CONFÉRENCE du vendredi 31 janvier 2020, à 19h au club des Hauts de Vaugrenier A

CONFÉRENCE du vendredi 31 janvier 2020, à 19h au club des Hauts de Vaugrenier Anne Pesce LÉONARD, COURBET, CÉZANNE : GÉOLOGUES Découvreurs du Paysage. …Ou comment la connaissance de la géologie pour un peintre est à l’origine du geste pictural qui fait de la Nature le Paysage. Il a besoin de savoir comment la nature s’enracine, de balayer de ses yeux son motif, d’observer sur le vif pour distinguer la couleur géologique des terres. Il a besoin de connaître la géométrie, les plans, et voir si l’ombre est convexe ou concave pour leur assigner les tons qui leur correspondent. Les plans apparaissent ainsi dans leur densité propre, il est alors possible de mesurer le proche et le lointain. Léonard observe que les couleurs froides (les bleus) éloignent et les couleurs chaudes (les rouges) rapprochent, il en établit un langage pour la peinture. Ainsi ce que nous nommons Paysage est ce processus de composition de la forme organisée de la Nature. Je tenterais de vous en apporter un éclairage précis. Qu’ est-ce que la peinture, qu’est-elle physiquement et quelle est sa chimie ? On nomme couches les surfaces de couleur que le corps du peintre pose en face de lui. Pour cela il fait un geste qui lui appartient intimement, c’est son ADN, on parle de Sa touche. La grande invention de la peinture, une révolution pour la langue picturale, se tient dans sa chimie. En effet, quand les peintres découvrent les pouvoirs de l’huile, les aptitudes de ce corps visqueux, amélioré suivant de multiples « recettes », va permettre aux couches de se superposer, additionnant leur colorations et teintes, modulées alors dans de subtiles vibrations. Plus d’altérations dans une dilution inévitable avec les procédés à l’eau, à l’oeuf etc… On parle volontiers de stratification de la surface picturale qui apparaissent aux rayons X, faisant voir les secrets de fabrication. - Ici un point cruciale qui, en partie, légitime ma réflexion. Qu’est-ce que notre monde dont on dit, sans en douter, que la peinture en est l’image, sinon des couches de minerais plus ou moins gazeux, empilés depuis des millénaires ? Une organisation chronologique de stratifications que le géologue étudie pour connaitre l’évolution de la croute terrestre pour « permettre » l’Histoire archéologique de notre 1 monde. Alors les sérieuses investigations offrent une vision vertigineuse d’une terre en mouvement perpétuel par l’évocation des « grands changements » géologiques qui caractérisent « les temps antéhistoriques ». STRATIFICATION Le mot est fort. (Image - STRATIFICATIONS Géologiques et picturales) Expliquer, démontre, moraliser, nommer les mouvements artistiques par la seule justification de la chronologie ne suffit plus, nécessaire pour le factuel certes. L’ analogie, une machine naturellement pratiquée par l’esprit humain devient le concept actif de la pensée de l’intellectuel qu’est l’historien de l’art. L’inventeur de la méthode est Aby Warburg, ses travaux de recherches sont incontestés et désormais adoptés par ses paires, incontestés au même titre que la Terre qui fut plate est « devenue » ronde. Aussi je puis dire que les peintures que voici sont même chose. (images - Léonard de Vinci - La Joconde 1503- 1519 Huile sur panneau de bois de peuplier 77 × 53 cm Paul Cézanne - Dans les carrières de Bibémus - vers 1895 Huile sur toile 104 x 73 cm Georgia O Keeffe - Rust red hills 1930 Huile sur toile 40,6 x 76,2 cm Agnes Martin-untitled-1974 Acrylique sur toile 182 x 182 cm Gustave Courbet - La source de la Loue - 1864 Huile sur toile 99,7 × 142,2) Léonard, Cézanne, Georgia O’ Keeffe, Agnes martin, Courbet, font l’expérience de l’ordre du vécu à transcrire en ordre de gestes à faire pour poser les touches colorées dans la bonne configuration du motif, du modèle, du vif. Pour ça : Marcher, peindre. Les peintres sont, en premier, des humains, comme le sont les mathématiciens, les philosophes, les musiciens, les physiciens, les géologues, les astronomes, les biologistes, les écrivains, les architectes, en somme tous les grands esprits. Tous ces humains ont en commun la nécessité de dire le monde, d’en transmettre l’inouï existence sous toutes les formes qui composent NOTRE spiritualité. Voilà comment les peintres font de la peinture en se tenant dans la nature. Le processus de composition de la forme organisée, je veux parler du tableau, est le Paysage. Le paysage n’est pas la nature. Il n’existe que pour l’homme et ce dernier