Accueil > Economie et politique "Vers une stratégie française utile à l’Europe"

Accueil > Economie et politique "Vers une stratégie française utile à l’Europe". Des hauts gradés de l’armée publient leur manifeste DÉFENSE SUIVRE CE SUJET MASSIMO SCARSELLETTA/Getty SAUVEGARDER PARTAGER Le Cercle de Réflexion Interarmées, qui regroupe une quinzaine de militaires de haut rang ayant quitté le service, prône une stratégie propre à l’Europe et non plus inféodée à l’Otan. Publié le 11/11/2020 à 13h40 & mis à jour le 12/11/2020 à 10h08 Nous avons mis en exergue, dans les deux premières parties de nos travaux (”Il faut se libérer de l’emprise américaine et se rapprocher de Moscou” et "Du danger pour l'Europe de la stratégie nucléaire des États-Unis et de l'OTAN" ), les risques mortifères que faisait courir, pour une UE soumise à l’OTAN, le bras de fer engagé par les États-Unis contre la Russie. La troisième partie de cette étude, menée par le Cercle de Réflexion Interarmées, vise à faire ressortir les initiatives que la France pourrait défendre pour contribuer au développement d'une stratégie propre à rassembler les pays européens. Ce nouveau chapitre se compose de quatre parties. 1- L’autonomie stratégique européenne, un nécessité rendue difficilement atteignable par de nombreux facteurs sclérosants. 2- Le piège du lien transatlantique: comment sortir de ce piège? 3- La France possible creuset de l’autonomie européenne grâce à ses atouts. 4- La France à la croisée des chemins: les actions à entreprendre. Il est rappelé que le Cercle de Réflexion Interarmées est indépendant des instances gouvernementales et de la hiérarchie militaire. 1) L’autonomie stratégique européenne, un nécessité rendue difficilement atteignable par de nombreux facteurs sclérosants. Préambule Indépendance de décision et détermination sont l’apanage de la puissance. Elle répond, en effet, à une ambition, une confiance dans des atouts, autant qu’à une volonté d’affirmation. Elle procède de la définition d’objectifs internationaux, de la structuration des chemins et de l’organisation des moyens pour y parvenir. Sur le continent européen, si nous mettons à part le cas particulier du Royaume-Uni, seuls deux États, la France et la Russie, puissances nucléaires, peuvent prétendre à une réelle autonomie stratégique. Une organisation internationale, malgré des abandons de souveraineté concédés par ses membres, ne répond à aucun de ces désirs. Inévitablement l’État le plus puissant et le plus déterminé impose ses intentions. Ce pouvoir, ainsi concédé, ne peut durer que dans la mesure où certains y trouvent un réel confort. Hors de l’hypothèse d’une rupture, les autres États se soumettent. Ils renoncent à accéder à un rôle majeur. Seule une réunion d’États partageant les mêmes intérêts et les mêmes objectifs, peut imposer un dialogue stratégique. Au sein de l’Union Européenne, la France se heurte à l’alignement de ses partenaires - considéré par eux comme impératif - sur les États-Unis et leur instrument de domination militaire, l’OTAN. L’Allemagne, qui pourrait, en collaboration avec la France, contribuer à faire évoluer l’UE vers une stratégie propre, donne l’impression, pour l’heure, de chercher à devenir l’allié privilégié des États-Unis sur le continent européen, en s’orientant vers une intimité de son dispositif militaire avec le leur et en œuvrant pour banaliser les avantages géopolitiques actuels de la France. Toutefois nous pouvons nous interroger sur le besoin d’impliquer l’UE dans une vision stratégique propre et une organisation militaire qui en découlerait. Les arguments ne manquent pas. Le premier d’entre-eux est de mettre un terme au risque conflictuel que la politique des États-Unis fait courir, sur le continent, face à la Russie, mais aussi de disposer des forces suffisantes pour peser, dans le monde, sur les intentions, ou l’action souvent erratique, de Washington. Le second est, évidemment économique. Il est patent que chaque pays, considéré individuellement, ne veut, ou ne peut, disposer aujourd’hui, des forces lui permettant de s’aligner sur les États-Unis, la Russie ou la Chine. Les priorités étant devenues davantage consuméristes, sociales, ou environnementales. Un non-dit chez tous les fidèles de l’OTAN est bien budgétaire. Le budget militaire des États-Unis représente plus de 70% de la somme des budgets militaires des pays membres de l’OTAN. L’alliance leur permet d’épargner des sommes considérables qui peuvent être investies ailleurs, sans doute au détriment de l’indépendance vraie. Mais que vaut-elle pour la plupart des membres de l’UE? Ils partagent, avec les États-Unis, les traits principaux d’une même civilisation mais n’ont cure des affaires du monde. Il ne faut donc pas s’étonner que l’industrie militaire française et européenne, ne puisse équiper pleinement les armées des pays membres. Une autonomie stratégique permettrait pourtant de lever un frein industriel, économique, scientifique et inévitablement politique. Ce dernier aspect prêtant cependant à débat, car ces pays, bien que partisans d’une Europe