Monsieur Jacques Le Goff Apostolat mendiant et fait urbain dans la France médié
Monsieur Jacques Le Goff Apostolat mendiant et fait urbain dans la France médiévale : l'implantation des ordres mendiants. Programme-questionnaire pour une enquête In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 23e année, N. 2, 1968. pp. 335-352. Citer ce document / Cite this document : Le Goff Jacques. Apostolat mendiant et fait urbain dans la France médiévale : l'implantation des ordres mendiants. Programme- questionnaire pour une enquête. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 23e année, N. 2, 1968. pp. 335-352. doi : 10.3406/ahess.1968.421913 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1968_num_23_2_421913 ENQUÊTE OUVERTE APOSTOLAT MENDIANT ET FAIT URBAIN DANS LA FRANCE MEDIEVALE : L'implantation des ordres mendiants PROGRAMME-QUESTIONNAIRE POUR UNE ENQUÊTE Le Centre de Recherches Historiques de la VIe Section de l'École Pratique des Hautes Études a entrepris une enquête d'anthropologie culturelle historique de la France. Elle démarre pour le xixe siècle à partir des archives militaires. Elle vise à déceler aussi loin que possible dans le passé les traits et les ensembles dont le jeu adapté et contrasté a formé la trame de la personnalité historique de la France (définir et délimiter géographiquement et chronologiquement par exemple une France du Midi et une France du Nord, ou plusieurs, etc.. ; les fonder pour les expliquer sur autre chose que l'action superficielle des forces et des conjonctures politiques). Mais, en cherchant à s'enfoncer dans les profondeurs historiques, cette enquête se heurte à d'évidentes diffi cultés. S'agissant du Moyen Age, l'absence d'une documentation compar able à celle qui existe pour les périodes plus récentes, et en particulier le défaut bien connu de sources pouvant fournir des données suscept ibles de traitement statistique, l'absence actuelle, bien qu'on puisse l'espérer provisoire, de problématiques et de méthodes capables de trouver pour le Moyen Age des documents de substitution pouvant servir de base à une élaboration quantitative et d'atteindre d'une manière autre qu'impressionniste les réalités profondes de l'histoire, toutes ces impuissances ont conduit à définir un sujet plus modeste d'enquête dans la perspective d'une recherche des fondements anthro pologiques de la France médiévale. Définition de l'enquête. Le phénomène visé est le phénomène urbain. Sans oublier en effet que la civilisation de la France médiévale est avant tout rurale, il nous a paru que la recherche historique des zones et des types d'urbanisation était susceptible de fournir une des données de base de l'histoire pro fonde de la France. Malgré d'excellents travaux de détail ou de syn thèse, aucune étude quantitative systématique n'existe sur ce sujet. 335 ANNALES Comment repérer la France urbaine médiévale ? Marquons tout de suite l'importance et les limites de la méthode archéologique. Si les fouilles des agglomérations urbaines peuvent apporter des renseignements inestimables et irremplaçables, elles ne peuvent constituer qu'une méthode d'appoint et, pour des raisons pra tiques évidentes, des fouilles couvrant toutes les agglomérations urbaines de la France médiévale sont un rêve chimérique. Le critère démographique semble à première vue le plus sûr. Mais il soulève de très grosses difficultés et objections : 1° Comment choisir les agglomérations qui feraient l'objet d'une enquêtre de démographie pour la période médiévale ? 2° Où trouver la documentation nécessaire ? On sait qu'il n'y a pratiquement pas de sources démographiques quantitatives avant le xive siècle et que, même ensuite, le traitement des sources existantes est très délicat. 3° Bien que le chiffre de la population d'une agglomération joue un rôle certain dans le caractère urbain ou non de cette agglomération, il n'y a pas de lien direct entre le chiffre de population et le fait urbain. C'est une vérité trop connue qu'il y a de gros villages plus peuplés que de petites villes. 4° On sait enfin assez la difficulté des géographes et des statisti ciens à fixer le chiffre minimum de population à partir duquel il y aurait ville, dans le monde contemporain, pour que la recherche de ce critère pour les villes médiévales n'apparaisse pas comme vain et en définitive non scientifique 1. On ne s'arrêtera pas non plus au critère juridique, dans l'impossib ilité où l'on est de définir clairement des types d'institutions pure ment urbains et de repérer des institutions particulières dans toutes les agglomérations de type urbain. Mais ici encore ce critère sera utilisé dans l'étude du phénomène sans qu'on ait recours à lui pour le déter miner 2. On a donc cherché un phénomène susceptible de révéler la carte urbaine de la France d'une manière quantitative en ce sens qu'il coïn ciderait (à peu près au moins) avec tous les centres de type urbain et d'une manière qualitative en ce sens qu'il serait lié au phénomène urbain en vertu non d'un lien quantitatif tel que le chiffre de la population, ou d'un lien qualitatif externe tel que le régime juridique, mais d'un lien qualitatif interne mettant en cause le caractère urbain lui-même, en tant que faisceau de fonctions, en tant que phénomène sociologique. 