1 Les conséquences des crises financières de 2008/2009 et 2011/2012 sur l’assur

1 Les conséquences des crises financières de 2008/2009 et 2011/2012 sur l’assurance. Jérôme Bonnard Professeur à l’Université de Paris 8 Saint-Denis Directeur du Master de Droit des Affaires et Fiscalité Membre du Laboratoire de Droit médical et de la santé (EA 1581) Introduction Ces dernières années, deux crises ont ébranlé la planète financière : en 2008 et 2009, la crise dite des subprimes (en anglais : subprime mortgage crisis), et, depuis 2011, la crise de la dette souveraine des pays européens. La question qui se pose est de déterminer les impacts de ces deux crises sur l’assurance. À en croire les médias aphones, les autorités de régulation et de contrôle peu efficientes et les Compagnies bancaires et d’assurance de La Place en cure d’auto satisfaction, il n’y a aucun problème. Chacun son point de vue. Aussi vais-je vous faire partager celui des premières victimes de ces deux crises financières. La première victime est un professeur de droit des assurances qui, pour actualiser ses cours et ses manuels, doit délaisser son Code civil et son Code des assurances, et chercher dans des ouvrages de droit et techniques des instruments financiers le mode d’emploi du droit des assurances, dans sa version du Troisième millénaire. Jour après jour, il tente de percer les mystères de la finance de marché et du dernier ovni-juridico-économico-financier créé par l’ingénierie financière, puis vendu par des « commerciaux » du secteur de la bancassurance à leurs clients. Cet enseignant-chercheur a beaucoup de mal à comprendre, si n’est la différence entre un produit dérivé et un produit structuré, au moins ce que sont des OPCVM « à formule », visés à l’article R. 214-27 du Code monétaire et financiers, des OPCVM structurés de droit étranger halshs-00655657, version 1 - 1 Jan 2012 2 équivalents, visés à l’article 36 du règlement de l’Union européenne n° 583/2010 de la Commission du 1er juillet 2010 mettant en œuvre la directive 2009/65/CE, des titres de créances complexes et des titres financiers équivalents, notamment les EMTN (Euro Medium Term Notes). Tous ces « produits » ont envahi, sur la pointe des pieds, les contrats d’assurance sur la vie en unités de compte qui ont progressivement remplacé nos bons vieux contrats d’assurance-vie qui étaient libellés en monnaie jusque dans les années 1970 ! PRIPs !!! Pour l’anecdote, on rappellera que, depuis 2007, la Commission européenne tente de mettre en place, dans un souci de cohérence et de clarification (sic !) une réglementation protectrice des consommateurs qui accèdent aux marchés financiers, commune aux OPCVM, aux produits structurés, aux contrats d’assurance vie en unités de compte et à quelques produits de retraites, sous le label imagé de PRIPs-Packaged Retail Investment Products (en vieux français : Produits d’investissement de détail packagés). La dernière étape, avant l’élaboration de propositions d’initiatives législatives, est un appel à contribution pour tout investisseur, autorité publique et plus largement toutes personnes concernées, avant le 31 janvier 2011. Les autres victimes, bien plus à plaindre, sont les clients des Compagnies d’assurances et des établissements bancaires et financiers. Aujourd’hui, ces consommateurs-épargnants, parfois appelés « assurés », sont de moins en moins « rassurés ». En effet, ils avaient souscrit ces étonnants « produits » d’assurances sur la vie en unités de compte, sans vraiment comprendre le sens des mots « fonds à capital garanti » ou « garantie intégrale du capital à l’échéance hors commission » soufflés à leur oreille par des intermédiaires et conseillers bienveillants, peu ou prou compétents dans le domaine des assurances. Plan. Partant de là, nous présenterons notre étude en deux parties. La première partie abordera les impacts des crises financières sur les sociétés d’assurance. La deuxième partie présentera les impacts de ces crises sur les assurés. halshs-00655657, version 1 - 1 Jan 2012 3 Première Partie. L’impact des crises financières sur les sociétés d’assurance : « Tout va très bien Madame la Marquise. » A. L’impact de la crise des subprimes 1. Du côté des assureurs des États-Unis AIG. Le premier assureur américain, AIG (American International Group), a été lourdement touché par la première crise financière de 2008/2009, affichant une perte abyssale de 99,3 milliards de dollars pour 2008. Cependant, AIG a été sauvé de la faillite par l’apport de 182 milliards de dollars de la banque centrale américaine (Federal Reserve Bank), qui détient désormais 80 % de son capital. Pour rembourser cette somme, AIG s’était engagé à céder divers actifs, en particulier le contrôle de ses filiales d’assurance-vie et de son activité d’assurances-dommages des entreprises, pour se recentrer sur ses autres assurances de dommages. Ainsi, en 2010, AIG a-t-il introduit à la Bourse de Hong Kong sa filiale d’assurance-vie asiatique American International Assurance, et cédé sa filiale américaine d’assurance-vie Alico