La lettre d’information de l’administrateur parrainé par la CFE-CGC et soutenu
La lettre d’information de l’administrateur parrainé par la CFE-CGC et soutenu par l’UNSA EDF a annoncé des résultats 2015 tradui- sant une belle performance d’exploitation grâce à la mobilisation de l’ensemble des salariés qu’illustrent notamment une bonne disponibilité du parc de production et la tenue d’une part de marché de 75 % sur la clientèle des anciens tarifs verts et jaunes. Cependant, la baisse du résultat net a mis en avant la fragilité du modèle financier d’EDF exposée désormais plus intensé- ment aux prix de marché et sa capacité à générer suffisamment de cash flow pour financer le mur d’investissements à venir. La baisse des prix de marché de l’électricité en début d’année 2016, dont l’ampleur n’avait pas été anticipée, amplifie les craintes, car elle va entraîner mécanique- ment une perte de chiffres d’affaires qui pourrait atteindre plusieurs milliards d’euros de façon pérenne. Les agences de notation ont d’ailleurs placé sous surveillance néga- tive EDF et le cours de bourse traduit la méfiance des investisseurs. À tout cela, s’ajoute la pression sur la prise de décision du projet de construction de deux réacteurs à Hinkley Point en Grande- Bretagne alors même qu’il y a de nombreux risques non maîtrisés et que l’équation pour le financement n’est pas résolue. L’agita- tion médiatique, les déclarations de mi- nistres avec son lot de promesses ou gros- sièretés n’arrangent rien à l’affaire qui mé- rite qu’on prenne le temps d’assurer son succès et celui d’EDF. EDF va fêter ses 70 ans le 8 avril prochain, les femmes et les hommes qui y travaillent et y ont travaillé ont permis de bâtir une entreprise d’excellence industrielle dont l’objectif a toujours été de fournir la meil- leure énergie, au meilleur tarif tout en pré- servant l’avenir. Puisse l’entreprise ne pas être précipitée dans les abîmes qu’ont con- nus d’autres fleurons industriels français à la suite de mauvais choix stratégiques ou d’investissements hasardeux. ÉDITO HPC : pourquoi je considère qu’EDF ne doit pas lancer ce projet actuellement La lettre de votre Administrateur EDF 2 9 m a r s 2 0 1 6 L e t t r e n ° 6 2 Christian TAXIL taxil.ca@gmail.com +336 64 78 24 38 La situation en 2013 Lorsqu’en octobre 2013, le projet de cons- truction de deux réacteurs nucléaires EPR à Hinkley Point en Angleterre est présenté, il est salué favorablement. Le projet bénéficie alors : ● D’un coût total annoncé pour le projet de 16 milliards de livres (GBP 2012), dont 2 milliards pour l’acquisition des terrains et la préparation du site, soit 7 milliards de livres par réacteur (coût unitaire supérieur à celui annoncé de l’EPR de Flamanville 3 à l’époque et justifié notamment par les spé- cificités géographiques nécessitant un sur- plus de 30 % de béton), ● D’une mise en service en 72 mois (6 ans) après le premier béton, ● D’un CFD, « contrat for difference », qui va offrir une garantie de prix d’achat des kWh produits pendant 35 ans indexé sur l’indice de référence britannique à la con- sommation, ● D’un taux de rentabilité du projet d’envi- ron 10 %, ● De partenaires pour le financement avec le français Areva (10 %), les chinois CGN et CNCC (30 à 40 %) et d’autres parte- naires intéressés dont la participation pou- vait aller jusqu’à 15 %, permettant à EDF de détenir moins de 50 % du capital (45 à 50 %), et ce malgré la défection de l’éner- géticien britannique Centrica qui renonçait à prendre 20 % du capital en février 2013, La lettre d’information de l’administrateur parrainé par la CFE-CGC et soutenu par l’UNSA 2 « Avec le développement des ENR qui bénéficient de la priorité à l’injection : avoir une garantie de prix sans garantie de volume dans le contrat est une aberration » ● De la garantie du trésor britannique sur la dette à hauteur de 65 % des coûts de cons- truction, sécurisant les investisseurs pendant la période de chantier, ● De l’annonce de la mise en service de l’EPR de Flamanville 3 pour 2015, permet- tant le retour d’expérience complet pour le projet anglais et condition de la garantie de la dette par le Trésor britannique, ● De la déconsolidation du projet permettant à EDF de ne pas inscrire la dette de la filiale chargée de la construction dans ses comptes, ● D’un contexte où la moyenne des prix spot en Grande-Bretagne étaient de 59,7 €/MWh (43,3 en France). Cependant, alors que la décision finale d'EDF concernant ce projet de construction « doit se faire début mai… avant l'assemblée générale d’EDF » a déclaré le