Cairn de Gavrinis Cairn de Gavrinis Regards sur un mystère, Regards sur un myst

Cairn de Gavrinis Cairn de Gavrinis Regards sur un mystère, Regards sur un mystère, Photographies / Sylvain Durand Photographies / Sylvain Durand Cairn de Gavrinis Regards sur un mystère, Photographies / Sylvain Durand « …il y a bien, à Gavrinis, dans le Morbihan, sur d’autres menhirs, des arabesques remuantes comme des rides à la surface d’une eau basse, ondulations, tremblements d’algues, qui doivent être des signes de conjuration ou de magie. » (Élie Faure, Histoire de l’art. L’Art antique G. Crès, 1926) Lorsque la lumière relie l’île de Gavrinis et l’île de la jument Orthostate R4 Mythogrammes Par Laurent Lescop C’est une île dans le Golfe du Morbihan qui côté continent se laisse deviner à peine. Il faut y accéder par bateau, non pas directement, mais par un arc qui emprunte un chenal fougueux. Les arbres font longtemps écran et doucement, la silhouette du cairn se révèle ; c’est un dôme de pierres aux pentes douces qui domine sereinement le paysage. Face à Gavrinis, pinçant le passage maritime du bateau, Er Lanic émerge à peine, l’îlot est hérissé d’un cercle de menhirs dont on dira qu’un deuxième cercle se perd sous l’eau. C’est un paysage d’îles et de mer qui se parcourt désormais et qui était, à l’époque néologique, une terre de collines sillonnées de deux rivières. Leurs traces se grave toujours dans les profondeurs du Golfe du Morbihan et leurs courants se fait toujours ressentir comme en témoigne ce malheureux voilier littéralement immobilisé par les forces contraires alors qu’il tente de rentrer au port. Orthostate R12 Colline devenue îlot, Gavrinis se gravit pour atteindre le cairn que l’on commence par contourner. Son entrée s’ouvre vers l’Est. Un chêne garde l’entrée, il ombrage à peine la structure à gradin. Courbé dans l’étroit couloir du cairn, le visiteur ne réalise pas immédiatement la profusion qui l’entoure en passant de la lumière du jour à l’obscurité de la mâchoire du cachalot de pierre. Il faut attendre un peu, prendre ses repères, comprendre l’échelle. Le regard s’habitue et les premières rides de pierre deviennent visibles. Tout d’abord sous forme d’arcs multiples, imbriqués puis des galons apparaissent et des serpentins glissant le long des stèles. Ici, une forme symétrique, une figure formée d’un couple : des haches. Et puis toujours ces vagues infiniment renouvelées jusqu’à la chambre qui dilate à peine l’espace du couloir. Dans cette chambre une singularité, une stèle plus trapue est percée de trois trous et à y voir de plus près, il semble que cela définisse également comme deux poignées ou deux anses. Pour le visiteur profane, l’imaginaire s’emballe rapidement et chacun de tenter de trouver une solution figurative dans les images de cette galerie sauvage. Le guide s’amuse des suggestions proposées, le savant se lasse et toujours reviennent la suggestion des empreintes digitales. Que disent ces signes ? Renvoient-ils à une description de l’environnement, d’aventures passées ou sont-ils ornements, une transformation de la nature par l’art ? Mille questions viennent à la recherche et longs sont les travaux de décomposition des figures. Orthostate R9 Un espace représenté Existe-t-il une permanence du sacré ? Une mémoire d’usage se transmet-elle de génération en génération ? Le cairn de Gavrinis a été fermé vers 3400 avant notre ère ou dit autrement il y a environ 5400 ans. Il impose toujours sa présence dans le paysage et l’on retrouve des objets attestant de présences successives. Alors que le XIXème siècle s’élance dans la course à l’industrialisation et aux grandes transformations du monde, les bâtiments religieux installés à Gavrinis sont vendus puis détruits. En 1832 le docteur Cauzique, maire de Crach pénètre dans le cairn partiellement effondré devenu cratère et arrive directement dans la chambre. Prosper Mérimée qui viendra inspecter le chantier de dégagement notera dans son carnet de voyage ces quelques descriptions partout reprises : les courbes, les lignes droites et brisées et les tracés combinés de cent manières différentes, c’est le début de la notoriété des stèles gravées. Le site devient un objet d’étude et accède à une forme de popularité que les années n’éroderont pas. Gustave de Closmadeuc, Zacharie Le Rouzic, Charles- Tanguy Le Roux se succèdent à l’étude, puis la restauration du monument. Gavrinis fait image et une seule de ses stèles fait synecdoque. Il suffit parfois même de ne montrer qu’un extrait pour renvoyer immédiatement à l’ensemble du monument. Les signes ont très vite été relevés et connus et l’on connait dès 1832, avec les relevés de Lucas, les premières descriptions des stèles. Mais ce n’est que 150 ans plus tard, à partir de 