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Procultura 5 rue Saint-Benoît 75006 PARIS – Tel +33 (0) 1 40 20 15 50 – fax +33 (0) 1 40 20 01 21 www.procultura.fr Richesse du monde, Pauvretés des nations Daniel Cohen Introduction Peut-croire que le commerce avec les pays pauvres est la cause de notre appauvrissement quand cela ne représente que 3% des richesses produites chaque année par les nations les plus riches ? Il semble que non. Tout est faux ou presque des peurs qui attribuent à la mondialisation les crises des pays riches, selon Daniel Cohen. Si les peurs sont légitimes c’est parce qu’elles correspondent à la nouvelle réalité interne du capitalisme, à ses propres transformations qui ont eu pour conséquence une ouverture brutale. Cette réalité interne du capitalisme se caractérise par des unités de production plus petites, le recours à la sous-traitance, la professionnalisation des tâches. La misère du monde L’auteur commence par faire un constat. Qu’est ce qu’un pays riche sans opposants ? Un pays « prospère et vieillissant », d’où la nécessité de faire du commerce avec les pays pauvres. Mais, le commerce avec les pays pauvres n’expose pas les pays riches au risque de revenir en arrière, à la « loi du marché » telle qu’elle s’impose au XIXème aux premières heures du capitalisme européen? Il convient d’expliquer la raison de cette pauvreté avant d’examiner la prospérité récente des nouveaux pays industriels.  L’homme le plus pauvre du monde. Tout d’abord quelques chiffres : 60% de la Chine et de l’Inde sont paysannes, 70% de l’Afrique est paysanne. Un paysan gagne entre 5 et 10 000 francs en Chine et en Inde, c’est 2 à 3 fois plus qu’en Afrique. Dans ces conditions, l’homme le plus pauvre du monde est sans nul doute la femme africaine, exploitée par l’homme qui n’investit pas dans la machine, l’épargne servant à acheter une autre femme qui lui donnera des enfants qui travailleront pour leur père.  Les villes et les campagnes Une étude de la Banque mondiale, montre que la moitié des richesses des campagnes reviennent aux villes. L’exploitation des campagnes par les villes se fait de manière transparente avec l’implication des Centrales d’Etats, les Marketing Boards, les administrations publiques auxquelles est accordé le monopole d’achat des produits agricoles. L’origine de ces boards est diverse : elles ont été créées par les paysans eux-mêmes pour soutenir le cours des matières premières ou par les grands exportateurs pour exploiter les petits paysans. Sous la seconde Guerre Mondiale, ils ont été utilisés par l’Angleterre pour approvisionner l’armée. Procultura 5 rue Saint-Benoît 75006 PARIS – Tel +33 (0) 1 40 20 15 50 – fax +33 (0) 1 40 20 01 21 www.procultura.fr Les gouvernements les ont maintenus afin de stabiliser le cours des matières premières. Le but étant d’accumuler les réserves en période de « vaches grasses » et de les reverser aux productions en période de « vaches maigres ». Mais, la tentation par les Boards de dépenser les surplus accumulés au fur et à mesure a été trop forte… Cela a entrainé des réglementations obligeant les paysans à reverser toutes leurs productions au pouvoir central, aux prix les plus bas possibles. Les boards sont devenus en quelque sorte leur tuteur. Les élites urbaines tiennent leur légitimité politique des villes. Ce sont les révoltes urbaines qui déclenchent les coups d’Etat et les révolutions. Tout pouvoir en place redoute les émeutes de faim qui surgissent chaque fois que le FMI essaie de libéraliser le prix des produits alimentaires. Cette épée Damoclès urbaine induit un cercle vicieux : en maintenant le prix des produits agricoles artificiellement bas, les pouvoirs urbains ruinent les paysans, les contraignant à l’exode rural qui les entasse dans des villes dont la seule richesse est de pouvoir compter sur des prix agricoles subventionnés… La moitié de la consommation urbaine est constituée de produits alimentaires, ce qui rend le processus irréversible.  Le mercantilisme Comment le passage des sociétés européennes d’un âge agraire à un âge industriel s’est heurté à des politiques voulant « aider » les villes contre les campagnes ? En ce qui concerne l’agriculture, à la Renaissance, la circulation du blé est encadrée, l’exportation interdite et l’importation favorisée. Le mercantilisme est l’ensemble des écrits qui dessinent ce que l’on appellerait aujourd’hui la politique économique des Etats. Le terme d’économie politique est forgé par Antoine de Montchrestien. Le but des Etats et de faire rentrer autant d’or que possible par le soutien aux exportations et l’interdiction des importations, le vecteur mercantiliste est le commerce et l’industrie. L’Europe de la Renaissance est à 80% paysanne, tout comme l’Afrique aujourd’hui. Les auteurs mercantilistes