Sanctions de la Cobac : comment Banque Atlantique Cameroun s’active à désamorce

Sanctions de la Cobac : comment Banque Atlantique Cameroun s’active à désamorcer la crise En 2008, Atlantic Financial Group reprenait Amity Bank alors en quasi-faillite. 13 ans plus tard, l’établissement de crédit, rebaptisé Banque Atlantique Cameroun, figure dans le top 5 des banques les plus importantes du pays. Mais une décision de la Commission bancaire d’Afrique centrale, régulateur du secteur, prise le 27 août dernier, menace de briser cette dynamique et de compromettre certains projets d’expansion de l’activité bancaire du groupe créé par le milliardaire ivoirien Bernard Koné Dossongui. Depuis, la banque s’emploie à sortir de cette mauvaise passe. Quelle est sa stratégie ? Qui sont ses alliés et ses opposants ? Que lui reproche-t-on ? Quelles sont ses réponses ? Investir au Cameroun a mené l’enquête. Banque Atlantique Cameroun (BACM) a introduit en début de semaine un recours gracieux auprès de la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac), a-t-on appris de sources proches du dossier. La banque essaie, depuis quelques semaines, d’obtenir de la Cobac un réexamen de sa cause. Après la publication le 5 octobre 2021 des sanctions de la Cobac, elle a missionné une équipe pour faire le tour des capitales des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), afin de rencontrer notamment les autorités monétaires nationales. À Libreville, cette mission, conduite par l’Ivoirien Léon Koffi Konan, président du conseil d’administration (PCA) de la banque, a été reçue, le 20 octobre 2021, par le secrétaire général (SG) de la Cobac, Halilou Yerima Boubakary. L’équipe a en plus rencontré à Paris le président de la Cobac, Abbas Mahamat Tolli, par ailleurs gouverneur de la banque centrale (Beac) À chaque fois, les émissaires de BACM ont présenté « toutes les informations de nature à lever d’éventuels doutes sur la conformité de certaines opérations », comme la banque s’est engagée dans son communiqué du 7 octobre 2021. Objectif : pousser la Cobac à statuer à nouveau sur son cas sans ouvrir une procédure contentieuse contre le régulateur, perspective redoutée par tous les dirigeants d’institutions financières. Au sein de la filiale au Cameroun d’Atlantic Financial Group (AFG), on veut en effet croire, au regard des actes posés par l’établissement de crédit, qu’un réexamen de l’affaire devrait s’achever par une réduction, voire une levée des sanctions contre les dirigeants sociaux de la banque et arrêter les effets négatifs qui se font déjà sentir. Conséquences en cascade Le motif de violation de la règlementation communautaire sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT), évoqué par la Cobac pour justifier sa décision, a placé BACM dans une position délicate avec ses partenaires étrangers. Redoutant la réaction de leurs régulateurs, ces derniers menacent depuis de clôturer ses comptes de correspondants si la situation n’est pas clarifiée. Sur le plan commercial, la banque a également des soucis à se faire. Dans une lettre adressée le 8 octobre dernier à sa PCA, le contrôleur financier de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), Serigne Touré, demande à l’organisme intergouvernemental de rompre le contrat avec BACM et de retirer son dépôt à terme (DAT) de 2 milliards de FCFA. Une société brassicole de la place, qui a des dépôts en dizaines de milliards de FCFA dans la banque, menace aussi de clôturer son compte d’ici la fin de l’année, si rien n’est fait. Les secousses de ce qui apparaît dans le milieu bancaire comme un séisme se font ressentir jusqu’à dans les pays africains de l’océan indien, où AFG conduit des projets d’expansion. Le président fondateur du groupe, Bernard Koné Dossongui, s’y est d’ailleurs rendu dès le 17 octobre 2021. L’homme d'affaires ivoirien serait notamment allé convaincre des partenaires mauriciens qui se seraient rétractés en prenant connaissance de la décision de la Cobac. Par ailleurs, si la sentence du régulateur est appliquée, les conséquences fâcheuses vont se manifester au-delà du groupe bancaire. En effet, en plus d’avoir démis les membres du conseil d’administration (CA) de BACM de leur fonction, la Cobac leur a également interdit d’assumer des responsabilités au sein d’établissements de crédit dans la Cemac pendant cinq ans. Or, certains de ces administrateurs occupent des fonctions importantes dans leurs propres institutions bancaires. Soutien des argentiers De ce fait, le milliardaire camerounais Albert Kouinche devrait renoncer à ses postes de PCA d’Express Union (EU) et de la Société camerounaise d’équipement (SCE), de même qu’à ses mandats d’administrateur d’EU au Tchad, au Gabon, au Congo et en Guinée équatoriale. Et son compatriote, l’assureur Jean Victor Ngué, devra démissionner de ses fonctions