1980, qu’un premier corpus complet et rigoureusement effectué alimentera le monde académique puis le grand public de la majesté des compositions des stèles de Gavrinis. Contrairement aux aquarelles de Lucas qui accentuaient les effets graphiques ou celles de de Closmadeuc qui, par le trait, suivaient le parcours des sillons, Elisabeth Shee-Twohig travaille l’épaisseur, les largeurs, attrape le moindre petit point ou accident de surface. Dans cet exercice infiniment complexe, il faut distinguer ce qui est de main de l’homme de ce qui est accident de surface, il faut se défier de son imaginaire et se garder prolonger ou d’organiser des lignes qui n’existent que par association, il ne faut voir que des sillons et des reliefs avant d’y voir des dessins trop vivement figuratifs. Du frottis au calque, les signes sont aujourd’hui révélés par la lumière. En 2011, un relevé laser complet a permis de décrire avec une précision inframillimétrique l’ensemble du corpus gravé visible. Le laser a, pour la première fois, permis de situer avec précision, chaque signe sur le relief de son support permettant ainsi de commencer à comprendre des logiques de composition en fonction de la nature du support. La technique de la lumière rasante a complété le dispositif permettant, par une description rigoureuse et systématique des ombres des figures d’en comprendre la chronologie de réalisation. Si l’ensemble se voit aujourd’hui comme un tout, il est aujourd’hui démontré un ordre de réalisation avec des objets structurants et des formes de remplissage. Orthostate L11 Si l’on s’approche de L6, les surprises sont grandes. L6 signifie que la stèle est la sixième sur la gauche en entrant. C’est la nomenclature canonique désormais. Sur ce panneau, des arcs toujours mais à y prêter attention, on peut voir sur la partie gauche un arc et des flèches. Ils paraissent être à l’échelle. Plus bas des haches, elles aussi sont à l’échelle, la précision du tracé est remarquable. A droite un motif zébré, plus étrange, il y a un tracé apparemment continu, des traits, des Y, mais à y voir de plus près, le tracé est interrompu, il s’ouvre et en s’ouvrant se révèle la figure de deux bateaux et de leur équipage. L’histoire muette est là, elle nous regarde et nous la regardons mais elle reste infiniment silencieuse… Orthostate L6 Orthostate L8 Un espace en représentation Les figures de Gavrinis se diffusent pour ce qu’elles sont, des œuvres issues d’une pensée complexe sachant organiser et maitriser l’espace et le temps et par l’inspiration qu’elles nourrissent chez les créateurs. La pensée savante en fouille le sens en commençant par une description rigoureuse, objectivable, faite de chiffres. Cela se fait également, au cours de démonstration, par l’expérimentation. Ainsi apprend-onque la stèle L6 évoquée précédemment représente 61,7 mètres linéaires de gravures et que l’ensemble des stèles du couloir de Gavrinis, représente une longueur linéaire minimum de 913,26m pour ce qui est visible. Quel travaille cela représente-il ? L’expérience a montré qu’il faut 1 minute pour graver sur 1 cm de long, 8 mm de large et 3mm de profondeur. L6 représente donc 1033 heures de travail soit, si nous admettons 5 heures de travail quotidien, 206 jours soit presque 7 mois. Mais personne ne sait combien d’heure de travail compte une journée au néolithique ! Et la question revient toujours, lancinante, les figures fonctionnent-elles en linaire ou en espace. Quelle logique les lie pour passer de l’une à l’autre ? Comment fonctionne le vis- à-vis ? Les plus actives interprétations ont rythmé le compte des années. Des motifs pourraient se prolonger, peut-être se répondre ou se compléter. Mais à bien y regarder, les parties sommitales des stèles sont arasées, adaptées. Il s’agit en effet de réemploi ; les stèles étaient placées ailleurs, elles étaient vraisemblablement dans une autre configuration que des études fines vont devoir révéler. Certaines figures sont même au revers des stèles, invisibles. Le signe n’a pas besoin d’être vu pour fonctionner, c’est de savoir qu’il est là qui est important. Orthostate R5 La notoriété et la connaissance d’un site sont ainsi portées par l’interprétation mais aussi le détournement ou la citation. A Bougon, au musée de la Préhistoire, une réplique du couloir est proposée aux visiteurs, mais c’est une version élargie, plus confortable à pratiquer. De nombreux peintres et sculpteurs reprennent les formes des gravures et l’on cherche, à recréer des séries comme si les stèles de Gavrinis annonçaient l’art contemporain. Dans une comédie romantique tournée en 1985, un jeune couple vient s’embrasser dans le cairn uploads/Geographie/ gavrinis-regards.pdf

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