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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Après le départ de Merkel, la droite européenne « déboussolée » PAR LUDOVIC LAMANT ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 13 OCTOBRE 2021 Après le départ forcé de Viktor Orbán en mars, le retrait d’Angela Merkel laisse la droite européenne sans leader naturel, ni stratégie évidente. Des eurodéputés exhortent le PPE, le parti de la démocratie chrétienne en Europe, à « se ressaisir ». Strasbourg.– Les législatives allemandes du 26 septembre ont attesté, sinon d’un rebond structurel, en tout cas du retour de forme des sociaux- démocrates. Pour la première fois depuis 1998, le SPD est arrivé devant les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU. Sous pression, le candidat conservateur, Armin Laschet, s’est dit prêt, jeudi dernier, à quitter la présidence de la CDU. Son échec est manifeste, la CDU-CSU ne recueillant que 11,2 millions de voix, contre 15,3 millions en 2017, pour la dernière candidature d’Angela Merkel. Même la CSU bavaroise perd du terrain (en retrait de sept points, d’un scrutin à l’autre). Au Parlement européen, les élus du Parti populaire européen (PPE), premier groupe de l’hémicycle par le nombre d’élus, ont suivi de près ce repli de l’un des poids lourds de leur camp. Il intervient à un moment particulier, alors que cette famille politique, déjà bousculée par le départ forcé du Hongrois Viktor Orbán en mars, est sur le point de perdre celle qui fut son leader naturel pendant 16 ans, Angela Merkel. « Cette situation doit être prise au sérieux. Nous traversons un moment de remise en question », reconnaît François-Xavier Bellamy, à la tête de la délégation Les Républicains (LR) au Parlement européen, exhortant la formation à « se ressaisir ». « Cela m'inquiète, je ne me réjouis pas de voir l’influence de ma famille politique s’éroder », avance Arnaud Danjean, un autre eurodéputé LR, élu sans discontinuer depuis 2009. Berlin, le 9 septembre 2021. Angela Merkel à côté de Manfred Weber, après son discours devant des eurodéputés PPE © Michael Kappeler / dpa Picture-Alliance via AFP. Dans l’Euro-Parlement, les chiffres des derniers mandats confirment la dynamique à la baisse du PPE, autrefois tout-puissant: 268 élus aux européennes de 2004, encore 265 en 2009, puis 221 en 2014, et enfin 182 au dernier scrutin, en 2019. Le groupe du PPE reste le plus fourni dans l’hémicycle, mais le départ du Fidesz d’Orbán a encore réduit son poids (178 élus). « C’est le jour où l’on va passer deuxième [derrière les sociaux-démocrates] que cela va vraiment bouger », pronostique un conseiller du groupe. Du côté du Conseil européen, l’institution qui porte la voix des États à Bruxelles, le constat est encore plus rude. Alors que l'option d’un chancelier conservateur à Berlin semble désormais peu probable, le PPE ne sera plus représenté que par huit États sur 27, dont la Grèce de Kyriakos Mitsotakis ou l’Autriche dirigée jusqu'à peu par Sebastian Kurz. Ces huit dirigeants gouvernent dans des pays représentant à peine 12% de la population de l’UE (contre 36% pour les sociaux-démocrates, dans l’hypothèse où Olaf Scholz succèderait à Merkel, à Berlin). Avec des intensités diverses selon les pays, la démocratie chrétienne– ou la « droite républicaine » en France–est prise en tenailles entre des extrêmes droites de plus en plus bruyantes et des forces libérales qui lorgnent aussi vers l’électorat de droite– à l’instar de La République en marche en France. Pendant des années, l'influence indiscutable de Merkel sur la scène européenne a masqué le rétrécissement de la base électorale de la démocratie chrétienne. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 « Le vrai séisme n’est pas le départ d’Orbán mais celui de Merkel, insiste Arnaud Danjean. C’est elle qui tenait le PPE. D’une certaine façon, les autres pays intégraient la contrainte: Merkel disait la messe à Berlin.» Président emblématique du PPE de 2013 à 2019, le Français Joseph Daul, né à Strasbourg, servait avant tout de trait d’union entre le parti et la chancelière, dont il était un très proche . « Angela Merkel, par son autorité naturelle au Conseil, cachait la décrépitude du PPE, juge Philippe Lamberts, un eurodéputé belge à la tête du groupe des Verts. Angela Merkel partie, la CDU-CSU n’a plus de programme. Et cela vaut aussi pour les chrétiens- démocrates en Europe: on ne sait pas où ils vont, et ils ne le savent pas eux-mêmes.» Et l’écologiste de poursuivre: « On a dit de la social- démocratie, à juste titre, qu’elle était déboussolée, depuis la Troisième voie de Tony Blair et son ralliement à la pensée unique néolibérale. Mais le PPE, lui aussi, est perdu. Les deux grandes