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Folia Electronica Classica, t. 11, janvier-juin 2006. <http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/11/TM11.html> Article déposé sur la toile le 26 avril 2006. P P P PAR AR AR AR- - - -DEL DEL DEL DELÀ À À À LES LES LES LES S S S SCYTHES ET AU SUD DES CYTHES ET AU SUD DES CYTHES ET AU SUD DES CYTHES ET AU SUD DES H H H HYPERBOR YPERBOR YPERBOR YPERBORÉ É É ÉENS ENS ENS ENS Aristéas de Proconnèse et les Arimaspées, entre mythe et réalité Stéphane Mercier Stéphane Mercier Stéphane Mercier Stéphane Mercier Université Catholique de Louvain Institut Supérieur de Philosophie 14, Place du Cardinal Mercier B-1348 Louvain-la-Neuve, Belgique stephane_mercier@hotmail.com Résumé. Résumé. Résumé. Résumé. — Cet article propose une présentation tout à la fois succincte et complète du personnage semi-mythique que fut Aristéas de Proconnèse. Au départ du témoignage le plus significatif, qui est celui d’Hérodote, l’A. y rapporte les autres données livrées par la tradition au sujet du « shaman » de Proconnèse, dont l’œuvre se réduit pour nous à douze vers seulement. À côté des données antiques et médiévales, il est tenu compte des apports de la philologie contemporaine, qui a permis de mieux cerner l’identité d’Aristéas et la nature de son œuvre. Τούτους τοὺς γρῦπας ἐν τοῖς ἔπεσιν Ἀριστέας ὁ Προκοννήσιος μάχεσθαι περὶ τοῦ χρυσοῦ φησιν Ἀριμασποῖς 〈τοῖς〉 ὑπὲρ Ἰσσηδόνων· τὸν χρυσόν, ὃν φυλάσσουσιν οἱ γρῦπες, ἀνιέναι τὴν γῆν· εἶναι δὲ Ἀριμασποὺς μὲν ἄνδρας μονοφθάλμους πάντας ἐκ γενετῆς, γρῦπας δὲ θηρία λέουσιν εἰκασμένα, πτερὰ δὲ ἔχειν καὶ στόμα ἀετοῦ 1. « Prends garde aux griffons ainsi qu’à l’armée des Arimaspes à l’œil unique (…) ; toi, ne t’approche pas d’eux ! »2 Sans transgresser nous-même cet ordre intimé par Eschyle, nous pouvons aujourd’hui encore nous laisser entraîner jusqu’auprès des voisins 1 « Ces Griffons sont ceux dont Aristéas de Proconnèse, dans son épopée, rapporte le combat pour la possession de l’or contre les Arimaspes, au-delà des Issédones. C’est la terre qui produit l’or gardé par les Griffons. Les Arimaspes sont tous, de naissance, munis d’un œil unique ; quant aux Griffons, ils ressemblent à des lions, mais avec des ailes et le bec d’un aigle », Pausanias, Description de la Grèce I xxiv 6 (nous traduisons). 2 « Γρῦπας φύλαξαι, τόν τε μουνῶπα στρατὸν Ἀριμασπὸν (…) τούτοις σὺ μὴ πέλαζε », Eschyle, Prométhée enchaîné v. 804-807 (nous traduisons). Stéphane Mercier 2 Issédones de ces Griffons et Arimaspes par un voyageur et poète, à mi-chemin entre l’histoire et la fable : Aristéas, natif de Proconnèse. Nous prendrons pour guide Hérodote, le Père de l’histoire, qui consacre à l’auteur du poème aujourd’hui perdu mais connu sous le nom d’Arimaspées, un passage de son Enquête (IV, 13-15) Le commentaire qu’appelleront ces pages nous permettra de joindre à ceux d’Hérodote les témoignages d’autres auteurs, grâce auxquels nous verrons s’esquisser les grands traits de la figure d’Aristéas ainsi que de son œuvre. Mais d’abord, un mot d’introduction pour mieux entrer en matière. Proconnèse, que