1 THÉORIE FINANCIÈRE Gérard CHARREAUX Tout phénomène financier peut s'appréhend
1 THÉORIE FINANCIÈRE Gérard CHARREAUX Tout phénomène financier peut s'appréhender comme un transfert temporel de richesse, lequel est fondamentalement risqué. Aucun agent économique n'est certain de la richesse réelle qu'il percevra à la fin du contrat qui réglemente ce transfert. Le risque encouru varie dans sa nature et dans son intensité, selon le support du transfert, c'est-à- dire en fonction du type d'actif utilisé. Les deux dimensions fondamentales du raisonnement financier sont donc le temps et le risque. La théorie financière a pour objet l'explication et la compréhension des différents phénomènes financiers, par exemple la création de valeur par les entreprises. Son champ d'investigation ne se limite pas à l'étude des seuls marchés financiers ; il inclut également l'étude des décisions financières de l'ensemble des agents économiques et notamment des firmes. A ce dernier titre, la théorie financière devrait jouer à terme le même rôle, vis à vis de la gestion financière, que la science physique par rapport à l'art de l'ingénieur et conduire à l'élaboration d'une technologie financière. La multiplication des échanges, la croissance du nombre de firmes et l'expansion des marchés financiers se sont accompagnées d'un développement parallèle de la théorie financière. Près de quarante ans après son émergence, le stade de développement auquel elle est parvenue apparaît déjà très avancé. Nous présenterons, dans une première section, les principales contributions qui ont permis de constituer la théorie financière. Les principaux éléments caractérisant cette théorie: son champ d'investigation, son référentiel et sa méthodologie seront discutés dans une deuxième section. 1 - La constitution de la théorie financière La théorie financière actuelle s'est construite sur un ensemble de travaux dont les préoccupations divergent sensiblement tant dans leurs ambitions théoriques (explicatives, normatives...) que dans la nature très dispersée des questions abordées qui touchent notamment à des réflexions fondamentales sur le fonctionnement des marchés, à l'évaluation des actifs financiers, à la gestion de portefeuille, à l'évaluation des firmes, aux décisions d'investissement et de financement. Nous rappellerons l'influence de certains précurseurs sur la théorie financière, avant de présenter les contributions qui nous semblent les plus fondamentales. 1.1. Les précurseurs: Bernoulli, Fisher, Bachelier Tout économiste ayant abordé les théories des taux d'intérêt et du risque peut être classé comme précurseur et la liste des contributeurs serait alors trop longue à établir. Le caractère fondamental des contributions de Bernoulli (1738), Fisher (1930) et Bachelier (1900) apparaît cependant incontestable. 2 part, décrit le comportement décisionnel par une fonction d'utilité de la richesse totale. Il a ainsi proposé le critère de maximisation de l'espérance d'utilité de la richesse, fondement de la théorie financière moderne. Son travail n'a connu véritablement de prolongements qu'au XXe siècle. En s'appuyant sur l'arbitrage entre le principe de désir de consommation immédiate et le principe d'opportunité d'investir, Fisher a présenté une théorie de l'intérêt extrêmement féconde qui constitue la base de la théorie financière, notamment de la théorie de la décision d'investissement. Le modèle fishérien représente sans aucun doute la contribution la plus importante, dans la mesure où il fondait un cadre cohérent pour le développement ultérieur de la théorie financière. Enfin, le troisième précurseur, probablement le plus méconnu, est Bachelier, dont la thèse de doctorat en mathématiques, soutenue en 1900, comportait des résultats en matière d'efficience des marchés financiers et d'évaluation des actifs qui n'ont été redécouverts que plus de soixante ans plus tard. Bachelier a, le premier, développé une théorie mathématique des prix des actifs financiers fondée sur l'hypothèse d'indépendance des variations de cours, c'est-à-dire sur le modèle de promenade aléatoire. Partant de cette hypothèse et adoptant une représentation continue du temps, il a proposé une modélisation des mouvements des cours qui s'appuie sur des processus aléatoires de diffusion couramment utilisés en physique et en a déduit, notamment, une relation d'évaluation des options sur obligations. 1.2. Les contributions fondamentales Le cadre théorique financier actuel s'est constitué à partir d'un certain nombre de contributions fondamentales, qui se rattachent tant à la finance de marché qu'à la finance de la firme, la séparation entre les deux domaines étant le plus souvent artificielle, compte tenu du rôle central occupé par la théorie de l'évaluation. On peut distinguer un peu arbitrairement neuf contributions: la théorie des marchés contingents et le rôle des marchés boursiers, l'efficience informationnelle des marchés, la théorie du portefeuille, le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF), la relation entre la valeur de la firme et la structure de financement, la théorie des options, le modèle de l'évaluation par arbitrage (MEA), la théorie de l'agence et la théorie de la signalisation. 