Chapitre 6 : Les économistes socialistes Introduction On distingue généralement

Chapitre 6 : Les économistes socialistes Introduction On distingue généralement, dans l'école socialiste : • Les socialistes d'avant MARX, tel que Jean Léonard Sismonde de SISMONDI (1773-1842) et PROUDHON (1802-1864). • Le socialisme de Karl MARX (1818-1883), qu'il a qualifié lui-même de "scientifique", est beaucoup plus systématique. 1 – Jean Léonard Sismonde de SISMONDI Jean Léonard Sismonde de SISMONDI (1773-1842) est suisse. Né à Genève, patrie du protestantisme libéral, où sa famille s'était réfugiée à l'époque des guerres de religion. Il fit des études en Angleterre et sa famille y émigra ensuite, mais pour quitter l'Angleterre et s'établir ensuite en Toscane. Durant sa vie, il a publié de nombreux ouvrages, dont les « Nouveaux Principes d’Economie Politique » (en 1819), qui témoignent d'une indignation face à la misère et à l'exploitation engendrée par le capitalisme. Cette indignation est d'autant plus grande qu'elle naît à partir d'un optimisme initial et d'une admiration pour Adam SMITH. A – La concurrence est destructrice Sur la concurrence, ses idées ne sont pas des plus optimistes et il ne pense pas, comme plus tard Joseph SCHUMPETER (1883-1950), que cette concurrence soit créatrice. En effet, dans les Nouveaux Principes, il écrit : " L'attention du fabricant est sans cesse dirigée à faire la découverte de quelque économie dans le travail, ou dans l'emploi des matériaux, qui le mette en état de vendre meilleur marché que ses confrères. Les autres fabricants imiteront, s'ils le peuvent, les procédés du premier ; alors il faudra bien que les uns ou les autres renvoient leurs ouvriers et qu'ils le fassent dans la proportion de tout ce que la machine nouvelle ajoute au pouvoir productif du travail... L'inventeur d'un procédé nouveau... cherche à en faire un secret ; et s'il y réussit, il s'empare seul de ce qui faisait autrefois la richesse de tous. Ses confrères producteurs sont forcés à faire les mêmes rabais que lui ; toutefois, ils continueront quelque temps encore à vendre leurs marchandises à perte ; et ils n'abandonneront probablement leurs anciennes machines et leur commerce que lorsqu'ils se verront dans la nécessité de faillir ; le revenu qu'ils avaient auparavant disparaîtra ; leur capital circulant lui-même sera perdu ; leurs ouvriers seront congédiés et perdront leur gagne-pain. De son côté, le nouvel inventeur accaparera à lui seul toute cette branche de commerce ». B – L'anti-industrialisme de SISMONDI SISMONDI est anti-industrialiste. Il voudrait que le progrès se ralentisse et pour cela préconise de supprimer les récompenses aux inventions et aux manufacturiers, maintenir le métier contre l'envahissement de la fabrique, suspendre toute action gouvernementale tendant au développement de l'industrie. Il pense que l'industrie crée l'exploitation. Il emploie le terme de "mieux-value" et parfois de "plus-value", pour désigner, avant MARX, l'écart entre la valeur de ce que le travail produit, et la rémunération qu'il reçoit. Plus l'industrie progressera et plus cette exploitation s'amplifiera, pense-t-il. En outre, il pense, précurseur de MARX, que le capitalisme est incapable de surmonter les crises qui le traversent périodiquement cela provient du fait que l'entrepreneur ne se soucie pas de savoir si ce qu'il produit est utile à la société, mais seulement s'il peut tirer un profit de ce qu'il produit. Par conséquent, il y a risque de ne pas pouvoir écouler la production. SISMONDI fait partie des pessimistes, avec MALTHUS, qui pensent qu'il existe une insuffisance de la demande et que cette insuffisance est une des contradictions du capitalisme. Il pense que cette contradiction augmente avec la paupérisation, qui réduit le pouvoir d'achat des masses. Et il suppose implicitement que si l'on ne produisait que des choses utiles et non pas en fonction du profit, cette contradiction disparaîtrait. C – Réduire les antagonismes de classe Il propose l'accès des travailleurs à la propriété. Il suggère aussi que l'on légifère pour obliger les entreprises à prendre en charge l'assurance maladie de leurs salariés et de verser une allocation en cas de chômage. Mais il est conscient des difficultés de ce qu'il suggère. Il admet que d'obliger les entreprises n'a pas de sens si l'entreprise fait faillite. Cela le rend finalement assez pessimiste sur les possibilités réelles non seulement de faire disparaître l'exploitation mais même de la réformer. 