nous connaissons aujourd’hui comme l’île de Marmara, est située dans la mer du même nom et qui s’étend des Dardanelles au Bosphore. Depuis l’Antiquité et jusqu’à l’époque moderne elle a été connue, comme le suggère son nom, pour son marbre blanc fort prisé. Le géographe Strabon, qui vivait au temps de l’empereur Auguste, écrit à ce propos : Le long de la côte qui va de Parion à Priapos se trouvent l’ancienne Proconnèse et l’actuelle Proconnèse, qui possède une ville ainsi qu’une grande carrière de pierre blanche très appréciée. C’est que les plus belles œuvres des cités de cette région, et avant tout celles qui sont à Cyzique, sont taillées dans cette pierre3. Qu’en est-il du rapport entre l’ancienne Proconnèse et celle que Strabon désigne comme l’actuelle Proconnèse ? Pour George Huxley, l’ancienne Procon- nèse n’est pas tant l’île de Marmara que celle d’Haloné, aujourd’hui Pasaliman, à quelques encablures de la côte, au sud de l’île de Marmara4. La carte ci-contre indique la localisation de Proconnèse et d’Haloné, ainsi que des villes de Cyzique et d’Artacé dont nous aurons à reparler en commentant le texte d’Hérodote . 3 « Ἐν δὲ τῷ παράπλῳ τῷ ἀπὸ Παρίου εἰς Πρίαπον ἥ τε παλαιὰ Προκόννησός ἐστι καὶ ἡ νῦν Προκόννησος, πόλιν ἔχουσα καὶ μέταλλον μέγα λευκοῦ λίθου σφόδρα ἐπαινούμενον· τὰ γοῦν κάλλιστα τῶν ταύτῃ πόλεων ἔργα, ἐν δὲ τοῖς πρῶτα τὰ ἐν Κυζίκῳ ταύτης ἐστὶ τῆς λίθου », Géographie XIII i 16 (nous traduisons). Parion, aujourd’hui Kemer ou Komarès, est un port de Mysie sur la Propontide ; Priapos, aujourd’hui Kabuga, est un village de la même région. 4 G. Huxley (1986), art. « Aristeas and the Cyzicene », in Greek, Roman, and Byzantine Studies 27, p. 154 : « If ‘Old Proconnesus’ is placed in Halone, the stages of Greek settlement in the Marmara islands become clearer: (…) the supposition that Halone is ‘Old Proconnesus’ implies that the island was a stepping-stone in settlement outward from Cyzicus. Settlers went first from Cyzicus to ‘Old Proconnesus’ and thence carried the name to new Proconnesus ». Par-delà les Scythes et au sud des Hyperboréens 3 La généalogie d’Aristéas est sujette à caution, et le lexique de la Souda le présente comme fils de Dêmocharis ou de Caystrobios5 ; dans le second cas, le nom laisse penser que sa famille peut avoir été originaire d’Ionie, peut-être même d’Éphèse, selon une conjecture de George Huxley6. On le dit issu d’une famille noble, mais l’époque qui le vit naître est sujette à controverse ; pour Askold Ivantchik7, qui s’est longuement penché sur la question, d’incontestables arguments philologiques permettent de dater l’épopée d’Aristéas non pas du VIIe siècle avant J.-C. comme on l’a longtemps pensé, mais plutôt de la seconde moitié du VIe siècle, voire du premier quart du Ve siècle8. Mais nous verrons dans la suite que ce point ne pourra être acquis qu’une fois confronté avec le témoignage d’Hérodote, dont nous allons aborder le texte sans plus attendre. 1. 1. 1. 