Stratégies entrepreneuriales de gestion du risque dans les réseaux du commerce
Stratégies entrepreneuriales de gestion du risque dans les réseaux du commerce transfrontalier en Afrique Centrale : cas des échanges entre Kinshasa et Brazzaville3 n° 03-72 Théophile DZAKA-KIKOUTA1 Maître-Assistant Cames Université M. Ngouabi de Brazzaville Faculté des Sciences - Economiques E-mail: theophile.dzaka@caramail.com 1 Je remercie infiniment le Professeur Louis Jacques FILION de HEC-Montréal qui a bien voulu faire évaluer ce papier auprès de trois referees anonymes à l’occasion du CIFPME 2002. Je remercie aussi les évaluateurs anonymes des Cahiers de recherche du Réseau Entrepreneuriat de l’AUF, ainsi que le Professeur Hervé DIATA de l’Université M. Ngouabi de Brazzaville. Leurs commentaires et suggestions ont largement permis d’améliorer la version finale de ce texte ; néanmoins je reste seul responsable des éventuelles erreurs subsistantes. 2 Résumé : Une enquête auprès de 210 répondants qui sont des acteurs principaux opérant dans les réseaux du commerce transfrontalier entre Kinshasa et Brazzaville, notamment les petits et moyens entrepreneurs (commerçants et cambistes), nous a amené à déterminer les stratégies déployées par ces agents économiques en vue d’endogénéiser leur risque lié à leurs transactions sur des marchés imparfaits et caractérisés par l'asymétrie d'information. A la lumière de la théorie de l'agence qui a été associée au modèle Probit les résultats de l’enquête ont permis d’identifier les facteurs déterminants de ce risque, la mesure du risque moyen ainsi que la saisie de l’effet marginal de chacun des facteurs sur le risque. Mots clés : Petits et moyens entrepreneurs, théorie de l'agence, risque, commerce transfrontalier, asymétrie d'information, marchés imparfaits, réseaux informels, modèle probit, Kinshasa, Brazzaville. Summary : An investigation near one sample of 210 individuals who are principal actors operating in the networks of the transborder trade between Kinshasa and Brazzaville, in particular the small ones and medium-sized entrepreneurs (traders and moneychangers), us brought to determine the strategies deployed by these economic agents for manage their risk related to their transactions on markets imperfect and characterized by the asymmetry of information. Starting from the theory of the agency which was associated with the Probit model, the results of the investigation made it possible to identify the determining factors of this risk, the measurement of the average risk as well as the seizure of the marginal effect of each factor on the risk. Keywords : small and medium-sized entrepreneurs, theory of the agency, risks, transborder trade, asymmetry of information, imperfect markets, informal networks, Probit model, Kinshasa, Brazzaville. Codes JEL : D21 – D81 – D82 – M13 – 012 3 INTRODUCTION Les entrepreneurs qui relèvent tant du secteur informel que formel prennent d'importants risques commerciaux et extra-commerciaux en opérant sur des marchés imparfaits des échanges transfrontaliers marqués par l'asymétrie d'information. Pourtant l'atonie du commerce enregistré dans le cadre de l'intégration régionale semble trancher depuis les années 80 (actuellement, les échanges enregistrés intra-régionaux n'excèdent pas 2 % dans la CEEAC, contre 6 % dans la CEMAC, 10 % dans l'UEMOA et 11 % dans la SADC), avec le dynamisme des échanges transfrontaliers en Afrique. En effet, en tant que produit d'une organisation très structurée des acteurs, les échanges transfrontaliers sont nettement plus denses que les statistiques ne le laissent penser, en particulier entre pays africains membres et non-membres de la Zone Franc. Egg et Herrera (1998) ont estimé, par exemple, que les flux du commerce transfrontalier représenteraient près de 25 % des importations officielles et environ 5 % du PIB des trois pays voisins du Nigeria, à savoir : Cameroun, Niger, Bénin. S'agissant du Bénin, on estime que la valeur de son commerce transfrontalier (qui consiste surtout à réexporter en fraude vers le Nigeria les marchandises importées d'Asie et d'Europe) serait presque aussi importante que celle de ses exportations officielles vers le reste du monde, les pays de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), membres de la Zone Franc ne représentant que moins de 5 % de son commerce extérieur (Gautier, 2000). En Afrique Centrale, les flux du commerce transfrontalier sont au moins aussi importants entre pays de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), membres de la Zone Franc et leurs puissants voisins que sont la République démocratique du Congo (RDC) et l'Angola dont la monnaie nationale (le Franc congolais pour la RDC et le Kwanza pour l'Angola) est inconvertible et subit une constante décote sur le marché parallèle des devises en raison de l'hyper-inflation et de la dollarisation qui caractérisent les économies d'Angola et de la RDC ; à l'opposé du Franc CFA qui est une monnaie convertible, à travers son ancrage à l'Euro à une parité fixe depuis janvier 1999, ce qui lui garantit une faible volatilité sur le marché des changes. Il en résulte une forte demande de FCFA et d'autres devises dans ces pays voisins en vue de favoriser leur participation au commerce international. C'est