Introduction Au seuil de l’autoextinction L’indépendance des colonies américain

Introduction Au seuil de l’autoextinction L’indépendance des colonies américaines a coïncidé avec la publication d’un ouvrage monumental écrit par Edward Gibbon : Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain. Dans un passage particulièrement poignant qui introduit le dernier chapitre de cet opus, l’auteur relate une scène au cours de laquelle l’érudit Poggius, accompagné d’un ami et de deux serviteurs, entreprend l’ascension du Capitole après la chute de Rome. Tous sont frappés par le contraste entre ce que Rome fut jadis et ce qu’elle est devenue : « La roche Tarpéienne que voilà ne présentait alors qu’un hallier sauvage et solitaire : au temps du poète sa cime était couronnée d’un temple et de ses toits dorés. Le temple n’est plus ; on a pillé l’or qui le décorait ; la roue de la fortune a achevé sa révolution, les épines et les ronces défigurent de nouveau ce terrain sacré. […] Le Forum où le peuple romain faisait ses lois et nommait ses magistrats contient aujourd’hui des enclos destinés à la culture des légumes ou des espaces que parcourent les buffles et les pour- ceaux. Tant d’édifices publics et particuliers qui, par la solidité de leur construction, semblaient braver tous les âges, gisent renversés, dépouillés, épars dans la poussière, comme les membres d’un robuste géant ; et ceux de ces ouvrages imposants qui ont survécu aux outrages du temps et de la fortune rendent plus frappante la destruction du reste. » (Tome XIII, chapitre LXXI, p. 302-303, trad. de M.F. Guizot.) Qu’est-ce qui a pu provoquer la chute d’une société si grande et si puissante ? Edward Gibbon élabore une thèse complexe pour répondre à cette question et finit par formuler l’hypothèse suivante : les raisons de la destruction de Rome sont à rechercher au sein de l’empire lui-même. Même si Rome a fini par succomber face à des forces extérieures (incendies et invasions), sa vulnérabilité s’explique avant tout par sa propre faiblesse. L’idée selon laquelle les sociétés portent en elles les graines de leur propre destruc- tion fascine les chercheurs depuis très longtemps. En 1798, Thomas Malthus a publié un ouvrage devenu un classique : Essai sur le principe de population. Il y annonce que l’augmentation du taux de reproduction va avoir pour conséquence une augmentation de la population mondiale. La capacité de production étant inférieure au nombre de personnes à nourrir, la famine et la mort seront inévitables. Selon lui, au lieu de lutter contre les pénuries en proposant des innovations ou en prônant une certaine modéra- tion, le mécanisme d’ajustement mis en place sera responsable d’une augmentation du taux de mortalité dû aux contraintes environnementales. Chapitre 1 Visions d’avenir © 2013 Pearson France – Économie de l'environnement et du développement durable – Tom Tietenberg, Lynne Lewis 2 Chapitre 1 – Visions d’avenir Les faits qui émaillent l’histoire contemporaine semblent conforter la vision de Malthus. L’exemple 1.1 s’intéresse à deux cas spécifiques : la civilisation maya et l’île de Pâques. Ainsi, Jared Mason Diamond est un professeur américain de géographie qui dispense ses enseignements à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA). Cet universitaire doit sa célébrité à une trilogie dans laquelle il décrit les rapports conflictuels passés entre l’humanité et la nature depuis plus de 10 000 ans : Le Troisième Chimpanzé (2011)1, qui fait remonter les premiers méfaits de l’homme sur la nature à la période de l’Homo sapiens ; De l’inégalité parmi les sociétés (2007, prix Pulitzer en 1998)2, qui décrit les liens entre géographie et développement des civilisations ; mais c’est surtout Effondre- ment (2009)3, qui lui vaudra une reconnaissance mondiale – et française –, dans lequel Diamond montre comment les destructions de leur environnement ont contribué à l’écroulement de certaines civilisations. Ses exemples sont célèbres. Il s’est ainsi intéressé à la disparition de la civilisation de l’île de Pâques, des îles d’Henderson et de Pitcairn, à celle des Amérindiens anasazi du Sud-Ouest des États-Unis, des Vikings du Grand Nord, et surtout de l’empire des Mayas. Diamond montre comment ces derniers ont coupé les arbres jusqu’au sommet des collines pour leurs constructions, tout en pratiquant la culture intensive du maïs. Les conséquences de ces choix ont été déterminantes pour les Mayas : « Cette déforestation a libéré les terres acides qui ont ensuite contaminé les vallées fertiles, tout en affectant le régime des pluies. Finalement, entre 790 et 910, la civilisation maya du Guatemala, qui connaissait l’écriture, l’irrigation, l’astronomie, construisait des villes pavées et des temples monumentaux, avec sa capitale, Tikal, de 60 000 habitants, disparaît. Ce sont 5 millions d’habitants affamés qui quittent les plaines du Sud, abandonnant cités, villages et maisons. Ils fuient vers le Yucatán, ou s’entre-tuent sur place. » Ces travaux historiques permettent de mieux comprendre les liens qui existent entre le développement et le déclin des sociétés et la gestion des ressources naturelles par ces civilisations passées. 