1. A A A ARIMASPES RIMASPES RIMASPES RIMASPES, , , , I I I ISSÉDONES ET AUTRES SSÉDONES ET AUTRES SSÉDONES ET AUTRES SSÉDONES ET AUTRES ( ( ( (E E E ENQUÊTE NQUÊTE NQUÊTE NQUÊTE IV IV IV IV 13) 13) 13) 13) Dans la première des trois parties du passage consacré à Aristéas, Hérodote propose un aperçu de la configuration ethnique des régions les plus reculées de cette partie du monde qui s’étend de terres occupées par les Scythes jusqu’à une hypothétique mer sise tout au nord du continent : De son côté, Aristéas de Proconnèse, fils de Caystrobios, raconte dans son poème épique qu’en proie au délire apollinien, il se vit transporté chez les Issédones ; qu’au-delà des Issédones habitent les Arimaspes, des hommes qui n’ont qu’un œil, au-delà des Arimaspes les griffons gardiens de l’or de la terre, et plus loin encore les Hyperboréens qui touchent à une mer. Sauf les Hyperboréens, dit-il, tous ces peuples, à commencer par les Arimaspes sont toujours en lutte avec leurs voisins : les Arimaspes ont chassé de chez eux les Issédones, les Issédones ont chassé les Scythes, et les Scythes ont contraint les Cimmériens, qui habitaient sur les bords de la mer du sud, à quitter leur pays. Ainsi, lui non plus n’est pas d’accord avec les traditions scythes9. 5 « Ἀριστέας, Δημοχάριδος ἢ Καυστροβίου », Souda, s.v. Ἀριστέας. La suite du texte de la Souda à propos d’Aristéas pose un certain nombre de difficultés, concernant entre autres la datation et l’emploi du verbe γέγονε. Nous ne traiterons pas ici de ce point qui demanderait de longs développements hors de notre compétence et de notre propos. Cf. sur ce point A. Ivantchik (cf. n. 7 ci-dessous), pp. 57-58. 6 Cf. G. Huxley, art. cit., p. 154 et n. 9. 7 A. Ivantchik (1993), art. « La datation du poème l’Arimaspée d’Aristéas de Proconnèse », in L’Antiquité classique 62, pp. 35-67. 8 Au terme d’un examen philologique minutieux, Ivantchik, art. cit., p. 51, démontre que, à les considérer comme authentiques, « aucun mot des fragments de l’Arimaspée qui pouvait être utilisés pour sa datation ne correspond à l’usage de la littérature des VIIIe-VIIe siècles avant J.-C. ». 9 « Ἔφη δὲ Ἀριστέης ὁ Καϋστροβίου ἀνὴρ Προκοννήσιος, ποιέων ἔπεα, ἀπικέσθαι ἐς Ἰσσηδόνας φοιβόλαμπτος γενόμενος, Ἰσσηδόνων δὲ ὑπεροικέειν Ἀριμασποὺς ἄνδρας μουνοφθάλμους, ὑπὲρ δὲ τούτων τοὺς χρυσοφύλακας γρῦπας, τούτων δὲ τοὺς Ὑπερβορέους κατήκοντας ἐπὶ θάλασσαν· τούτους ὦν πάντας πλὴν Ὑπερβορέων, ἀρξάντων Ἀριμασπῶν, αἰεὶ τοῖσι πλησιοχώροισι ἐπιτίθεσθαι, καὶ ὑπὸ μὲν Ἀριμασπῶν ἐξωθέεσθαι ἐκ τῆς χώρης Ἰσσηδόνας, ὑπὸ δὲ Ἰσσηδόνων Σκύθας, Κιμμερίους δὲ οἰκέοντας Stéphane Mercier 4 Cette évocation de diverses peuplades évoluant aux confins du monde connu et jusqu’aux extrémités de la terre ne manque pas d’intérêt : seuls les Hyperboréens échappent à la logique conflictuelle de leurs voisins du sud. Les habitants des confins intermédiaires, depuis les extrémités de la Scythie jusqu’aux Griffons10 fabuleux en lutte contre les Arimaspes, sont par contraste présentés comme vivant dans des contrées minées par la guerre et où, par conséquent, il ne fait pas bon vivre. Les Arimaspes Les Arimaspes Les Arimaspes uploads/Geographie/ aristeas.pdf

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