La perception du temps musical chez Henri Dutilleux Collection Univers Musical

La perception du temps musical chez Henri Dutilleux Collection Univers Musical dirigée par Anne-Marie Green La collection Univers Musical est créée pour donner la parole à tous ceux qui produisent Qes études tant d'analyse que de synthèse concernant le domaine musical. Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en éveilla réflexion sur l'ensemble des faits musicaux contemporains ou historiquement marqués. Déjà parus HACQUARD Georges, La dame de six, Germaine Tailleferre, 1998. GUlRARD Laurent, Abandonner la musique? 1998. BAUER-LECHNER Natalie, Mahleriana, souvenirs de GU,ftave Mahler, 1998. REY Xavier, NiccoLO Paganini, le romantique italien, 1999. @L'Harmattan, 1999 ISBN: 2-7384-7751-8 Maxime JOaS La perception du temps musical chez Henri Dutilleux Préface de Jean-Yves BOSSEUR L'Harmattan 5-7, rue de l'École Polytechnique 75005 Paris -FRANCE L'Harmattan Inc. 55, rue Saint-Jacques Montréal (Qc) -CANADA H2Y lK9 REMERCIEMENTS J'adresse toute ma reconnaissance à Henri Dutilleux qui m'a accordé toute son attention et m'a fourni les renseignements indispensables à l'élaboration de cette étude. Sans lui, cet ouvrage n'aurait pu voir le jour. Je remercie Jean-Yves Bosseur et Anne-Marie Green pour leurs précieux conseils qui ont facilité la rédaction de ce travail. Je tiens de plus à remercier les éditions Heugel, Leduc, Durand, Amphion, Salabert, Ricordi (Milan), Jobert et Schott (Mayence) pour leur aimable autorisation de reproduire certains extraits de partitions, et plus particulièrement Madame Paquelet-Lussac, qui m'a très aimablement prêté le manuscrit de The Shadows of Time. Que soit aussi remerciée Corinne Monceau du C.D.M.C., pour la gentillesse de son accueil et l'aide qu'elle m'a apportée. Je souhaite remercier en outre Bruno Plantard, Jean-François Boukobza, Alain Louvier, Frédéric Boulard, Florian Bollot et Jean-Philippe Bec qui m'ont fait profiter de leur savoir. Bon. Cb. C.D.M.C. CI.. CI. B. . C.I.RE.M. C.S. . Cymb. Susp. FI.. G. FI. Gr.C. Htb. . I.RC.A.M. M.C. M.D. M.R. Pte. CI. Pte. FI. P.U.F. . R.I.M.F. RM.C. S.A.C.E.M. Timb. Trb. Trp. Vcl. VI.. Xylo. TABLE DES ABREVIATIONS basson contrebasse Centre de Documentation de la Musique Contemporaine clarinette clarinette basse Centre International de Recherches en Esthétique Musicale contre-sujet cymbale suspendue flûte grande flûte grosse CaIsse hautbois Institut de Recherche et de Coordination Acoustique Musique mouvement contraire mouvement droit mouvement rétrograde petite clarinette petite flûte Presses Universitaires de France Revue Internationale de Musique Française rétrograde du mouvement contraire Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique timbale trombone trompette violoncelle violon xylophone PREFACE Pour analyser une œuvre musicale, il faut être à la fois capable de faire preuve de rigueur et d'imagination; en effet, une analyse ne saurait se réduire, à mon sens, à une dissection, aussi fine soit-elle, des éléments constitutifs d'une partition ni, bien sûr, à une description de ce qui se passe tout au long d'une œuvre. Il s'agit avant tout de dégager des lignes de force, de souligner les points saillants de la problématique du compositeur. En fait, analyser est, d'une certaine manière, faire acte d'interprétation. Cela me paraît d'autant plus vrai lorsque l'œuvre envisagée ne consiste pas en l'application d'un système de règles préexistant, mais suppose une approche spécifique de la pensée compositionnelle. C'est précisément le cas avec Henri Dutilleux, dont chaque œuvre soulève des questions inséparables des interactions complexes entre l'instrumentation, le matériau et son déploiement dans la durée. Cette organicité de la pensée musicale, si difficile à traduire sous la forme de la logique sémantique, Maxime JOaS parvient à l'exprimer avec une profonde justesse, en mettant l'accent sur un axe fondamental dans la démarche du compositeur, l'exploration de la dimension temporelle, qui sous-entend chez lui une conception tout à la fois esthétique et philosophique. Une autre difficulté que Maxime JOaS sunnonte à la fois avec intelligence et sensibilité est de demeurer toujours attentif à la relation avec ce qui est perçu; en effet, l'œuvre d'Henri Dutilleux est intensément ancrée dans le fait sonore concret, et non pas seulement la conséquence de spéculations «sur le papier », même si ses procédures compositionnelles s'avèrent d'un grand raffinement. fi apparaît donc nécessaire d'étudier dans quelle mesure la manière dont le compositeur envisage les 9 diverses propriétés du son, aussi bien au niveau mélodico- harmonique qu'à celui des timbres et des variations dynamiques, agit sur notre mémoire et notre appréhension de la durée. L'œuvre d'Henri Dutilleux résiste avec bonheur et puissance à cette domination d'une combinatoire de type mécaniste qui a trop longtemps régné sur l'écriture musicale, notamment au cours des années cinquante et soixante, et