unie, récusent toute velléité d’une politique internationale distincte de celle des États-Unis. Ce qui les amène à réfréner les ardeurs visant à valoriser ces orientations souhaitables. Le troisième argument est, précisément, politique. Il ne pourra y avoir de progrès dans l’amitié entre les nations européennes que si les pays, membres de l’UE, partagent des objectifs de sécurité et de rayonnement. Enfin, une souveraineté militaire devrait permettre de se tourner vers le véritable ennemi, commun à toutes les nations européennes, l’idéologie islamique intolérante et violente propagée par une immigration débridée et mal contrôlée. Il faut admettre aussi quelques réalités profondes. L’UE actuelle s’est bâtie sur des bases marchandes et elle aboutira à un éclatement si elle est incapable de se réformer politiquement. En tant que telle elle n’a aucune influence au plan international. L’attitude de la Chine, à cet égard, est particulièrement significative. Ainsi, lors de la crise de la Covid-19, elle a donné la priorité aux relations avec les États-Unis et avec les États, et apporté la preuve de sa piètre considération pour l’UE. De même dans sa volonté de rétablir les routes de la soie, elle ne traite qu’avec les pays et occulte une organisation dont la participation aux négociations pourrait se justifier. Dans ce contexte, il est donc impossible de parler de défense européenne sans impliquer l’OTAN et les États-Unis. L’imbrication est telle et les intérêts de la plupart des pays européens tellement liés aux États-Unis, qu’évoquer une autonomie stratégique de l’UE relève d’un véritable défi ou d’une provocation. La voie n’est pas tracée qui mènerait à une stratégie commune qui pourrait se démarquer de celle des États-Unis, malgré les structures mises en place, mais sans la volonté de les rendre efficaces. Malgré tout, la France pourrait œuvrer dans ce sens, mais à la condition de se référer à une solide vision à long terme, vis-à-vis de l’UE et de l’OTAN, préalable à sa liberté d’action, et de s’y tenir. État de l’Union Européenne Des scléroses nombreuses paralysent l’évolution de l’UE et l’accession à l’indépendance stratégique. L’Union Européenne est loin de répondre aux principes d’une organisation démocratique. Elle est largement orientée vers l’économie, tout en imposant des règles politiques, juridiques et une relation de subordination aux États-Unis. Des choix sous influence. Selon une étude ESSEC intitulée « La présence et l’influence des lobbies américains à Bruxelles», Bruxelles, abritant les institutions européennes, est devenue, de ce fait, l’un des plus importants centres de décision du monde en matière de choix économiques. Il ne s’agit cependant pas d’un atout de puissance, mais le résultat d’une évolution consentante et liberticide, pour les pays membres, au profit d’une technostructure sans légitimité régalienne. L’UE se montre donc fragile face à l’action d’États extérieurs homogènes, forts et ambitieux. Les États constitutifs ont perdu quasiment leur souveraineté législative sur les grands sujets: 80% des lois nationales sont issues des directives européennes. En fait la hiérarchie des normes place les traités et les directives européennes au dessus des constitutions qui doivent être adaptées à l’évolution du Droit européen. La CEJ[2] a réaffirmé récemment sa place dans un communiqué où elle affirme être « la seule compétente pour constater qu'un acte d'une Institution de l'Union est contraire au droit de l’Union». Elle a en outre souligné que « des divergences entre les juridictions des États membres … seraient susceptibles de compromettre l'unité de l'ordre juridique de l'Union et de porter atteinte à la sécurité juridique », précisant que « les juridictions nationales sont obligées de garantir le plein effet du droit de l’Union ». Cette affirmation, à la limite du chantage, est récusée par certains Pays, comme l’Allemagne. [3] Elle fait fi de la notion pondératrice de «Subsidiarité». Le droit des personnes est lui-même soumis, dans certains cas, à des instances supra- nationales. Dès lors, il est parfaitement compréhensible que Bruxelles soit la deuxième capitale mondiale du lobbying derrière Washington. Là se trouve le pouvoir juridique. On estime entre 2500 et 3000 le nombre de groupes d’intérêt qui y pratiquent cette forme de pression, parmi lesquels 70% défendent des intérêts privés. Les intérêts des États-Unis sont autant pris en compte que ceux des États membres. La puissance de leurs groupes de pression, dans la capitale européenne, est aujourd’hui un élément essentiel des relations transatlantiques. Il faut savoir que dans les années 70, la Chambre de Commerce Américaine (AmCham) s’est installée à Bruxelles. Cette organisation regroupe les dirigeants de 145 des plus grosses entreprises de ce pays, implantées en Europe, comme les uploads/Finance/ vers-une-strategie-francaise-utile-a-l-x27-europe.pdf

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  • Publié le Dec 21, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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