Constantin Brăiloiu Esquisse d’un méthode de folklore musical, in Problèmes d’e
Constantin Brăiloiu Esquisse d’un méthode de folklore musical, in Problèmes d’ethnomusicologie, Genève, Minkoff Reprint, 1973, 466p. On peut considerer comme particulierrement caractéristique pour le reepertoire populaire roumain sa division en genres nettement definis, de style et d'usage differents et dont l'execution est elle-même severement regleé par l'usage. La plupart de ces genres est lieee ar un rituel ou ar une occasion. Un seul est "autonome", c'est la chanson lyrique chanteee n'importe our et n'importe quand, pour le seul plaisir de chanter, la chanson "proprement dite". Mais ar bien prendre celle-la même ar son occasion, qu'une poeesie populaire indique bien joliment, lorsqu'elle deecrit les souffrances d'un cœur tourmenté par trop de chagrins, et ajoute pour finir ces mots, les plus profonds peut-être qui aient eetee dits sur la musique: Ma chance est de savoir chanter…. Sans aucun doute, une science qui s'exerce sur une matierre ainsi caracteeriseee ne peut ar aucun prix ignorer le pheenomerne social, auquel le pheenomerne musical est indissolublement attaché.Peut-être l'information accessoire aurait-elle pu n'embrasser que les faits immeediatement voisins de la musique, ayant avec elle une parentee de premier degré, si d'un bout ar l'autre du territoire roumain la civilisation rurale archaïque subsistait dans son inteegritee, avec son ideeation traditionnelle et ses manifestations concrertes. Une nouvelle geeneeration paysanne est donc apparue et, loin de simplifier notre tâche, son avernement en aggrave au contraire les difficultees. C'est qu'il ne marque pas, comme on pourrait croire, la fin de toute creeation populaire, du moins musicale. Comme en Hongrie et peut-être en d'autres pays trop peu explorees de l'Orient Européen, un style musical populaire moderne est nee en Roumanie. Ce style, our le merveilleux instinct d'adaptation de la collectivitée paysanne a fondu des eeleements de toute esperce dans une syntherse inattendue, est en pleine floraison aujourd'hui et produit tous les jours des speecimens mélodiques plus ou moins heureux. Au point de soudure entre l'ancien monde, sans alphabet et le monde nouveau de l'imprimee et de la machine, on voit en effet se produire dans notre socieetee rurale un processus dont la spontaneeitee eetonne: un double effort d'inteegration et d'adaptation moderne dans le monde contemporain. Dans le premier cas, le paysan coupera sa chaussure ancestrale dans un pneu crevé, dans le second, l'eecolier viendra ar la ville vêtu d'un veston occidental, ou peu s'en faut, mais fait d'une eetoffe tissee par sa merre sur l'ancien métier domestique. Semblable ar cette chaussure est le cor des Alpes (bucium) en fer blanc, semblable ar ce veston la guitare italienne amputée de plusieurs cordes pour permettre un accompagnement semblable à celui de l'ancien cobza, de plus en plus rare.Qu'il s'agisse du recueil ou de la classification de faits recueillis, un principe immuable devra sans cesse diriger notre travail: c'est l'exclusion, dans l'extrême limite du possible, de tout élément subjectif. La stricte observance de ce principe suscitera, il est vrai, mainte difficulté, et devra malheureusement subir dans la pratique certains amendements. Elle nous préservera cependant du risque de l'interprétation hasardée et de la conclusion hâtive.Le souci d'objectivité nous imposera en tout premier lieu l'enregistrement mécanique des mélodies. La machine seule est objective sans conteste, et seule sa reproduction est indubitable et complète. Si bien que nous écrivions une mélodie sous la dictée de l'interprète, il manquera toujours quelque chose à notre notation, ne serait-ce que le timbre de la voix ou cette coloration particulière du mélos due à l'émission vocale paysanne, sans parler des timbres instrumentaux. De plus, l'enregistrement mécanique évite la fatigue des informateurs et facilite un recueil intensif. Enfin, il nous fournit ce moyen de contrôle dont aucune science exacte ne saurait se passer.L'oreille infaillible du diaphragme enregistreur trouvera un collaborateur de confiance dans l'oeil infaillible de l'objectif photographique. Là commence cette documentation auxiliaire dont il a été question. Iconographique en partie, elle aura pour première tache de fixer le décor de la musique, l'occasion musicale. Gravée dans la cire ou l'ébonite, la mélodie qui s'est chantée tel jour en tel endroit, à la toilette de telle mariée gardera une palpitation de vie si le visage de cette mariée, l'attitude des chanteurs, l'aspect de ce qui l'entourait nous sont demeurés sensibles. La vue des scènes rituelles d'un enterrement prêtera de même une intensité expressive particulière au phonogramme d'une plainte funèbre et facilitera la compréhension de son texte. Le chant du sapin, par exemple, propre au rituel mortuaire du village de Runc, district de Gorj, Olténie, sera nécessairement accompagné, dans le fichier des archives, de vues de ce sapin, devant la maison du mort, dans