LES JEUNES DIPLOMÉS AU MAROC FACE AU DILEMME DE L’EMPLOI: CONTENU ET EVALUATION

LES JEUNES DIPLOMÉS AU MAROC FACE AU DILEMME DE L’EMPLOI: CONTENU ET EVALUATION DES DISPOSITIFS MIS EN OEUVRE AOMAR IBOURK Introduction La politique d’ajustement structurel, mise en place au Maroc au début des années 1980, a précipité la rupture de l’équilibre fragile qui prévalait sur le marché du travail des diplômés, lauréats de l’enseignement supérieur1. Plusieurs faits stylisés du marché du travail qualifié tels que la forte proportion prise respectivement par le chômage de longue durée et le chômage de primo-insertion renvoient inévitablement à ces deux questions. L’évolution du volume et de la structure du chômage montre à quel point les modalités de mobilisation du travail sont défaillantes. Le chômage a fortement augmenté durant ces deux dernières décennies particulièrement en milieu urbain. En l’espace de 20 ans, le nombre de chômeurs urbains a presque quadruplé passant de 322.000 chômeurs en 1982 à 1017000 chômeurs en 20022. Sur la même période, le taux chômage urbain a augmenté de 6 points (18.3% en 2002 contre 12.3% en 1982). Plus que par la croissance de son volume, le chômage inquiète par l’évolution de sa physionomie qui fait ressortir la dualité entre diplômés et non diplômés. Le poids des diplômés dans la population au chômage est supérieur à leur poids dans la population active (cf. tableau T.1). 1 La catégorie des “ travailleurs diplômés ” a évolué en fonction des critères utilisées par les pouvoirs publics dans la détermination des populations ciblées par les dispositifs d’aide à l’insertion. À l’heure actuelle, cette catégorie regroupe les titulaires d’un diplôme de niveau supérieur ou égal à “ bac + 2 ” alors qu’auparavant elle incluait également les bacheliers. 2 Sur la même période, le volume du chômage en milieu rural a enregistré une baisse passant de 320.000 à 213873. Sauf mention contraire, les statistiques présentées sont celles publiées par la Direction de la Statistique. 713 Tableau T.1. : Chômage et diplôme 1999 2002 Part dans P.A3 de plus de 15 ans Part dans la P.C4 Taux de chômage Part dans PA de plus de 15 ans Part dans la P.C Taux de chômage National -Sans diplôme 0.69 0.4 8.1 0.67 0.32 5.6 -Diplôme moyen 0.21 0.41 27 0.22 0.43 22.4 -Diplôme supérieur 0.10 0.19 27.6 0.11 0.24 26.5 Urbain -Sans diplôme 0.51 0.35 15.2 0.48 0.27 10.4 -Diplôme moyen 0.32 0.43 30.3 0.33 0.46 25.3 -Diplôme supérieur 0.17 0.21 27.2 0.19 0.26 26.2 Rural -Sans diplôme 0.89 0.62 3.8 0.88 0.58 2.6 -Diplôme moyen 0.10 0.3 16 0.10 0.30 11.2 -Diplôme supérieur 0.01 0.08 34.1 0.01 0.12 30.4 Source: Direction de la Statistique, 1999, 2002. 3 Population active 4 Population en chômage. 714 L’ampleur du chômage au sein de la catégorie des diplômés n’est pas homogène. Elle varie selon la nature et le niveau du diplôme. Les diplômés de l’enseignement général (quel que soit le niveau) présentent des taux de chômage comparables et sensiblement supérieurs à la moyenne. Pour les diplômés de l’enseignement professionnel, l’importance du chômage semble varier en fonction du niveau du diplôme. Les lauréats des filières de l’enseignement supérieur professionalisé (Médecine, ingénieurs…) sont relativement plus épargnés. Leur taux du chômage est inférieur à celui des non diplômés (10.9% en 1995). En revanche, les lauréats de l’enseignement professionnel initial (niveaux qualification et spécialisation) présentent les taux de chômage les plus élevés dépassant ceux des diplômés de l’enseignement général. En 2002, 35.6% des titulaires des diplômes professionnels de niveau spécialisation sont en chômage. La structure du chômage est dominée par le chômage de longue durée (CLD). En 2002, les chômeurs à ancienneté supérieure à une année représentent 70% de la population au chômage (Cf. tableau T.2). Le poids de cette classe est plus élevé en milieu urbain qu’en milieu rural. Dans les zones urbaines, cette classe regroupe 74.2% de la population en chômage. Les femmes urbaines sont relativement plus touchées par le CLD. Cependant, l’évolution de la structure du chômage au cours des sept dernières années met en évidence une stabilisation du niveau du chômage de longue durée chez les femmes urbaines et une baisse sensible de sa proportion chez les femmes rurales (de 69% en 1995 à 43% en 2002). 