Commerce et intégration régionale en Afrique - Cas du Burundi Séminaire préparé
Commerce et intégration régionale en Afrique - Cas du Burundi Séminaire préparé et animé par Nicodème Nimenya* sur invitation de l’ASBL ERAD-KU NAMA *Chercheur-Doctorant à l’Unité d’Economie rurale Université catholique de Louvain E-mail : nicodeme.nimenya@student.uclouvain.be Demi-journée de réflexion sur le Burundi organisée par l’ASBL « Espace de réflexions et d’actions de la diaspora du Burundi (ERAD Ku- Nama) » 20 septembre 2008, Louvain-la-Neuve, Belgique 2 Résumé— Depuis le premier sommet économique extraordinaire de l’Organisation de l’Unité Africaine qui déboucha sur le Plan d’Actions de Lagos (PAL) au Nigéria en 1980, les pays Africains se sont lancés dans une dynamique d’intégration régionale avec une ambition de créer une communauté économique africaine viable en 2025. Du reste, l’intégration régionale dans les quatre coins du monde était aussi conçue à son départ comme un palliatif du ralentissement des négociations multilatérales du cycle de Kyoto en 1979 menées sous les auspices du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT). Contrairement aux anciennes conventions ACP-UE, la réforme actuelle qui vise la conclusion des accords de partenariat économique risque de donner dans un proche avenir une impulsion à la vitesse d’intégration régionale en Afrique où chaque pays sera obligé de se ranger dans le camp où ses intérêts sont mieux protégés. Beaucoup d’analyses menées par l’organisation des Nations-Unies pour l’Agriculture et Alimentation (FAO) et la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) font révéler actuellement que l’Afrique n’est pas non plus ici bien partie dans la mesure où la quantité des zones d’intégration régionale prime sur leur qualité. Il n’est pas en effet rare de trouver des pays Africains évoluant dans un chevauchement d’appartenance à plus de quatre zones d’intégration sans pour autant accroître le commerce intracommunautaire. Ces analyses sont souvent faites à l’échelle des blocs d’intégration régionale eux-mêmes sans pouvoir s’attarder aux particularités des pays pris individuellement. La présente analyse focalise son regard sur le niveau actuel d’intégration régionale du Burundi, un pays essentiellement agricole et dont la grosse part des exportations est acheminée aux pays développés du Nord. C’est aussi en même temps un pays qui appartient à plus de sept communautés économiques régionales dont les plus connues sont le COMESA, la CEEAC et la CEA. L’étude fait appel dans un premier temps à des indicateurs de mesure de l’intégration régionale avant d’analyser les flux des exportations du Burundi avec un modèle de gravité à l’aide des statistiques récentes fournies par la base de données COMSTAT du COMESA. Les résultats montrent qu’en dépit des efforts d’engagement dans les communautés économiques régionales, les pays de l’OCDE et plus spécialement les anciennes puissances colonisatrices et la Suisse restent les principales destinations des exportations du Burundi, surtout les matières premières agricoles et les produits agro-alimentaires. Cependant, à l’échelle africaine, les flux vers la zone COMESA et les pays limitrophes sont significatifs. Par contre le fait d’appartenir à la CEEAC n’a pas d’effet significatif sur la direction de ses exportations. L’adhésion du Burundi à la communauté est-africaine étant très récente, elle ne montre pas encore d’effet significatif sur la direction de ses exportations. En somme, s’il y a une zone d’intégration régionale qui a plus de chance de réussir pour le Burundi c’est celle qui regroupe le maximum possible de ses pays voisins. Mots clés : intégration régionale, modèle de gravité, accords de partenariat économique 3 1. . . . Introduction La décennie 1980 à 1990 voit une prolifération des accords d’intégration régionale (AIR) dans les cinq continents dans l’optique de pallier le ralentissement des négociations commerciales multilatérales à la suite du cycle du GATT de Kyoto en 1979. En Afrique, la vague de création des accords d’intégration régionale trouve son origine au premier sommet économique extraordinaire de l’Organisation de l’Unité Africaine qui débouche sur le Plan d’Actions de Lagos (PAL) au Nigéria en 1980. Le PAL s’était fixé pour objectif l’instauration d’une Communauté économique africaine à l’horizon 2000 repoussée par la suite à 2025 par le traité d’Abuja signé et ratifié respectivement en 1991 et 1994. Le PAL recommandait la création d’entités sous-régionales regroupant les quatre subdivisions intracontinentales à savoir l’Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest, Afrique centrale et enfin l’Afrique orientale et australe. L’objectif du présent document est de mettre en relief les défis de l’intégration régionale en Afrique avec un accent particulier sur les zones d’intégration régionale dont fait partie le Burundi, un pays à petite économie à avec un nombre limité des produits d’exportation. Nous mènerons ensuite une étude quantitative des performances commerciales du Burundi à l’aide des indicateurs de mesure de l’intégration régionale. Même si l’étude reconnaît que des éléments de géopolitique et des facteurs culturels et historiques sont extrêmement incontournables en tant qu’enjeux de l’intégration régionale, elle se limite à bon escient à une intégration par le marché. La reste de l’étude est subdivisée comme suit : la section 2 apporte le soutien théorique à la logique d’intégration régionale ; la section 3 dresse l’image des zones d’intégration en Afrique et spécialement celles dont le Burundi est membre. La section 4 est consacrée à l’évaluation quantitative des indicateurs de performance de l’intégration régionale. La section 5 interprète les résultats pendant que la section 6 conclut et dresse quelques perspectives d’avenir. 