Rev. Études Sud-Est Europ., XLIX, 1–4, p. 139–188, Bucarest, 2011 AUTOUR DE LA

Rev. Études Sud-Est Europ., XLIX, 1–4, p. 139–188, Bucarest, 2011 AUTOUR DE LA CARTE DE LA MOLDAVIE PAR DÉMÈTRE CANTEMIR VLAD ALEXANDRESCU (Université de Bucarest) Two engraved copies of the map of Moldavia, recently discovered in Paris and Berlin, and a manuscript copy found in Dresden serve to the author to explore the vast bibliography of the subject. He is also attempting to trace the odyssey of the Cantemiriana through Western libraries and collections. Key words: Cantemir, cartes, éditions occidentales des oeuvres de Cantemir. En janvier 1732, le jeune prince Antiochus Cantemir quitta Moscou afin de gagner Londres, où il devait rester pendant les six années à venir comme résident et ministre plénipotentiaire de la Tsarine Anna Ioannovna auprès du Roi George II. Après avoir fait halte à Berlin, il s’arrêta en chemin à La Haye, où il fut accueilli par le comte Alexandre Gavrilovitch Golovkine, envoyé diplomatique de la Russie aux Pays-Bas1. Golovkine venait de s’y installer, après un poste diplomatique de trois ans à Paris ; il allait y demeurer trente ans2. Outre l’achat d’un “bon choix de livres”, Antiochus profita de cet arrêt pour charger un libraire de La Haye d’imprimer la Description historique et geographique de la Moldavie3. C’était précisément le manuscrit de son père qu’il avait emporté de Russie, car celui des Incrementorum et decrementorum Aulae Othomanicae ne lui parviendrait que plus 1 В. Я. Стоюнин, “Князь Антиох Кантемир в Лондоне”, in Вестник Европы, 1867, 2, p. 101. Ce fut à l’occasion de ce séjour qu’il fit connaissance avec un certain Kurbatov, “gentilhomme d’Ambassade”, par l’intermédiaire duquel il acheta de nombreux ouvrages jusqu’en décembre 1734. Pour la liste de ces ouvrages, voir Helmut Grasshoff, Antioch Dmitrievič Kantemir und Westeuropa. Ein russischer Schriftsteller des 18. Jahrhunderts und seine Beziehungen zur westeuropäischen Literatur und Kunst, Berlin, Akademie-Verlag, 1966, p. 93–95. 2 Fr. Hausmann (hg.), Repertorium der diplomatischen Vertreter aller Länder seit dem Westfälischen Frieden, II. Band (1716–1763), Zürich, 1950, p. 319, p. 323. 3 “1 yanvarya 1732 g. Kantemyr viekhal iz Moskvi k prousskoy granice, projil neskol’ko dney v Berline ou rousskago posla grafa Yagujinskago i zatem otpravilsia v gagu; tam emou noujno bilo ouslovitsia s opitnim poslom grafom Golovkinim, kotoriy svoimi sovetami mog emu bit’ otchen’ polezen. Zdes’ je on pozabotilsia sdelat’ khorochiy vibor knig i v toje vremia preporoutchil knigoprodavcou Gaye napetchatat’ knigou ego otca «Istoritcheskoe i geografitcheskoe opisanie Moldavii»”, Антиох Дмитриевич Кантемир, Сочинения, письма и избранные переводы, Том 1, 1867, p. LXXXI. Il est difficile de reconstituer, à partir du texte russe, le nom du libraire néerlandais. Cela pourrait être Gaillet, ou bien, avec le passage du “H” à “G”, Haillet, etc. La correspondance avec Kurbatov, gardée au Département des manuscrits de la Bibliothèque d’État de Russie, à Moscou, est excerptée dans Grasshof, p. 93–95. Vlad Alexandrescu 2 140 tard4. Le très jeune diplomate n’avait pas à sa disposition beaucoup de temps pour faire avancer le projet de publication des manuscrits de son père, mais il en jeta les bases, approchant le cercle de libraires