familles politiques qui ont structuré le paysage européen ont aujourd’hui perdu leur boussole.» Le PPE post-Merkel va-t-il occuper l’espace d’un centre-droit pro-européen et proche du monde de l’entreprise, ou courir après l’extrême droite, sur l’immigration ou la souveraineté nationale? La stratégie n’est pas arrêtée et le congrès du PPE prévu en novembre à Rotterdam ne tranchera pas. Pendant un temps, Manfred Weber, patron du groupe parlementaire PPE, a plaidé pour servir du « go between » entre ces deux forces, avant de prendre ses distances plus nettement, à partir de 2018, avec la Hongrie d’Orbán. Mais Weber n’a pas la même autorité que Merkel et les tiraillements internes sont nombreux. « Le PPE a longtemps servi la dynamique européenne, en partant d’un principe qui passerait pour un tabou absolu aujourd'hui,assure François-Xavier Bellamy. Quand Klaus Welle était secrétaire général du PPE, et Wilfried Martens son président [un Allemand et un Belge flamand, dans les années 1990-2000– ndlr], leur doctrine consistait à dire: ne rien laisser exister à la droite du PPE. Cela paraîtrait scandaleux, mais cela s’est avéré être un puissant facteur de développement.» Jusqu’au divorce avec Orbán en mars dernier, la délégation LR plaidait ainsi pour conserver le Fidesz au PPE. «Le grand paradoxe de l’exclusion des Hongrois, c’est qu’au moment où elle était prononcée, elle se trouvait démentie par les faits, poursuit Bellamy, qui regrette toujours le départ des Hongrois, provoqué par Weber. La fracture qui s’était ouverte en 2015 sur la question migratoire, avec Angela Merkel qui décide d’accueillir des réfugiés et Orbán qui s’y refuse, n’a plus lieu. Tout le monde parle à présent comme Orbán sur les questions migratoires. La Commission a définitivement écarté l’idée d’une relocation obligatoire de migrants et plaide pour renforcer Frontex. Même Emmanuel Macron, quand il intervient sur l’Afghanistan à la télévision, dit exactement ce qu’Orbán disait en 2015.» L’affaiblissement du PPE renforce aussi la fracture entre l’Est et l’Ouest, et risque encore de compliquer la définition d’un cap. En Espagne, au Portugal ou en France, et sans doute bientôt en Allemagne, les droites traditionnelles sont reléguées dans l’opposition. En Italie, elles soutiennent un gouvernement ultra-large emmené par le « technocrate » Mario Draghi. À l’inverse, le PPE continue de faire le plein à l’Est, notamment dans certains pays entrés dans l’UE après l’élargissement de 2004. Arnaud Danjean relativise la nouveauté de cette situation, convaincu que même lorsque le PP gouvernait à Madrid et l’UMP à Paris, « le centre de gravité du PPE était déjà à l’Est ». « Merkel était de toute façon très attirée par l’Est », avance- t-il. Et d’insister: « Le PPE a été la force politique qui a le mieux intégré, et le plus vite, les pays d’Europe centrale et orientale, même avant 2004. [Le chancelier allemand Helmut] Kohl a toujours soutenu la dissidence à l’Est, et fut le plus prompt à récupérer des dissidents lituaniens ou hongrois.» Cette ère de remise en question à droite intervient à l’approche de la mi-mandat au Parlement européen– période qui coïncide traditionnellement avec un jeu Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 complexe de chaises musicales. À la tête du groupe PPE au Parlement, Weber a été réélu, ce mercredi matin, par ses collègues. Mais la surprise est ailleurs: alors que la présidence de l’hémicycle, aujourd’hui occupée par les sociaux- démocrates, est censée revenir au PPE à partir de janvier, en vertu d’un accord conclu entre les deux formations en début de mandat, et semblait donc promise à Weber, ce dernier, finalement, ne sera pas candidat. Le Bavarois espère récupérer, à partir d’avril 2022, la présidence du parti PPE, aujourd’hui occupée– sans panache excessif–par le Polonais Donald Tusk. En coulisses, on explique que Weber a anticipé un blocage lors du vote, persuadé qu’une majorité d’eurodéputés auraient tiqué à l’idée de donner à la CDU-CSU non seulement la présidence de la Commission avec Ursula von der Leyen, mais aussi celle du Parlement– deux des principales institutions de l’UE–, tandis que les craintes d’une « Europe allemande » restent vives. L’élection d’un nouveau président du Parlement aura aussi valeur de test, pour voir si les élus situés à la droite du PPE au Parlement–non-inscrits du Fidesz, par exemple, ou membres d’ID, le groupe du RN français et de la Ligue italienne– parviennent à s’entendre pour porter un même candidat. Au-delà du cas Weber, le PPE devra trouver de nouvelles uploads/Geographie/ article-987514.pdf
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- Publié le Dec 31, 2021
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