de PCA de Pro-PME Financement. En vue de conserver ses postes, un de ces administrateurs camerounais de BACM se dit d’ailleurs prêt à saisir la Cour de justice de la Cemac, si la démarche conciliante de la banque n’aboutit pas. Pour l’heure, de sources proches du régulateur, la banque peine à infléchir la position du secrétaire général de la Cobac. « En fin de mandat depuis mai 2020, Halilou Yerima Boubakary veut certainement sortir par un coup d’éclat », analyse un banquier. En revanche, elle aurait trouvé une oreille plus attentive auprès du président de l’organe de régulation, notamment après avoir apporté plus d’éléments pour lever les doutes qui pèsent sur la rétrocession de 70% de ses devises à la Beac, comme l’exige la règlementation de change. Un texte dont le respect tient à cœur Abbas Mahamat Tolli, assigné à la reconstitution des réserves de change de la sous-région depuis le sommet extraordinaire de la Cemac de Yaoundé de décembre 2016. La plus grande attention pour la cause de BACM vient pour l’instant des autorités monétaires nationales. Lors d’une récente concertation des ministres des Finances de la Cemac en rapport avec les relations de la zone Cemac avec le FMI, la question des sanctions de la Cobac contre la banque a été abordée au titre des divers. « Mais aucune résolution n’a été prise sur le sujet », indique-t-on à la Beac. L’on sait néanmoins que certains argentiers de la sous-région s’interrogent depuis sur l’opportunité des sanctions du régulateur, et surtout la publicité qui a été faite autour, dans un contexte où le système bancaire est déjà fragilisé par la pandémie mondiale de Covid-19 comme le reconnait d’ailleurs la Cobac. Apporteur d’affaires Au Cameroun, le ministère des Finances redoute de devoir faire face, dans un contexte de rareté de ressources, à une crise qui résulterait de la déstabilisation de la filiale locale de AFG, devenue en 2020 cinquième banque du pays et banque d’importance systémique de la Cemac (c’est-à-dire, dont les activités sont tellement importantes et variées que son hypothétique faillite aurait nécessairement un effet très négatif sur la finance de la sous-région). Une perspective qui inquiète aussi particulièrement les autorités congolaises, Brazzaville étant en discussion avec ce groupe bancaire pour le rachat d’une partie de sa dette intérieure. Elles l’auraient d’ailleurs fait savoir au gouverneur de la Beac. En plus de l’opportunité, la décision en elle-même fait débat au regard des faits reprochés à BACM. Entre 2018 et 2020, les dépôts de BACM augmentent de plus de 214%, passant de 175 milliards à 375 milliards de FCFA. PConsulting perçoit en retour sur trois ans 6 milliards de FCFA (2,5 milliards en 2020 ; 1,6 milliard en 2019 et 1,9 milliard en 2018) après avoir payé, selon nos informations, 1,5 milliard de FCFA d’impôts (IS et TVA). Tout commence en 2018. Face aux « difficultés rencontrées pour la collecte de ressources », BACM conclut un contrat « d’apporteur d’affaires » avec PConsulting Sarl. Selon les termes de ce document, le cabinet est chargé de prospecter des personnes (physiques et morales) en possession d’une trésorerie importante pour qu’elles la déposent dans la banque. En contrepartie, l’établissement de crédit le rémunère à concurrence des ressources apportées au travers de deux comptes logés à la National Financial Credit (NFC) Bank, dont l’administrateur provisoire a écopé d’un blâme pour la même affaire. Entre 2018 et 2020, les dépôts de BACM augmentent de plus de 214%, passant de 175 milliards à 375 milliards de FCFA. PConsulting perçoit en retour sur trois ans, une enveloppe de 6 milliards de FCFA (2,5 milliards en 2020 ; 1,6 milliard en 2019 et 1,9 milliard en 2018) après avoir payé, selon nos informations, 1,5 milliard de FCFA d’impôts (IS et TVA). Règlement sur la comptabilité interne Mais en 2021, après une mission de contrôle au sein de la filiale de AFG entre mars et avril, une mission d’information auprès de NFC Bank et une audition le 23 août 2021, la Cobac arrive à cette conclusion : « Les dirigeants sociaux de BACM, sur proposition du président du conseil d’administration de BACM, approuvé par les membres du conseil d’administration de cette banque, ont, pendant trois ans, enfreint gravement la règlementation relative à LBC/FT, en mettant en place la pratique dite “d’apporteur d’affaires”, qui s’est traduite par une spoliation des ressources des sociétés publiques et parapubliques concernées ». De ce fait, tous les membres du CA sont démis de leurs fonctions et interdits d’activité pendant cinq ans dans l’espace Cemac. uploads/Finance/ sanctions-de-la-cobac-banque-atlantique.pdf

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  • Publié le Aoû 13, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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