défendent une théorie de la richesse où la production agricole vient toujours en dernier : « on gagne beaucoup plus par l’industrie que par l’agriculture et plus par le commerce que par l’industrie » précise, William Petty Political Arithmetic 1678. Comment une telle conception a-t-elle pu venir à l’esprit d’auteurs qui vivaient dans des économies rurales à 80% ? Du fait des famines et des épidémies au XIVème siècle, 40% de la population européenne est détruite, l’agriculture cesse d’être le souci des peuples. Mais surtout, l’Europe qui se dessine au sortir du Moyen Age est en train de fermer sa géographie politique. La surenchère militaire de la France, de l’Espagne et de l’Angleterre ruine les finances publiques de ces nations. La richesse fiscale et monétaire des campagnes est trop mince, seules les villes où ont lieu les échanges marchands les plus denses sont la promesse d’une fiscalité abondante. Une alliance politique est proposée aux Princes par les mercantilistes : elle offre aux Etats de prendre appui sur l’industrie et le commerce pour remplis leurs caisses. Les guildes, les corporations d’artisans, les Compagnies de commerce obtiennent des rois le monopole d’exercice de leur métier et paient en contrepartie Procultura 5 rue Saint-Benoît 75006 PARIS – Tel +33 (0) 1 40 20 15 50 – fax +33 (0) 1 40 20 01 21 www.procultura.fr des droits (source principale de revenus des Etats). La contribution des campagnes sera indirecte : on fera tout pour que les prix des denrées vendues en villes soit le plus faible possible pour maintenir une population urbaine nombreuse et facile à nourrir. Or, on n’aide pas les villes en appauvrissant les campagnes. Les famines viennent tôt ou tard sanctionner un exode rural mal maitrisé. Il n’y a de populations urbaines viables qu’à concurrence du surplus venu des campagnes et cela exige qu’on ne ruine pas les paysans, expliquent les physiocrates du XVIIIème siècle tel le docteur Quesnay. Il faut abolir les régulations favorables aux villes, et laissez faire l’équilibre naturel que dicte la production alimentaire. Les progrès de l’agriculture sont l’une des causes majeures de la première révolution industrielle, qui voit le jour à la fin du XVIIIème siècle. C’est dans les campagnes que se développe d’abord l’industrialisation, grâce à au temps libre qu’offrira aux paysans une productivité agricole augmentée avec un équilibre entre la production de biens industriels (textiles) et celle de bien alimentaires. Ce schéma sert de référence au développement asiatique aujourd’hui. La même étude de la Banque mondiale qui concluait au pillage des richesses agricoles africaines, révélait que les campagnes coréennes ont été subventionnées par les villes !  La corruption En Afrique, l’exploitation de la nation tout entière par les élites économiques pose un réel problème. Les despotes appauvrissent jusqu’à l’extrême les nations qu’ils gouvernent. Victor Naim a qualifié cela d’effet « anti-Midas » : quand le système transforme l’or noir en misère. L’exemple du Venezuela est éclairant : avec la hausse du prix du pétrole, le gouvernement vénézuélien a constitué au cours de la deuxième moitié des années 70 des caisses d’investissement pour aider prétendument à l’industrialisation du pays. Comme les Marketing Boards en Afrique, ces caisses sont rapidement détournées de leurs fins pas les groupes d’influence qui formaient l’entourage du Président de l’époque, Carlos Andrès Perès. Des usines d’aluminium ou d’acier, sans aucun rapport avec les besoins du pays, sont construites pour le seul bénéfice des détournements de subventions auxquels elles donnent lieu. Résultat dans les années 70-80, malgré l’abondance offerte par la manne pétrolière, le Venezuela s’est appauvri ! Au Nigeria, la création d’une nouvelle capitale Abuja, avec la richesse pétrolière, a dissipé les richesses. Le ministère des Finances estime que sur 23 milliards de nairas investis, 500 millions ont été utiles.  « Démocratie pour l’Afrique » Cela se ferait au nom des trois rouages : exploitation de la femme, des campagnes, corruption des élites, selon René Dumont. C’est en vertu de ce diagnostic que la démocratie apparait comme le programme grâce auquel un cercle vertueux est susceptible de s’engager. Par la démocratie, l’éducation devient un objectif crédible et la société pourrait passer à d’autres formes d’accumulation de richesses et permettre de tenir le pouvoir discrétionnaire des élites. Le discours de René Dumont, agronome de formation se rapproche de celui de Quesnay, physiocrate qui dénonçait le mercantilisme urbain qui oppresse les campagnes, à deux siècles d’intervalles : le libre jeu des marchés uploads/Geographie/ daniel-cohen-richesse-du-monde-pauvretes-des-nations-pdf.pdf

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