français protestants qui y florissaient. Après Amsterdam, La Haye était à l’époque le deuxième centre parmi les centres typographiques des Provinces-Unies. La ville était dominée par les libraires A. Moetjens père et fils, A. Leers, H. van Bulderen, H. du Sauzet, H. Scheurleer, P. De Hondt, P. Gosse et J. Neaulme5. Suite à la révocation de l’Édit de Nantes, le marché hollandais de l’imprimerie avait été littéralement colonisé par des Français. Ces derniers s’étaient établis à peu près dans toutes les villes importantes6 des Provinces-Unies. En vertu d’une solidarité entre Protestants, les Français d’Amsterdam et de La Haye avaient noué des réseaux avec des co-religionnaires d’ailleurs pour les aider à imprimer et à diffuser des livres7. François Changuion, éditeur et libraire à Amsterdam, avait l’habitude de s’atteler à de grands projets typographiques. Non pas seul, mais avec ses confrères de La Haye, Pierre Gosse, R. C. Alberts, Pierre de Hondt et son ami Herman Uytwerf d’Amsterdam. En 1726, il avait commencé, avec ces mêmes associés auxquels se joignait un libraire de Rotterdam, l’impression du Grand dictionnaire géographique et critique de Bruzen de La Martinière, qui allait l’occuper jusqu’en 1737. La même année, il avait mené à bonne fin avec trois autres éditeurs un grand projet éditorial central-européen, en faisant sortir le Danubius Pannonico-mysicus du comte Luigi Ferdinando Marsigli, en six tomes – une somme d’observations astronomiques, géographiques, archéologiques, zoologiques, etc., accompagnée de 4 L’anglais Dingly le récupère chez Ilinski en 1732, afin de le transmettre à Antiochus à Londres : Иван Иванович Шимко, Новые данные к биографии князя Антиоха Дмитриевича Кантемира и его ближайших родственников, Sankt Petersburg, 1891, p. 39, apud Esanu, p. 561, note. Ce Dingly, qu’Antiochus utilisait comme agent financier et qu’il mentionne plusieurs fois dans sa correspondance (voir Л. Н. Mайков, Материалы для биографии кн. А. Д. Кантемира, Sankt Peterburg, 1903, p. 90, et Helmut Grasshoff, Antioch Dmitrievič Kantemir und Westeuropa. Ein russischer Schriftsteller des 18. Jahrhunderts und seine Beziehungen zur westeuropäischen Literatur und Kunst, Berlin, Akademie-Verlag, 1966, p. 310, 313), est certainement Robert Dingley, marchand anglais en Russie, membre de la Royal Society à partir de 1748, ou bien le frère de celui-ci, Charles Dingley. Voir, sur le premier, John H. Appleby, “Robert Dingley, F.R.S. (1710–1781), Merchant, Architect and Pioneering Philanthropist”, in Notes and Records of the Royal Society of London, Vol. 45, No. 2 (Jul., 1991), p. 139–154. 5 Hans Bots, “Le rôle des périodiques néerlandais pour la diffusion du livre (1684–1747)”, in C. Berkvens-Stevelinck, H. Bots, P.G. Hoftijzer and O.S. Lankhorst (éds.), Le Magasin de l’Univers. The Dutch Republic as the Centre of the European Book Trade, Leiden, Brill, 1992, p. 59–60. 6 Citons ici Pierre I Mortier, Henry Desbordes, Pierre Savouret, dès 1687, George Thomasin, Pierre Brunel, Paul Marret, Abraham Troyel, Abraham Acher, David Mortier, en 1714, François l’Honoré, Zacharie Chatelain, Pierre Husson, Jean Neaulme dès 1721, Pierre Humbert, Nicolas- Etienne Lucas, François Changuion et Pierre Gosse, en 1729, Henri du Sauzet et Pierre II Mortier en 1730, apud Jean-Daniel Candaux, “Le Psautier huguenot chez les imprimeurs néerlendais: concurrence ou spécialisation?”, in Le Magasin de l’Univers, éd. cit., p. 76. 