 Produits primaires dont pétrole brut Produits manufacturés dont textiles-confection 47 24 53 16 45 24 55 20 43 21 57 23 46 23 54 24 5O,7 24,5 49,2 23,6 Source : Chinese Customs Statistics. Composées en 1984 de près de 70 % de produits primaires, dont les cours baissent, ou d'articles contingentés (textiles et certains produits de l'industrie légère), les ventes chinoises apparaissent, en raison de leur structure, extrême- Communist China's economic growth and foreign trade, McGraw Hill book company. Sur la période récente, voir Thierry Pairault, La Chine en quête de devises, in Les politiques économiques chinoises, NED, La Documentation française, juillet 1980, et F. Lemoine, Bilan et perspectives du commerce extérieur de la Chine, Economie et prospective internationale, n° 7, juillet 198 1. 5. Source : fmi. 6. Source : Chinese customs statistics, 1986, 1. Illustration non autorisée à la diffusion 8 28 FRANÇOIS GIPOULOUX ment vulnérables aux aléas de la conjoncture internationale. Le développement des produits manufacturés est hypothéqué par les performances médiocres de l'appareil industriel : mauvaise qualité des produits, retard considérable dans le design... A cela viennent s'ajouter des contraintes physiques : insuffisance du réseau ferroviaire (qui bloque le développement des exportations de charbon en particulier), et engorgement chronique des infrastructures portuaires. L'ensemble de ces facteurs explique la stagnation depuis deux ans des exportations chinoises au niveau de 25 à 26 milliards de dollars. En vigoureuse expansion depuis la fin des années 70, les importations, après avoir marqué une pause en 1980- 198 2, se sont accélérées à la fin du VIe Plan (4- 54,2 % en 1985). Une telle croissance est d'abord imputable à la poursuite de la réalisation de grands contrats, annulés ou suspendus durant la période de « réajustement ». Mais une plus grande souplesse de la réglementation, une autonomie accrue des corporations provinciales et la surchauffe de l'appareil industriel (20 % de croissance en 1985) expliquent surtout cette frénésie d'achats. Tableau 2. — Composition des importations chinoises (en pourcentages) Produits primaires dont produits alimentaires Produits manufacturés dont biens industriels et produits chimiques 1981 37 16 63 39 1982 40 22 6O 34 1983 27 73 34 1984 19 8 81 42 1985 12,4 4 87,5 49.3 Source : Chinese customs statistics. Les importations évoluent, au cours du VIe Quinquennat, vers des demi- produits (métallurgiques et chimiques), et des biens à forte valeur ajoutée. Le cas de l'acier est significatif, avec 19 millions de tonnes importées en 1985, soit près de la moitié de la production nationale. Après avoir connu un pic en 1978, les importations d'équipements complets (usines clé en main) régressent, mais les contrats d'achat de biens d'équipements professionnels se multiplient, même s'ils sont de montants unitaires plus faibles. Ce double mouvement est bien mis en évidence par le graphique ci-contre. Signe de l'amélioration du niveau de vie uploads/Finance/ gipouloux-chine-l-x27-ouverture-a-l-x27-etranger.pdf

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  • Publié le Jul 18, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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