1. Cf. l'embarras (Avertissement, p. X) où se sont trouvés de ce fait les auteurs de la récente et utile Bibliographie d'Histoire des Villes de France, préparée par Ph. Dol- lingeb. et Ph. Wolff, avec la collaboration de S. Guenee, Commission Internatio nale pour l'Histoire des Villes, Paris, 1967. 2. Cf. Recueils de la Société Jean Bodin. La Ville. T. VI- VII, Bruxelles, 1954-5. 336 APOSTOLAT MENDIANT ET FAIT URBAIN II nous a paru que l'implantation des Ordres Mendiants pouvait être ce phénomène révélateur de la France urbaine médiévale. Notre enquête repose donc sur les deux hypothèses de travail sui vantes, dont la première est la plus nécessaire, sinon la plus impor tante : 1° La carte urbaine de la France médiévale et la carte des couvents mendiants coïncident, c'est-à-dire : a) Pas de couvent mendiant en dehors d'une agglomération urbaine ; b) Pas de centre urbain sans un couvent mendiant. N. B. — Nous ne nous dissimulerons pas que ces propositions ne seront pas vérifiées à 100 %. Il faudrait que les exceptions, dans un sens ou dans l'autre (couvents mendiants en dehors des centres urbains et surtout centres urbains sans couvent mendiant), soient très peu nombreuses et que la plupart de ces exceptions s'expliquent par une entorse à la règle imposée de l'extérieur г. Bien entendu, pour éviter le risque de tautologie qui, si l'on définit a priori comme ville toute agglomération où existe un couvent mendiant, fera retrouver à l'issue de l'enquête ce qu'on aura posé au départ, on analysera à côté des agglomérations pourvues de couvents mendiants dont le caractère urbain semblera douteux, les agglomérations dépourvues de tels cou vents que l'on soupçonnerait au contraire de présenter un type urbain (par exemple les sièges d'évêchés ne possédant pas de couvent mend iant). 2° II y a un rapport entre la structure démographique et sociale des centres urbains et la localisation des couvents mendiants dans ces centres. Plus précisément les couvents mendiants s'installent au con tact de nouveaux milieux urbains réclamant une evangelisation d'un type nouveau et comprenant en majorité de nouveaux immigrants, essentiellement d'origine rurale. D'où la localisation des couvents mend iants au moment de leur implantation dans les centres urbains surtout à la périphérie urbaine et notamment dans les faubourgs. N. B. — Dans cette seconde hypothèse, complémentaire de la première sans lui être nécessairement liée, et de toutes façons secon daire pour nous, les exceptions seront sans doute assez nombreuses. Avant d'évoquer les facteurs de diversité dont on parlera plus loin, notons tout de suite le cas particulier des villes universitaires où les écoles, le « quartier latin », constituent le pôle d'attraction pour l'in stallation des couvents mendiants. Il sera intéressant d'étudier dans ces villes le jeu éventuel des forces d'attraction centripètes et centrifuges. 1. Ainsi, autour de 1300, dans la province dominicaine de Provence, les interven tions conjuguées de puissants laïcs (le roi de Majorque, le roi de Sicile - comte de Pro vence, des nobles) et de la papauté ont amené la fondation de couvents de Prêcheur en des lieux dont le caractère urbain est douteux (Collioure, 1290 ; Puigcerda, 1291) ou improbable (Saint-Maximin, 1295 ; Genolhac, 1300 ; Buis-les-Baronnies, 1294-1310) Cf. Bernard Gui, De fundatione et prioribus conventuum promnciarum Tolosanae et Provinciae O.P., éd. P. A. Amargier. Rome, 1961, pp. 271-4, 275-7, 278-9, 282-3. 337 ANNALES Programme de l'enquête. I. Son cadre géographique et chronologique.: a) Cadre géographique : celui de la France actuelle. C'est en effet la France actuelle dans ses structures historiques qui est le but dernier de cette enquête. Mais il faudra sans cesse tenir compte du fait que les couvents et les agglomérations repérés et étudiés sont à l'époque envisagée, tantôt en France, tantôt hors de France. Ce cadre géographique a par ailleurs l'avantage de permettre l'ut ilisation de l'organisation archivistique française actuelle de façon directe et aussi l'utilisation comme point de départ d'un ouvrage qui fournit d'emblée une base large et solide : Richard W. Emery, The Friars in Medieval France. A Catalogue of French Mendicant Convents, 1200-1550. Columbia University Press, New York et Londres, 1962. b) Cadre chronologique : 1200 (environ) - 1550. C'est la période choisie par Emery. Le terminus ante quem qui correspond à la fondation et uploads/Geographie/ apostolat-mendiant-et-fait-urbain-dans-la-france-me-die-vale-j-le-goff.pdf
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- Publié le Oct 24, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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