mardi 22 mars le ministre de l'Économie, Emmanuel Ma- cron, il est important de revenir point par point sur la situation de ce projet. Billet d’humeur : gouvernance bafouée ? EDF est une société anonyme cotée en Bourse, pourtant il apparaît que c’est le ministre de l’Économie qui fixe les dates et ordre du jour des Conseils en lieu et place du Prési- dent du Conseil d’Administration (E. Macron devant l’Assemblée nationale le 22 mars 2016) et que certains dirigeants s’affranchissent ouvertement des prérogatives du Con- seil d’administration d’EDF (V. De Rivaz interrogé par la Chambre des Communes britan- nique le 23 mars 2016 affirmait avec insistance par six fois qu’HPC se fera). Centrica sort du projet en 2013, faute de rentabilité… En février 2013, Centrica renonce à pren- dre 20 % du capital du projet HPC en déclarant que le coût du projet était en augmentation ainsi que le planning de construction, rendant le retour d’investis- sement inacceptable pour l’entreprise et ses actionnaires. En effet, en 2012, le coût du projet Hin- kley Point était annoncé en hausse de 40 % pour atteindre 7 milliards de livres par réacteur. La situation en 2016 En ce début d’année 2016, il est fondamen- tal de comprendre pourquoi la situation a changé radicalement. Tout d’abord, concernant le projet lui- même : ● AREVA est au bord de la faillite financière et ne peut assurer sa participation de 10 % dans le projet HPC. De plus, elle est dans une situation industrielle difficile avec la mise en exergue de non-conformités de fabrica- tion dans ses usines concernant les élé- ments fondamentaux du circuit primaire nu- cléaire : cuve, générateur de vapeur… On parle de 2 à 3 ans pour redresser la qualité de la partie exécution des usines. D’ailleurs, le ministre de l’Économie a annoncé un scoop à l’Assemblée nationale, mardi 22 mars, en déclarant que « le point spécifique de la cuve sera produit par les japonais »…, ● Le financement est donc revu autour des seuls Chinois qui prendraient 33,5 % et d’EDF qui assurerait 66,5 % du coût devant ainsi consolider pleinement la filiale de cons- truction et donc sa dette, ● La presse se fait écho du fait qu’EDF porte une responsabilité bien plus grande que les 66,5 % de sa participation, car elle supporte- rait les dépassements de coût par rapport au projet initial ainsi qu’une indemnisation des chinois en cas de non-obtention du CFD, ● La décision de la commission européenne validant le CFD est attaquée par l’État autri- chien et sa remise en cause viendrait, mal- gré les dispositions compensatoires, indénia- blement diminuer les revenus attendus, ● Le CFD est une garantie de prix, mais pas une garantie de volume, or avec le dévelop- pement important des ENR qui ont une ga- rantie d’accès au réseau, HPC devra être modulable, mais les électrons non produits ne seront pas payés !, L’injection massive des ENR après avoir entraîné la fermeture des centrales à gaz, va exclure les moyens de production de base non flexible ! Pour encourager l'essor des énergies re- nouvelables, les États européens ont adopté un système de priorité à l'injection qui leur garantit un accès au réseau dès qu'elles produisent de l'électricité. Cette priorité à l'injection bouleverse la façon dont les différents moyens de production sont sollicités. En effet, il existe une lo- gique de préséance économique (ou merit order) qui consiste à faire appel aux diffé- rentes unités de production en fonction du coût du dernier MWh produit. En poussant le raisonnement avec les ca- pacités volontaristes qui seront dévelop- pées en UK, une étude publiée en juillet 2015 par Richard J. Green et Thomas- Olivier Léautier de la Toulouse School of Economics démontre qu’avec une capacité d’énergies renouvelables installées de 45 GW, qui représenteraient 38 % de l’électricité produite, les moyens de pro- duction non flexibles sont sortis du marché britannique, c’est le cas notamment d’une installation comme HPC qui a pour objectif de délivrer une énergie de base continue avec une disponibilité contractuelle de 92 %... Avoir une garantie de prix sans garantie de volume dans le contrat est donc une aberration. 3 n°62— 29 mars 2016 ● La mise en service en 72 mois après le premier béton n’est pas crédible comme relaté par la presse suite à la revue des risques menée à la demande du Président d’EDF par Yannick d’Escatha. Or uploads/Finance/ la-lettre-n-62-administrateur-salarie-edf.pdf
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- Publié le Mai 06, 2021
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