à cause de ce besoin pressant de devises que, par exemple, plusieurs entrepreneurs de RDC, confrontés de surcroît à une politique de contrôle des changes, ont tendance à pratiquer des prix de dumping à l'occasion de leurs exportations de biens manufacturés domestiques (cf. surtout : sucre, savon de ménage, bière, produits pharmaceutiques, ciment, textiles, etc.) et même de produits agricoles vers les pays frontaliers de la CEMAC (Congo-Brazzaville, Rép. Centrafricaine). Quant aux entrepreneurs du Congo- Brazzaville dont l'industrie est moins diversifiée que celle de la RDC, ils exportent vers ce dernier pays quelques produits agricoles locaux, mais pratiquent surtout la réexportation de biens manufacturés importés d'Europe, d'Asie et d'Afrique de l'Ouest (produits du textile- habillement, de l'agroalimentaire, de l'électronique grand public..). 4 Par ailleurs, nombre d'études montrent que les petits et moyens entrepreneurs jouent un rôle déterminant dans le cadre des réseaux sociaux qui caractérisent les formes de coordination des échanges transfrontaliers. C'est dans ce sens que Egg et Errera (1998) relèvent qu'en Afrique, le commerce transfrontalier et de longue distance se déroule dans un environnement marqué par des asymétries d'information, de nombreux risques et une incomplétude des marchés, notamment par les difficultés d'accès au capital. Pour réduire l'incertitude qui en résulte, synonyme de coûts de transaction élevés, les acteurs se sont dotés d'un ensemble d'organisations et de règles, dont les réseaux marchands que David et Moustier (1998) caractérisent par une série de connexions entre acteurs (liens familiaux, culturels, territoriaux) doublée de relations hiérarchiques, d'obligations et de dépendance. MacGaffey et Bazenguissa (1998) soulignent le rôle déterminant des réseaux personnels instrumentalisés dans le commerce transfrontalier et qui impliquent en particulier les commerçants des deux Congos, lesdits réseaux fonctionnant dans le commerce africain de longue distance, parallèlement aux réseaux de commerce structurés et permanents faisant circuler des marchandises spécifiques. Ces réseaux personnels instrumentalisés, non structurés de façon permanente, seraient activés seulement de manière sporadique à partir d'une série de relations latentes (en particulier les liens familiaux ou ethniques) pour satisfaire les intérêts des commerçants individuels. En outre, Igue et Soulé (1992) ont souligné le poids des réseaux ethniques dans la structuration du commerce transfrontalier. En effet, ce commerce est parfois, de part et d'autre de la frontière, contrôlé par des acteurs de même origine ethnique, partageant la même culture et interdisant de facto à d'autres acteurs d'entrer sur le marché. Du point de vue économique, ce contrôle ethnique du marché empêche a priori la libre entrée de nouveaux acteurs, d'où des situations de concurrence imparfaite. Pour sa part, Daubrée (1995) a notamment considéré l'aversion des commerçants vis-à-vis du risque dans les deux grandes catégories d'activités illégales sur les marchés parallèles transfrontaliers que sont la contrebande et la fraude documentaire. Elle montre que la différence analytique entre ces deux types d'activités réside dans la possibilité pour le commerçant de se couvrir dans le cas de la fraude documentaire: le risque d'être contrôlé est d'autant plus faible que la quantité déclarée en douane est importante. Cette possibilité de jouer sur la probabilité de détection n'existe pas dans le cas de la contrebande puisque cette activité s'effectue par des points d'entrée et de sortie illégaux. En résumé, l'ampleur du commerce transfrontalier traduit surtout le dynamisme des petits et moyens entrepreneurs et s'explique tant par les écarts de politiques fiscale et douanière, des politiques de change et des politiques d'industrialisation entre pays voisins, que par l'existence souvent séculaire au plan transfrontalier de réseaux d'affaires construits par des entrepreneurs et, en général, fondés sur des affinités ethno-culturelles qui s'appuient sur des relations de confiance résultant elles-mêmes des relations de proximité. Cependant, à notre connaissance si la plupart des travaux précités élucident les déterminants et les formes de coordination des échanges transfrontaliers, notamment dans une approche macro-économique, 5 ils n'expliquent pas suffisamment, selon nous, le comportement managérial de l'entrepreneur pour la maîtrise de l'information, en vue de faire face aux risques liés au commerce transfrontalier du fait de l'asymétrie d'information et de l'incomplétude des marchés. En effet, les réseaux du commerce transfrontalier permettent à l'entrepreneur africain, souvent confronté, et plus gravement que ses homologues d'autres PVD, à des conditions d'insécurité contractuelle l'exposant à l'opportunisme des partenaires, de réduire le risque de rupture de contrats en réduisant autant que possible ses coûts de transaction (Dzaka, 2003). Ainsi, la uploads/Geographie/ dzaka-kikouta-t-2003-strategies-entrepreneuriales-de-gestion-du-risque-dans-les-reseaux-de-commerce-transfrontalier-kin-brazza-03-72.pdf
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- Publié le Jan 26, 2022
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