715 Tableau T.2 - Evolution de la structure de la population au chômage selon la durée National Urbain Rural H+F H F H+F H F H+F H F Milieu résidence Genre Année 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002 (-) de 12 mois 31.5 30.2 36.7 32.4 23.2 24.2 26.9 25.8 31 27.5 21.5 21.8 44.8 54.5 49.5 54.1 21.3 57.1 12 mois et (+) 68.5 69.8 63.3 67.6 76.8 75.8 73.1 74.2 69 72.5 78.5 78.2 55.2 45.5 50.5 45.9 68.7 42.9 Source: Enquête « Activité, emploi et chômage », 1995, 2002, Direction de la Statistique. La montée et la persistance du chômage au Maroc sont liées à trois formes de chômage: chômage de déséquilibre, chômage d'inadéquation et chômage de dysfonctionnement du marché de l'emploi. Le chômage de dysfonctionnement découle des lacunes des mécanismes d'intermédiation (Ibourk et Pereleman, 2001) et des difficultés à mettre en relation les offres et les demandes d'emploi. ce qui favorise le développement des modes informels de recrutement, augmentant également le caractère sélectif du marché du travail vis-à-vis des personnes cumulant les handicaps socio- professionnels. 716 Le chômage d'inadéquation qui s'explique par l'inadéquation qualitative de l'offre et de la demande de travail. Plusieurs filières de formation ne correspondent pas à la réalité des besoins de l'économie, ce qui crée des distorsions entre le profil des jeunes et les exigences des entreprises. Le chômage d'équilibre résulte du trop faible niveau de création d'emplois par rapport à la forte progression de l'offre. Cette forme de chômage s'explique par le faible rythme d'activité économique. La mise en œuvre d'une stratégie qui assure une dynamique de création d'emplois et en même temps qui arrive à préserver les emplois disponibles à travers une croissance soutenue et par des politiques du marché du travail efficaces et souples s'impose. Ainsi et pour permettre aux opérateurs de travailler dans un environnement économique et institutionnel favorable à l'expansion, il importe d'améliorer le cadre incitatif à la création d'entreprise La croissance rapide de ce phénomène a poussé les pouvoirs publics à s’impliquer activement en matière de politique d’emploi. Prenant acte des potentialités décroissantes du secteur public5 à générer des emplois en nombre suffisant, les pouvoirs publics ont élaboré une stratégie pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes diplômés dans le secteur privé. Les mesures concernent aussi bien la demande, l’offre, que l’intermédiation. Néanmoins, c’est au niveau de l’intermédiation que l’action des pouvoirs publics a été la plus importante. En effet, Les travaux réalisés par des organismes publics au début des années 1980 ont montré que ce chômage massif des diplômés coexiste avec un stock d’emplois vacants6. 5 Ce secteur a été longtemps considéré comme la filière traditionnelle d’insertion professionnelle des diplômés. 6 Les recensements réalisés en 1991 par le Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir (CNJA) fait référence dans ce domaine. D’un côté, on a dénombré un plus de 100000 jeunes diplômés chômeurs et, de l’autre côté, on a recensé près de 30000 postes vacants. 717 Ce papier traite les paramètres susceptibles d'influencer l’impact réel des dispositifs marocains d'aide à l'emploi des diplômés. Dans la deuxième section, nous traitons l'analyse économique des dispositifs ainsi que les problèmes soulevés lors de leur évaluation. La troisième présente la description et l'évaluation de ces dispositifs marocains d'aide a l'emploi des diplômés. II. L'analyse économique des dispositifs Les mesures d'aide à l'insertion des diplômés désignent un ensemble de stages et de contrats de types particuliers qui combinent l'exercice d'une activité professionnelle en parallèle à une formation. On peut distinguer neuf types de dispositifs (Barbier, 1997): • Les dispositifs qui diminuent la population active : à ce niveau, les mesures visent à réduire le taux d’activité des travailleurs de plus de 55 ans soit par le recours aux préretraites soit par des dispositions réglementaires relatives à l’âge de retraite. • Les mesures d’indemnisation des chômeurs : la mise en œuvre des programmes complémentaires ciblés sur les catégories menacées d’exclusion. • Les mesures qui abaissent le coût salarial: l'objectif de ces mesures est d'inciter les entreprises à embaucher une catégorie particulière de main d’œuvre (les moins qualifiés) ou à augmenter leurs offres d’un type particulier d’emploi (emploi à temps partiel par exemple…). • Les actions de formation professionnelle : leur objectif est double; assurer des formations au profit des chômeurs ayant besoin de mettre à niveau leurs compétences, préventif en proposant des formations qualifiantes aux jeunes en phase d’insertion. • Les mesures d’aménagement du temps de travail : incitation des partenaires de la relation du travail à opter pour des aménagements ou des réductions négociés (temps partiel….). 718 • Les mesures de discrimination positive en faveur de certaines catégories: des mesures au profit de certaines catégories de travailleurs - andicapés, chômeurs de longue durée etc.- se trouvent, pour des raisons diverses, en position défavorable pour l’accès à l’emploi. • Les mesures qui contribuent uploads/Geographie/ 1285les-jeunes-diplomes-au-maroc 1 .pdf

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