1. Futurs défis environnementaux Les sociétés futures, tout comme celles que nous avons déjà évoquées, vont être confron- tées à une pénurie des ressources et à une accumulation des polluants. Les problèmes de ce type seront illustrés en détail dans les chapitres suivants. Cette section est conçue pour donner un avant-goût de ce à quoi on peut s’attendre en évoquant les difficultés rencontrées en cas de problème de pollution spécifique (changement climatique) et en cas de pénurie des ressources (accès à l’eau). Ces deux enjeux environnementaux ne sont que deux exemples d’un système global plus complexe. L’atteinte à la biodiversité, les problèmes de déforestation ou la raréfaction des réserves d’énergies fossiles connues sont d’autres exemples d’enjeux déterminants pour le maintien de notre développement actuel. 1. Diamond J., Le Troisième Chimpanzé – Essai sur l’évolution et l’avenir de l’animal humain, Folio Essais, 2011. 2. Diamond J., De l’inégalité parmi les sociétés – Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, Folio Essais, 2007. 3. Diamond J., Effondrement – Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Folio Essais, 2009. © 2013 Pearson France – Économie de l'environnement et du développement durable – Tom Tietenberg, Lynne Lewis 3 Futurs défis environnementaux 1.1 Changement climatique C’est l’énergie fournie par le soleil qui influence le climat qu’il fait sur Terre. Les rayons du soleil réchauffent la surface de la Terre. Cela génère une certaine quantité d’énergie renvoyée dans l’espace. Les émissions de gaz atmosphérique à effet de serre (vapeur d’eau, dioxyde de carbone et autres gaz) forment une partie de l’énergie ainsi dégagée. Le célèbre documentaire – qui a valu à Al Gore son oscar du meilleur documentaire en 2007 mais surtout de partager le prix Nobel de la paix la même année avec les experts du GIEC – a rendu populaire et accessible au plus grand nombre cette réalité scienti- fique. Il existe un effet de serre naturel, sans lequel les températures seraient bien inférieures et la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui serait impossible. Il ne faut toutefois pas abuser des bonnes choses… Les problèmes commencent en effet lorsque la concen- tration de gaz à effet de serre augmente jusqu’à dépasser le niveau naturel. La chaleur devient alors excessive (un peu comme une voiture dont on aurait gardé les fenêtres fermées en plein soleil). Depuis la révolution industrielle, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de manière considérable. Cette augmentation a accru la capacité de captation de chaleur par l’atmosphère terrestre. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évo- lution du climat (2007), « le réchauffement du système climatique est sans équivoque […] ». Cette étude indique que le réchauffement observé depuis ces 50 dernières années est en grande partie dû aux activités humaines. Avec le réchauffement de la planète, les humains et les écosystèmes devraient être confrontés à des conditions de chaleur extrêmes. Certains des dommages subis par les populations sont la conséquence directe de fortes chaleurs, comme on a pu le constater lors de l’épisode de canicule qui a fait des milliers de morts en Europe au cours de l’été 2003. La santé des personnes peut également être affectée par les polluants tels que le smog qui s’amplifie avec le réchauffement des températures. De même, les rendements de certains produits agricoles peuvent décroître sous l’effet de l’évolution du climat. C’est notamment ce que David Lobell, Wolfram Schlenker et Justin Costa-Roberts (2011) ont montré concernant les rendements moyens mondiaux des cultures de blé et de maïs qui auraient baissé respectivement de 5,5 % et de 3,8 % sur la période 1980- 20081. Enfin, l’augmentation du niveau de la mer (résultant du réchauffement et de la dilatation des eaux et de la fonte des glaciers), associée à une augmentation de l’intensité des tempêtes, va amener les populations côtières à être victimes d’inondations (voir encadrés 1.1 et 1.2). 1. Lobell D., Schlenker W. et Costa-Roberts J., « Climate Trends and Global Crop Production Since 1980 », Science, vol. 333, n° 6042, 2011, p. 616-620. © 2013 Pearson France – Économie de l'environnement et du développement durable – Tom Tietenberg, Lynne Lewis 4 Chapitre 1 – Visions d’avenir uploads/Geographie/ ee-et-dd.pdf

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