2. La théorie néo-classique de l’intégration régionale Le régionalisme est souvent identifié par des arrangements commerciaux préférentiels accordés aux pays voisins qui forment ainsi des blocs où le commerce est plus ou moins libéralisée par la suppression des barrières tarifaires et non-tarifaires. Les théories libérales apportent deux grands types de réponse : l’analyse statique et l’analyse dynamique. 4 Sur le plan statique, selon l’ancienne théorie du commerce international, le bien-être économique est maximisé dans un contexte de libre échange, source d’une allocation optimale des ressources. David Ricardo (1817)1 a démontré que tous les pays, même les moins compétitifs, trouvent un intérêt à rentrer dans le jeu du commerce international, jeu à somme positive, en se spécialisant dans la production où ils détiennent l'avantage comparatif le plus important (Krugman, 2003). Cette théorie vieille de deux siècles et sans réfutation formelle est devenu le crédo officiel de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Adam Smith (1776) avait développé bien avant lui les avantages absolus. Heckscher et Ohlin (1977) plus tard placent l’origine de l’avantage comparatif dans les dotations factorielles. Vernon selon De Brandt (2008) développe les théories dynamiques des avantages comparatifs. Selon l’auteur, les dotations factorielles ne sont pas immuables, elles se modifient au contraire sous l’effet du développement de l’accumulation du capital. Ses spécialisations évolueront au cours du temps. Les travaux de l’économiste Harvard Jacob Viner (1950) selon Mabushi (2005) et De Brandt (2008) viennent mettre en doute la conception jusque là admise de l’effet nécessairement bon de l’Union douanière. Selon cet auteur, l’élimination des obstacles artificiels à l’intérieur de l’union s’accompagne naturellement d’un effet discriminatoire à l’égard du reste du monde2. Ainsi donc, deux grands effets peuvent s’observer consécutivement à la création d’une zone d’intégration régionale : - Un effet de création de commerce (effet positif) à travers lequel une production nationale est remplacée par des importations intra bloc. Le déplacement du trafic se fait une source d’approvisionnement à moindre coût et l’action va dans la libéralisation des échanges. Une telle situation permet une plus grande efficacité de la production, une diminution des prix à la consommation et une amélioration du bien-être économique. - Un effet de déviation ou de détournement du commerce (effet négatif) : les importations d’un pays extérieur au bloc sont remplacées par celles d’un pays membre qui sont plus coûteuses. Le déplacement du trafic se fait ici vers une source d’approvisionnement à coût plus élevé, l’action va donc dans le sens d’un renforcement du protectionnisme et 1 La référence classique de David Ricardo est, “Principles of Political Economy and Taxation” publiée pour la première fois en 1817. 2 Les zones d’intégration économique bénéficient naturellement d’une dérogation aux principes de non- discrimination de l’OMC 5 discriminatoire à l’égard du reste du monde. Cette situation s’accompagne d’une diminution des recettes douanières et subsidie des producteurs moins efficients. Les analyses théoriques suggèrent que les accords d’intégration commerciale peuvent être bénéfiques ou nuisibles en fonction des pays impliqués et du niveau de la création du commerce par rapport à son détournement (Panagariya, 2000) in Magee (2008). Magee (2008) juge important de clarifier les deux concepts clés dont dépendent les effets de bien-être d’une zone d’intégration régionale. Ainsi il y a diversion/création de commerce quand il ya accroissement des flux d’échange intra bloc non accompagnés/accompagnés d’une diminution des flux avec le reste du monde. Balassa (1991) in Mabushi (2005) introduit un élargissement théorique important de l’intégration. Le tableau 1 met en relief 5 types d’arrangements commerciaux chacun avec ses objectifs qui se révèlent également des étapes d’une intégration régionale. Tableau 1. Principales caractéristiques des différentes formes d’intégration par le marché Forme d’intégration régionale Réduction des tarifs dans le commerce intra régional Elimination des tarifs dans le commerce intra régional Tarif commun pour le reste du monde (TEC) Libre mobilité des facteurs de production Harmonisation des politiques économiques Un gouvernement central uploads/Geographie/ commerce-et-integration-regionale-en-afrique-cas-du-burundi.pdf
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