il convient en conséquence de révéler, à partir de chaque cas de figure que représentent ses partitions successives, comment se propage le mouvement des sons dans le temps, sur quelle modalité de progression intrinsèque elles se fondent. Certes, pour ce faire, Maxime JOaS est nécessairement amené à traiter séparement les diverses composantes du phénomène musical mais, loin d'en rester là, ses analyses lui permettent de démontrer les enjeux essentiels d'une telle démarche qui, à partir des données techniques qu'il serait pour le moins imprudent voire dangereux de négliger, vise la saisie de catégories temporelles basées sur des notions aussi cruciales pour le devenir de l'art musical que celles d'instant, de directionnalité, de statisme et de silence. La musicologie n'étant pas un domaine séparé d'autres disciplines de pensée, Maxime JOaS confronte dès lors ses observations à des champs de réflexion plus généraux, et ses références à Proust, Jankélévitch, Bachelard ou Brelet ne peuvent que nous confirmer dans la conviction selon laquelle l'œuvre d'Henri Dutileux, par delà les dogmes et mots d'ordre restrictifs qui ont proliféré tout au long de ces dernières décennies, demeure un des témoignages les plus riches, les plus secrets aussi, de la création musicale contemporaine. Jean-Yves BOSSEUR 10 INTRODUCTION Plus qu'un simple art du temps, la musique génère sa propre durée qui est à la fois son support et sa substance même. Certes, toute production artistique - autant la littérature que le cinéma - est créatrice de temps, du fait que la perception d'une œuvre est liée à la durée intime de notre conscience. La musique a pour principale particularité de ne reposer sur aucun référent extérieur et de ne signifier rien d'autre qu'eUe-même. Si elle demeure à son origine un phénomène figé, représenté par la partition, chaque acte d'interprétation propose la médiation de cette entité qui n'était au départ contenue qu'en puissance!. Elle est en ce sens une structure imposée au temps. Choisir d'aborder la musique, et plus particulièrement la musique contemporaine, sous l'aspect du temps musical n'est a priori pas une attitude entièrement novatrice. Déjà dans ses deux livres intitulés Le Langage musical et Dire la musique André Boucourechliev énonce l'idée que «tout signe, tout rapport sonore, tout événement musical, le plus petit comme le plus spectaculaire, et surtout les infinies gradations que bornent ces extrêmes, à la fois constituent le temps musical et se voient déterminés par lui »2. TIest un fait que cet adage s'applique à n'importe quelle musique, qu'elle soit de Mozart, de Brahms ou de Ligeti. Pourquoi donc s'intéresser plus particulièrement à ce concept dans le cadre d'une étude consacrée à l'œuvre d'Henri Dutilleux? Tout d'abord, insistons sur le fait que dans différents entretiens qu'il a accordés, ce compositeur insiste régulièrement sur les rapports qui unissent sa démarche 1 Cf. BOUCOURECHLIEV, André, « Le temps musical », Dire la musique, Paris,~erve, 1995,pp. 199-200. 2 Ibid., p. 199. 11 compositionnelle au pnnClpe générique que l'on dénomme « temps musical». Ce concept, apparemment bien vague, qui semble tirer son origine des préoccupations temporelles de certains philosophes de ce siècle - Bergson dans La Pensée et le mouvant, Bachelard dans La Dialectique de la durée ou L'Intuition de l'instant, Heidegger dans L'Etre et le temps ou Les Chemins qui ne mènent nulle part, ou encore Emmanuel Levinas dans La Mort et le temps -, sollicite l'attention des musicologues comme Gisèle Brelet qui lui consacre en 1949 un ouvrage entier. Ce livre a le mérite de fixer cette entité; si bien qu'il déclenche une série d'essais sur la question (Temps et musique d'Eric Emery, Entendre la musique et Les Ecritures du temps de Michel Imberty etc.). Certains noms emblématiques de ce xx.-: siècle, à l'exemple de Debussy, font l'objet d'études qui intègrent le temps musical (Vladimir Jankélévitch publie un ouvrage intitulé Debussy ou le mystère de l'instant, Michel Imberty signe un article portant sur les particularités temporelles de La Cathédrale engloutie). Enfin, des compositeurs comme Pierre Boulez ou Karlheinz Stockhausen font du temps musical une notion indissociable de leurs théories compositionnelles: Pierre Boulez développe par exemple les catégories de temps lisse et de temps strié dans Penser la musique aujourd 'hui (catégories caractéristiques de son langage que l'on peut élargir pour ce qui est du temps strié à des aspects des compositions de Stravinsky ou de Varèse). Reflet de l'érosion existentielle sur le cours des choses, l'œuvre d'Henri Dutilleux demeure indissociable d'une réflexion sur la perception du temps musical en ce sens qu'elle intègre les deux notions que sont le progrès et la mémoire. Lors d'une entrevue avec le journaliste Claude Glayman, Henri Dutilleux s'en explique: « Si j'évoque la uploads/Geographie/ dutilleux-la-perception-musicale 1 .pdf

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