2 – Pierre-Joseph PROUDHON Né en 1802 de famille modeste, Pierre Joseph PROUDHON (1802-1864) était typographe. C'est un autodidacte qui apprend l'hébreu et lit la bible dans le but de pouvoir mieux critiquer la religion. En 1840, il publie son ouvrage célèbre, "Qu'est-ce que la propriété". Il répond "La propriété, c'est le vol", phrase célèbre, mais dont nous verrons qu'elle ne doit pas être prise trop à la lettre. En 1846, il publie le "système des contradictions économiques ou philosophiques de la misère". En 1848, il est élu député et rédige des articles contre Napoléon III (1808-1873), ce qui lui vaut d'être emprisonné pendant 3 ans sous le Second Empire. Libéré, il se rallie au régime, mais sa liberté d'esprit le pousse à publier des textes antireligieux. Il est obligé de quitter la France pour la Belgique. Il meurt en 1864. B – Primauté de l'égalité PROUDHON pense que tous les hommes doivent être traités sur un pied d'égalité, car toutes les fonctions sociales sont interdépendantes, donc indispensables. Dans un hôpital, par exemple, le chirurgien n'est pas plus important que l'aide-soignante, car s'il n'y avait pas d'aide-soignante, le chirurgien ne pourrait pas faire son travail correctement. C – La propriété, c'est le vol Proudhon affirme que le propriétaire capitaliste, en payant le travail des ouvriers, paye "autant de fois une journée qu'il a employé d'ouvriers chaque jour, ce qui n'est point du tout la même chose". Ainsi il a fallu quelques heures à deux cents grenadiers pour dresser l'obélisque de Louxor sur la place de la Concorde81, "suppose-t-on qu'un seul homme, en deux cents jours, en serait venu à bout ?". La production est le résultat de l'utilisation de la force collective du travail et non de l'addition des forces individuelles des travailleurs. C'est la force collective qui permet le surplus d'énergie, et c'est le propriétaire capitaliste qui s'attribue ce surplus d'énergie. La propriété capitaliste, selon Proudhon, c'est le droit de jouir du travail des autres, c'est le droit de disposer du bien d'autrui. C'est pourquoi la propriété c'est le vol. La propriété, pour PROUDHON, fait partie de ce qu'il nomme les "réalités antinomiques" : elle est simultanément source de despotisme et garantie de liberté. Si la propriété est vol, selon PROUDHON, c'est parce que le propriétaire s'approprie ce qui ne lui appartient pas, à savoir le fruit du travail en commun, le fruit de la division et de l'organisation du travail. Il ne condamne pas la propriété. Il n'est pas communiste. D'ailleurs il déteste les communistes. Mais il est contre un système étatique qui garantit le droit de propriété actuel, qui n'est pas correctement défini puisqu'il permet au propriétaire de s'approprier le fruit du travail commun. Pour que l'on ait une société juste, pense-t-il, il faut que l'Etat disparaisse et que les relations entre individus soient gouvernées par le contrat. C'est cela, l'anarchisme de PROUDHON : pas d'Etat, pas de contrainte extérieure, uniquement des contrats librement consentis. C'est en cela qu'il est porté au pinacle par les libéraux, c'est parce qu'il prône la supériorité du droit sur l'Etat. Comme l'écrit Henri DENIS, "il pense que si les contrats sont correctement définis, il sera possible d'éliminer l'exploitation, c'est-à-dire tous les prélèvements des capitalistes, des propriétaires fonciers et des entrepreneurs, qui ne correspondent pas à la rémunération d'un travail effectif. Le bénéfice du patron tient à ce que celui-ci s'approprie le fruit du rendement supplémentaire résultant de la conjonction des efforts des ouvriers". D – L'intérêt n'est pas légitime Il convient enfin de mentionner sa controverse célèbre avec Frédéric BASTIAT sur la légitimité du taux d'intérêt. PROUDHON est profondément anticapitaliste. Il a une conception caricaturale du capitaliste. Pour lui, le capitaliste, c'est un financier, un banquier avec un gros cigare, qui s'approprie le fruit du travail d'autrui à travers l'intérêt qu'il exige des prêts qu'il consent. PROUDHON prône le mutualisme bancaire, la mise en commun de leur argent par les ouvriers. L'argent est ensuite prêté à ceux qui souhaitent s'émanciper de leur patron et mettre en oeuvre leur propre capacité de travail. En 1849, PROUDHON tente de créer une banque mutualiste, mais ce sera un échec. Cela le rendra encore plus agressif vis-à-vis des banquiers juifs, qu'il considère comme les symboles même du capitalisme. L'antisémitisme de PROUDHON est partagé par de nombreux socialistes anticapitalistes, tel FOURIER et cette tradition, que l'on retrouve aujourd'hui chez les altermondialistes pro-arabes, a toujours été très vivante dans la gauche française (bien davantage qu'au sein de la droite libérale). 3– Karl MARX : le socialisme scientifique Né à Trèves en 1818, Karl MARX (1818-1883) est le fils d'un avocat israélite converti au protestantisme afin de pouvoir exercer son métier. Il se destine à l'enseignement et étudie la philosophie. Mais au cours de ses études, et au fil de ses rencontres, il devient révolutionnaire, quitte l'Allemagne, séjourne en Europe et s'établit finalement en uploads/Finance/ hfpe-chap6.pdf

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  • Publié le Fev 25, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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