cherche à y inscrire sa propre trace. L’homme marche, il a beaucoup marché, la Terre s’est couverte de ses grandes migrations au point où le sol est hérissé de ruines enfouies et l’on marche sur l’histoire. Voilà comment le peintre a la sensation qu’à mesure que sa marche avance, la nature se transforme en paysage. Fouler le lieu est la condition de l’oeuvre. « Pour peindre un pays, il faut le connaître. Moi je le connais mon pays, je le peints. » dit Courbet. (Image - Gustave Courbet - Bonjour monsieur Courbet - 1854 Huile sur toile 132 × 150,5 cm) 2 Alors donc la question corporelle est essentielle, c’est celle de l’art comme expérience vécue avec laquelle elle s’entrelace. Et le génie de Cézanne est sa manière de peindre par laquelle la réussite de certains tableaux de paysage montrent qu’ils ont atteint une unité de méthode et de sujet. Cézanne a créé un rapport incroyablement équilibré entre ce qu’il a fait et ce qu’il a ( apparemment ) vu. Vous devez vous demander quand et pourquoi La Joconde de Lénoard ??? Ici intervient un aspect biographique déterminant de Léonard, qui fait TOUT Léonard de Vinci. Il est né bâtard, et de ce fait, n’a pas eu le droit d’aller à l’université, ce qui lui a éviter d’être formaté et de devoir se soumettre aux principes scolastiques auxquels les bien nés ont dû se soumettre. Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur Andrea del Verrochio. Cet homme d’esprit universel a néanmoins appris le latin vers 30 ans. Il a donc vécu à Vinci, amoureux de la nature, il a appris de sa vie en plein air, il en a fait sa terre d’expérience étudiant tous les phénomènes climatiques atmosphériques et a INVENTÉ la peinture. Voici ces qu’il écrit dans ses carnets : Le peintre Pierre-Henri de valenciennes (Toulouse 1750 - Paris 1819) grand paysagiste, insiste sur la dimension physiologique de la pratique au grand air, marcher, traverser la nature, sec tenir devant le motif, aller à lui chaque jour - et il précise : « on a déjà observé, et, d’après mon expérience, j’assure que c’est la vérité, que l’esprit agit avec plus de liberté, et que toutes les fonctions du corps et de l’âme se font beaucoup mieux sur le sommet des montagnes les plus élevés, où l’air est très pur et très frais, et où le corps n’est pas comprimé par un poids immense de vapeurs grossières. » Il parle alors comme Empedocle qui voyage sur l’Etna. L’âme s’élève à mesure que le corps prend de l’altitude. Alors certainement, le paysage provient des fibres du corps, et Cézanne qui va sur le vif de son motif, parle des douleurs de ses yeux produites par l’ordre lumineuse qu’il doit éprouver dans sa violence s’il veut « sentir » la géologie du paysage. Il dit : « la moindre défaillance d’oeil fiche tout à bas. J’ai besoin de connaître la géologie, comment la nature s’enracine, la couleur géologique des terres. J’ai besoin de connaître la géométrie, les plans. L’ombre est-elle concave ? Me suis-je demandé. Qu ‘est-ce que ce cône là-haut ? De la lumière ? J’ai vu que l’ombre est convexe, renflée. Les plans dans la couleur ! Je fais mes plans avec mes tons sur la palette. Les densités seules importent. » Et là encore, l’analyser de Gasquet va à l’essentiel : « Tous les tons se pénètrent, tous les volumes tournent en s’emboîtant. Au fond, j’en suis sûr, ce sont les dessous, l’âme 3 secrète des dessous, qui, tenant tout lié, donnent cette force et cette légèreté à l’ensemble. » Paul Cézanne est très assidu à l’étude de la géologie et apprend au contact de son ami historien-géologue Antoine-Fortuné Marion qui dit : « le matin je fais de la géologie, le soir je suis chez Paul à la campagne avec Antony (Valabrègue). L’(on soupe, l’on promène un peu. » C’est le moment où il introduit ses descriptions de sépultures néolithiques du massif de la Sainte-Victoire par l’évocation des « grands changements » géologiques qui caractérisent les « temps antéhistoriques », offrant une vision vertigineuse des « régions méditerranéennes » comme une terre en mouvement perpétuel. On sais désormais que Cézanne quand il peignait la Sainte-Victoire, il avait en mémoire le fait que les lieux où il ne cessait de revenir avaient été le témoin de deux grandes victoires 4 ancestrales dont la mémoire était scellée dans le nom de la montagne : « la défense triomphale contre les sarrasins en 731 après J-C, et la mise en déroute des envahisseurs Cimbres uploads/Geographie/ a-p-conference-leonard-courbet-cezanne-geologues 1 .pdf

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