1.2.1. La théorie des marchés contingents et le rôle des marchés boursiers L'étude des échanges dans une économie en présence d'incertitude a conduit Arrow (1953) et Debreu (1959) à proposer la théorie des marchés contingents qui constitue un élément prépondérant du référentiel financier. Cette théorie est née d'une extension du modèle d'équilibre micro-économique traditionnel. Elle intègre l'incertitude, en postulant la possibilité de représenter les biens de façon contingente, autrement dit, en supposant que l'existence d'un bien dépend de la réalisation de certains événements. On associe ainsi à un bien autant de formes contingentes qu'il y a 3 analytique de référence, dans la mesure où il permet une répartition optimale des ressources dans l'économie. Un tel modèle ne peut prétendre représenter la réalité car son fonctionnement nécessite l'ouverture d'un très grand nombre de marchés. Il constitue cependant un outil très utile pour analyser de nombreux phénomènes financiers et comprendre le rôle des titres et des marchés financiers. Ceux-ci permettent, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, de pallier l'inexistence d'un système complet de marchés contingents ; ils conduisent ainsi à une meilleure allocation des risques et de ce fait à une meilleure performance du système économique. 1.2.2. L'efficience informationnelle des marchés financiers L'idée d'efficience informationnelle des marchés financiers, déjà contenue dans les travaux de Bachelier, est probablement une des idées les plus révolutionnaires que diffuse la théorie financière1. L'étude de l'évolution des cours boursiers révèle qu'ils suivent une promenade aléatoire ; en d'autres termes, les variations successives des cours sont indépendantes. En conséquence, il est inutile de vouloir utiliser l'information contenue dans les cours passés pour tenter de prédire les cours futurs. Ce résultat s'explique par la concurrence intense que se livrent les investisseurs sur le marché financier. Les cours intègrent toute l'information disponible pour les investisseurs à un instant donné et ne peuvent évoluer qu'en fonction d'informations nouvelles. Bien qu'il ait eu de nombreux précurseurs, Samuelson (1965) a été le premier à fournir une explication cohérente de l'hypothèse d'efficience, fondée sur la concurrence. L'efficience informationnelle des marchés peut être plus ou moins parfaite selon la nature de l'ensemble des informations considéré par les investisseurs. L'efficience est dite faible, si l'ensemble des informations ne contient que les cours passés. L'efficience est dite semi-forte, si l'ensemble des informations retenu contient toute l'information publique, par exemple les informations diffusées par la presse. Les tests empiriques réalisés confirment le plus souvent ces deux formes d'efficience. Enfin, l'efficience forte prend en compte toute l'information publique ou privée qu'il est possible d'acquérir. Les résultats des tests sur ce dernier point sont plus nuancés. Dans l'ensemble, l'hypothèse d'efficience apparaît cependant robuste. Ses conséquences sont importantes, car elle justifie le recours aux valeurs de marché dans les décisions financières. Les dirigeants doivent maximiser la valeur de marché courante de la firme. La théorie de l'efficience des marchés constitue, en fait, une analyse du comportement temporel des prix d'équilibre des actifs financiers et son étude est intimement liée à la théorie des marchés contingents ainsi qu'aux différents modèles d'évaluation des actifs financiers. 4 1.2.3. La théorie du portefeuille La contribution de Markowitz (1952) a originellement un objectif normatif et opérationnel. En supposant, d'une part, que le risque d'un titre financier puisse s'appréhender par la variance des taux de rentabilité, d'autre part, que sa rentabilité anticipée puisse se mesurer par l'espérance mathématique, comment peut-on construire un portefeuille optimal? À partir d'un ensemble de titres, dont les espérances de rentabilité et les variances sont connues, Markowitz détermine tout d'abord l'ensemble des portefeuilles efficaces, qui, pour une variance donnée, offrent une rentabilité maximale et inversement qui, pour une espérance mathématique donnée, présentent une variance minimale. Bénéficiant de l'effet de diversification du risque, ces portefeuilles dominent les titres individuels et constituent l'ensemble des choix, au sein duquel l'investisseur sélectionne finalement le portefeuille optimal, en fonction de son attitude particulière face au risque. Ainsi, un investisseur prudent choisira un portefeuille moins risqué, mais également moins rentable. Dans le cadre simplificateur espérance-variance, cette analyse a permis d'appréhender précisément le phénomène de diversification et de mettre en évidence l'importance des corrélations entre les taux de rentabilité des différents titres et la notion de contribution au risque global d'un portefeuille. Les travaux de Markowitz ont constitué la base de la construction du MEDAF qui a été le premier modèle d'évaluation des actifs en incertitude. 1.2.4. Le modèle d'équilibre des actifs financiers En supposant que les différents investisseurs raisonnent dans un cadre espérance-variance, que leurs anticipations soient homogènes et que le marché financier soit parfait (absence de coûts de uploads/Finance/ theorie-financiere.pdf
Documents similaires
-
24
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 26, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.0548MB