U ne fois encore, j’étais revenu à Lyon. Les vignes fauves, les clochers des vi

U ne fois encore, j’étais revenu à Lyon. Les vignes fauves, les clochers des villages, les maisons aux tours carrées signalent que le train traverse les terres du Beaujolais. Le passage par la gare de Sathonay annonce la courbe en surplomb depuis laquelle on découvre soudain la cité comme une maquette sur une table d’architecte. En vision panoramique, on aperçoit les berges du Rhône, les tours de la Duchère, et au loin la basilique de Fourvière tel un berlingot couleur sucre de canne. Puis la ligne de chemin de fer longe le parc de la Tête d’Or – la pelouse des ébats, l’enclos des éléphants, les grandes serres -, et aussitôt surgit le mur du lycée du Parc, avec des trouées sur les cours d’autrefois. On passe l’ancienne gare des Brotteaux, et voici la gare de la Part-Dieu. En posant le pied sur le quai, je retrouvais à chaque voyage un lieu familier et, du même mouvement, je remontais dans les années. Mon capteur était réglé sur les fréquences du passé. L’aspect pérenne de ce quartier, où l’on n’avait rien construit de très visible depuis trente ans, complétait l’illusion. La vieille brasserie des Brotteaux, les tilleuls ombrageant les avenues, les immeubles étaient tels qu’autrefois. Le temps passait tandis que la permanence du décor démentait ce passage. C’est le pays de mon enfance. Le sixième arrondissement de Lyon a été loti à l’époque de Napoléon III. Auparavant, on y trouvait des terres marécageuses en lisière du fleuve. Au terme des travaux d’assèchement, on désira imposer un plan en damier : une grille de parallèles et de perpendiculaires qui géométrisent l’espace. Les modestes immeubles de rapport commencèrent à céder la place, avant la dernière guerre, à des édifices plus cossus. Dessiné par deux célèbres paysagistes, les frères Bühler, le parc de la Tête d’Or vit bourgeonner sur son pourtour des villas où les fortunes lyonnaises transformaient leurs bénéfices en rêves de pierre . Sans doute les urbanistes du second Empire entendaient-ils conjurer ce que les ruelles du vieux Lyon et les pentes de la Croix-Rousse recèlent d’irrégulier et d’oblique. Là, des venelles sinuent, des courbes déjouent l’alignement, et le réseau indevinable, parallèle, ondoyant des traboules dessine une ville cachée à côté de la cité visible. C’est l’ancien terreau, le vieux génome lyonnais. A la métropole double, celle des canuts, des occultistes et bientôt des résistants, DICTée du mois de la francophonie on avait opposé les symétries de l’ordre. Elles se voyaient adoucies par cette réserve d’imaginaire qu’est le parc de la Tête d’Or, tout en décrochements d’espaces, en alternances de cellules végétales, les serres, la roseraie, le jardin alpestre, les grandes taches du lac et du zoo. Plus tard, un ancien compagnon de Jean Moulin me raconterait comment les chefs de la Résistance s’y donnaient rendez-vous sur un banc, et leur défiance envers les nurses à landaus qui venaient s’y asseoir, car plus d’une était soupçonnée de moucharder auprès des autorités occupantes. Les parcs sont des lieux aimables aux mystères, toujours compatibles avec les secrets. Ce parc était un effet de la volonté des hommes : on en avait prémédité les parterres et tracé les lignes. Mais lorsque les allées se dépeuplaient, à la nuit tombante, il ne restait que des perspectives faiblement éclairées par le halo des réverbères, avec le vent agitant les frondaisons, la rumeur des automobiles qui semblaient rouler très loin. On se sentait ici et ailleurs. Une sorte de lune végétale sous le clair de Terre. J’étais un petit Lyonnais. L’univers lointain nous parvenait à travers des images en noir et blanc, celles de la télévision. Il n’y avait qu’une chaîne. D’un clic, on y accédait. J’aimais surtout les feuilletons en costumes, tel « Vidocq », avec Claude Brasseur, ou bien « Les Corsaires », où s’illustrait le fringant Michel Le Royer. Dans ce récit de cape et d’épée, il y avait un épisode où un galion au mouillage se voyait rongé par des termites, que l’on appelait les « cocherules ». Je n’ai jamais retrouvé ce mot ailleurs, et me demande parfois si je ne l’ai pas rêvé. Marc Lambron. mon voisin est francophone un mois de fête, de spectacles, de poésie, de rencontres, de cinéma… Mois de la francophonie - Grand Lyon mon voisin est francophone Mois de la francophonie - Grand Lyon logo simple logo déroulé un mois de concerts, spectacles, poésie, rencontres, slam, dix mots, fêtes, contes... 4 rue Bourdan 69003 Lyon - Tél. 04 78 62 38 11 - maisonfrancophonielyon@orange.fr - www.maisondelafrancophonie.fr uploads/Geographie/ dictee 7 .pdf

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