à son concurrent MetLife pour 16,2 milliards de dollars. En 2011, AIG et le Département du Trésor américain ont conjointement cédé des actions de l’assureur pour 8,7 milliards de dollars. Subprime, titrisation, hedge funds et Cies. L’effondrement d’AIG n’était pas lié à ses activités d’assurance, mais à ses activités financières dans le cadre de montages complexes victimes de la déroute de l’immobilier américain (subprime). En effet, AIG Financial Products avait investi plus de 1 600 milliards de dollars dans des produits toxiques comme des papiers commerciaux adossés à des créances hypothécaires (Collateralized Mortgage Obligations, CMO), échappant à tout contrôle effectif. L’on sait que ces halshs-00655657, version 1 - 1 Jan 2012 4 créances ont été regroupées dans des lots (titrisation), cédés à des sociétés ad hoc (fonds de pension, fonds d’investissement à vocation spéculative dits hedge funds…), puis acquis par divers investisseurs sur des marchés financiers. Les titres de ces investisseurs ont perdu toute valeur lorsque les ménages ont été dans l’impossibilité de rembourser les mensualités de leurs emprunts à taux variables et de revendre leur maison. Ces actifs toxiques ont souvent été acquis par des sociétés américaines d’assurance, directement ou par l’intermédiaire de filiales de gestion alternative qui ont créé des fonds d’investissement ou pris le contrôle de fonds existants. On ajoutera que l’activité même d’assurance d’AIG est restée bénéficiaire dans le domaine de l’assurance dommages, de l’assurance-vie, et de l’assurance-auto. En revanche, l’activité d’assurance d’AIG a quand même dû subir le contrecoup de la crise financière, puisque cet assureur avait placé des contrats d’assurance dont l’objet était de garantir les assurés contre les risques spéculatifs et même les faillites d’entreprises. 2. Du côté des assureurs européens Ethias, Fortis,… La crise financière de 2008/2009, n’a pas épargné d’importants groupes bancaires européens dont les filiales d’assurance vendent des contrats d’assurances de personnes sur le territoire français. L’exemple le plus médiatisé a été celui des sociétés d’assurance belges. Cependant, ces sociétés n’ont pas été mises en faillite et leurs assurés n’ont pas perdu leurs garanties. D’abord, parce que les actifs des sociétés d’assurance européennes sont normalement protégés par les règles prudentielles et de surveillance qui ont été harmonisées pour les États membres. Ensuite, parce que ces sociétés d’assurance ont été sauvées in extremis. Ainsi l’État Belge a-t-il renfloué la société mutuelle d’assurance Ethias, filiale de Dexia, elle-même démantelée en octobre 2011 entre les États belges et français. Le groupe BNP Paribas qui avait envisagé de racheter la totalité du bancassureur Belge Fortis a acquis 25 % de Fortis Holding Assurances et 75 % de Fortis Banque. En 2010, Fortis halshs-00655657, version 1 - 1 Jan 2012 5 Holding a été renommé Ageas pour se différencier de Fortis Banque, devenu BNP Paribas Fortis. ING. On notera encore que l’État néerlandais a injecté, en 2008, 10 milliards d’euros dans le capital du bancassureur ING et qu’il s’est porté garant, en 2009, de 80 % de son portefeuille titrisé de crédits risqués. En 2010/2011 le groupe ING était redevenu bénéficiaire, grâce à son secteur bancaire, et il envisageait de se séparer de ses activités d’assurance et de rembourser l’État néerlandais avant la fin de l’année 2012. 3. Du côté des assureurs français Les provisions des sociétés d’assurance. Les provisions techniques des sociétés d’assurance françaises pour garantir les risques d’assurés ont-elles été affectées par la chute des marchés boursiers et l’effondrement de la valeur des titres financiers hypercomplexes ? 1 329 milliards d’euros. On appelle provisions techniques (ou provisions mathématiques en assurances-vie), l’ensemble des engagements financiers de l’entreprise d’assurance à l’égard des assurés ou des bénéficiaires des contrats. En effet, le montant des primes versé à l’assureur est loin de lui appartenir intégralement. La plus grande part constitue la garantie des assurés et des bénéficiaires des contrats d’être indemnisés par l’assureur. Ainsi, selon la branche d’assurance concernée, les provisions techniques représentent un pourcentage de 60 à 95 % du montant des primes, après déduction des frais de gestion et des taxes prélevées pour le compte de l’État. En 2010, l’encours des contrats d’assurance-vie et de capitalisation (provisions mathématiques + provisions pour participation aux bénéfices) s’élevait à 1 329,7 milliards (Sources : FFSA. Les résultats de l’année 2010). Règles prudentielles. A priori, l’exposition des provisions des sociétés d’assurance à la crise financière dépend des modes de placements effectués. Pour protéger les assurés d’une éventuelle défaillance des uploads/Finance/ introduction-memoire.pdf

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  • Publié le Oct 24, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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