la cour de l'église, sur le chemin de cimetière, sur la tombe.L'appareil photographique nous est surtout précieux pour l'indication précise et le contrôle de nos sources. Rien de plus important en folklore que la connaissance exacte de ces sources pour chaque cas particulier. La mélodie populaire n'a aucune réalité palpable par elle-même. Elle n'existe réellement qu'au moment où on la chante ou on la joue et ne vit que par la volonté de son interprète et de la manière voulue par lui. Création et interprétation se confondent ici – il faut le répéter sans cesse – dans une mesure que la pratique musicale fondée sur l'écrit ou l'imprimé ignore absolument, et tous les chercheurs ont été frappés des libertés que l'exécutant populaire prend avec la mélodie exécutée qu'il traite comme son bien propre (ce qu'elle est, en effet, pour une large part). Il est donc capital de savoir qui est cet exécutant, comment il juge de la musique, s'il a voyagé; si, par conséquent, il a subi ou pu subir des influences, importer des mélodies et ainsi de suite.Tout cela compose une image morale que l'image physique, conservée par le cliché photographique, ne contredit point: celle d'une pauvresse sans instruction, appartenant par sa mentalité et par son costume à une génération qui disparaît: une malheureuse douée d'une bonne voix et qui pourrait dire, elle aussi, que sa seule chance est de savoir chanter. En d'autres termes, un informateur idéal, dépositaire probable du répertoire régional archaïque. Dans d'autres cas, la fiche d'informateur pourra servir à l'explication de quelques anomalies. Elle nous dira, par exemple, pourquoi telles mélodies ont été écrites sous dictée: c'est que l'informateur refusait obstinément de chanter devant le pavillon du phonographe, craignant que sa voix "ne demeure après sa mort". Certaines fiches d'informateur seront de dimension considérables: celle de ce vieux berger dont la photographie a paru un jour dans L'Illustration, comprend, outre les souvenirs d'une vie pastorale classique et le récit des migrations ancestrales, par le "chemins des moutons", une quantité de détails sur l'idéation typique du personnage, dominée toute entière par l'amour mystique de la brebis, bête sainte qui ne se couche jamais sans tracer sur le sol le signe de la croix. L'appareil photographique est parfois insuffisant lorsqu'il s'agit de fixer un cérémonial, toujours insuffisant – en l'absence d'une orchésographie pratique – lorsqu'il s'agit de fixer le pas d'une danse. On le remplacera par le cinématographe, soit à film étroit, pour l'étude de laboratoire, soit à film normal pour la simple illustration: fragments de film normal représentant des gens de noce du village de Feleag, district d'Odorhei, Transylvanie: les mariés, la jeune fille à la "poule", la belle-mère, et la danse – rituelle – de la mariée). Le film sonore seul suffirait pourtant à toutes les exigences. [1] Dans tous les cas, l'acquis d'une expédition se composera d'enregistrements, de photographies, de films, d'un catalogue provisoire des mélodies enregistrées. Dans chaque cylindre nous trouverons les fiches dites "de campagne" se rapportant aux enregistrements auxquels ce cylindre a servi: ce sont les questionnaires dont il a été fait mention. On verra tout à l'heure de quelle manière ces matériaux seront incorporés aux archives. Nos investigations pourront être poussées beaucoup plus avant lorsque nous entreprendrons l'étude monographique d'une "unité" musicale: un genre, un groupe humain ou même un individu caractéristique; par exemple, lorsque nous séjournerons quatre-six semaines et plus dans un village, dans le dessein d'en connaître par le menu la vie musicale. Une quantité des procédés techniques, impossibles en d'autres circonstances, trouveront là leur application, et tout d'abord l'enquête au moyen de l'"informateur-type". Un informateur peut être typique à bien des points de vue: soit qu'il nous paraisse l'interprète autorisé de tel genre musical, soit qu'il personnifie un courant du goût public rural, soit qu'il illustre une règle, soit qu'il représente nettement une exception. La veuve et le berger de tout à l'heure sont des informateurs-type: éléments-type de conservation. Opposons-leur un élément-type de dissolution. Ce jeune vagabond nanti d'un certificat d'études primaires et d'une mémoire sans défaut ayant quitté son village à l'âge de 18 ans en compagnie d'un photographe, devenu plus tard une sorte d'agent de placement des manufactures domestiques de drap des villages voisins, puis rôtisseur au cabaret "A la Reine de la Nuit" dans un faubourg de Bucarest, soldat en Bessarabie, journalier, berger, à nouveau agent de draps, à nouveau berger, serviteur chez un propriétaire foncier à l'autre bout du pays, enfin et jusqu'à nouvel ordre "laboureur" chez lui. Le répertoire de l' uploads/Geographie/ constantin-bra-iloiu-esquisse.pdf
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- Publié le Oct 21, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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