7 Voir, par exemple, les études de S. Corsini sur les relations des libraires suisses et des libraires néerlandais, “Quand Amsterdam rime avec Lausanne: impressions lausannoises datées des Pays-Bas”, et de M. Schlup, “Un commerce de librairie entre Neuchâtel et La Haye”, in Le Magasin de l’Univers, éd. cit., p. 95–119, 237–250. 3 La carte de la Moldavie par Démètre Cantemir 141 quelques dizaines de cartes8. Marsigli était un personnage fascinant. Il avait été, comme militaire, aux ordres de la République de Venise et avait été envoyé en 1679 à Constantinople. Il y avait observé les forces de l’armée ottomane, tout en surveillant les alentours du Bosphore de Thrace. En 1680, lorsque les Turcs menaçaient une nouvelle fois d’envahir la Hongrie, il se mit sous l’autorité de l’Empereur Léopold I et combattit les Ottomans jusqu’à ce qu’il fût blessé et réduit en captivité en 1683. Esclave, il fut racheté en 1684 et continua de combattre. La guerre finie, il participa au traité de Karlowitz en 1699, négociant les nouvelles frontières entre la République de Venise, l’Empire Ottoman et l’Empire des Habsbourg. Cette année-là, 1732, Changuion publiait, avec ses confrères de La Haye, l’autre grand ouvrage du comte Marsigli, L’État Militaire de l’Empire Ottoman, ses progrès et sa décadence9. Si, au cours de son séjour à La Haye, Antiochus eut cet ouvrage entre les mains, il est impossible qu’il n’eût pensé à une publication dans les mêmes conditions de l’Histoire de l’Empire Ottoman de son père, dont il envisageait de faire venir le manuscrit. En plus d’une publication luxueuse, qui alliait planches, cartes, portraits, vignettes, mettant en œuvre tout le savoir-faire qu’avaient accumulé les éditeurs néerlandais au début du XVIIIe siècle, ce dernier projet exigeait aussi une traduction, qui devait être le fruit d’âpres mois de labeur. LA GRAVURE SUR CUIVRE DU PORTRAIT DE DÉMÈTRE CANTEMIR Nous savons, en efet, qu’Antiochus s’est préoccupé bien avant son départ en Grande Bretagne de réaliser l’illustration pour la future édition de l’Histoire de l’Empire Ottoman. Ainsi, Cristian F. Groß, ancien professeur d’Antiochus Cantemir, écrivait de Moscou dès 1730 à Gottlob Bayer, à Saint-Pétersbourg, en le priant de la part de son ancien élève d’obtenir d’Ivan Ilinski le portrait de Démètre Cantemir. Il s’agit sans nul doute du portrait peint à l’huile que Grigore Tocilescu a retrouvé, en 1877, aux archives du Ministère des Affaires Etrangères de Moscou et 8 Danubius Pannonico-Mysicus, observationibus geographicis, astronomicis, hydrographicis, historicis, physicis, perlustratus, et in VI Tomos digestus ab Aloisio Ferdinando Comite Marsili ed., Hagae Comitum, apud P. Grosse, R. Chr. Alberts, P. de Hondt, Amstelodami, apud Herm. Uytwerf & Franç. Changuion, 1726. 9 Stato militare dell’Imperio Ottomanno, incremento e decremento del medesimo, del signore conte di Marsigli dell’Academia reale delle scienze di Parigi, e di Monpelieri, e della Societa reale di Londra, e fondatore dell’Instituto di Bologna/ L’Etat militaire de l’Empire Ottoman, ses progrès, sa décadence par Mr. le Comte uploads/Geographie/ dmitriy-kantimir-fran.pdf

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