AU-DELÀ DU TOPONYME Collection dirigée par Jérôme Gonzalez et Stéphane Pasquali

AU-DELÀ DU TOPONYME Collection dirigée par Jérôme Gonzalez et Stéphane Pasquali Volume 1 2019 ENiM | Montpellier AU-DELÀ DU TOPONYME UNE APPROCHE TERRITORIALE ÉGYPTE & MÉDITERRANÉE ANTIQUES Actes du colloque tenu à Montpellier Université Paul-Valéry Montpellier 3 les 27-28 octobre 2015 sous la direction de Jérôme GONZALEZ et Stéphane PASQUALI 2019 ENiM | Montpellier ISBN 978-2-9570450-0-6 ISSN en cours © 2016, les auteurs © 2019, Équipe Égypte Nilotique et Méditerranéenne, UMR 5140 ASM, CNRS, université Paul-Valéry Montpellier 3 Tous droits réservés, inclus les droits de traduc- tion, de reproduction et de stockage électronique de cet ouvrage ou d’une partie de celui-ci, par quelque procédé que ce soit. Impression et montage : Imprimerie de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 Imprimé en France REMERCIEMENTS Le colloque Au-delà du toponyme a pu être organisé grâce au soutien financier du LabEx ARCHIMEDE au titre du programme « Investissement d’Avenir » ANR-11-LABX-0032-01 et au soutien logistique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 que ces organismes en soient ici pleinement remerciés. Nous tenons tout particulièrement à exprimer nos chaleureux remerciements aux participants du colloque et aux contributeurs à ce volume. Jérôme Gonzalez, Stéphane Pasquali TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION Entre réel et imaginaire : une approche territoriale ................. p. vii-xvii Frédéric GIRAUT, Myriam HOUSSAY-HOLZSCHUCH Au-delà du toponyme : la dimension politique de la territorialisation par la nomination ........................................... p. 1-6 Jean-Yves CARREZ-MARATRAY La toponymie grecque des pourtours du Delta égyptien. Dénomination, héroïsation, appropriation ...................................... p. 7-22 Gabriella DEMBITZ La « liste géographique » de Pinedjem Ier à Karnak. Premier essai de reconstitution d’une géographie religieuse de l’Égypte sous la XXIe dynastie ........................................................... p. 23-40 Jérôme GONZALEZ Au-delà du « mythe ». Imaginaire religieux et territorialisation dans le rite « renverser Seth et ses acolytes » ............................... p. 41-78 Ivan GUERMEUR Une conception religieuse du territoire : la Basse Égypte d’après la procession des dieux du soubassement nord du temple d’Arensnouphis à Philae ............................................... p. 79-130 Stéphane LEBRETON « L’endroit s’appelle Irasa ». Rôles et fonctions des toponymes dans la façon de penser l’espace et d’administrer le territoire ........................................................ p. 131-174 vi Bernard MEZZADRI De quoi Kuzikos est-il le nom ? Essai d’approche structurale d’une presqu’île ............................................................................... p. 175-204 Stéphane PASQUALI Textualité et matérialité des grandes stèles égyptiennes de Giza. Comment des actes de mémoire (re)configurent un territoire et ses lieux ................................................................ p. 205-238 RÉSUMÉS / ABSTRACTS ........................................................................... p. 241-250 INDEX DES AUTEURS COMMENTÉS .......................................................... p. 253-254 Au-delà du « mythe » Imaginaire religieux et territorialisation dans le rite « renverser Seth et ses acolytes » Jérôme GONZALEZ (Université Paul-Valéry Montpellier 3, UMR 5140 ASM, LabEx ARCHIMEDE) Les intellectuels sont portés aux échafaudages sophistiqués et aux chimères. L’héritage théologique a légitimé ce penchant, et autorisé les anthropologues et historiens à bricoler, à copier- coller, et à imaginer des mentalités qui ne recoupent pas vraiment les cultures des objets humains de leurs études. Certes, les indigènes pratiquent leurs propres bricolages. Mais si les spécialistes des sciences sociales ont le devoir de faire de ce bricolage indigène un sujet d’analyse, ils ou elles n’ont pas pour autant le droit de l’imiter. Philippe Buc, Dangereux rituel, [2001] 2003, p. 276 Dans le cadre de la réflexion collective conduite autour de la territorialité antique, le corpus des Urkunden mythologischen Inhalts1 est sollicité par ce bref exposé. Il s’agira d’évoquer, via ces documents à contenu mythologique, deux rituels connus par deux papyrus, leurs propos étant porteurs de modalités symboliques originales en relation avec l’espace. Cet imaginaire géographique supposera au préalable quelques ajustements en termes de perception disciplinaire, ce qui ne surprendra pas le lecteur informé par l’introduction du présent ouvrage ; ainsi, s’agissant des valeurs et des arrière-plans épistémologiques véhiculés par les termes « mythologique » et « rituel ». Une fois la perspective religieuse ou le référencement mythologique de ces textes clarifiés, la conception d’une territorialisation pourra pleinement être mise en évidence. Ce travail revendique, d’une part, de prendre en compte les représentations ici à l’œuvre, essentiellement par une mise en réseau 1 Siegfried Schott, Urkunden mythologischen Inhalts, Urkunden des Ägyptischen Altertum, 6, Leipzig, Hinrichs, 1929 (abrégé Urk. VI par la suite). Jérôme GONZALEZ 42 géographique, et, d’autre part, loin d’une vision fonctionnaliste, de saisir comment l’énonciation et ses composantes produisent du territoire. Les textes en question intéressent l’égyptologue pour plusieurs raisons : la linguistique, car le second de ces rituels a été copié en deux versions, chacune dans un état de langue différent ; la nature intrinsèque de ces rituels centrés autour des personnages du cycle osirien : le premier d’entre eux (qui nous intéressera plus particulièrement ici) étant le dieu Seth, ainsi que son frère Osiris, sa sœur Isis et son neveu Horus ; ou encore la documentation funéraire, puisque ces rituels constituant le corpus des Urkunden sont extraits de deux papyrus à vocation funéraire évidente. Sans s’appesantir sur un portrait qui serait ici plus que partiel, mais soucieux de présenter le dieu Seth, il sera retenu qu’il est associé aux zones hostiles et/ou étrangères, à l’idée de désordre, mais qu’il est également protecteur du dieu solaire en certaines occasions. Seth est reconnu par les égyptologues comme une entité complexe2. Fils de la déesse Nout (incarnation du ciel) et du dieu Geb (la terre), il intègre régulièrement la troisième génération des dieux composant l’Ennéade d’Héliopolis, groupe de divinités topiques du centre religieux majeur du nord de l’Égypte, dont le temple principal était consacré à la forme primordiale Rê-Atoum ; ce centre religieux est omniprésent dans les deux rituels des Urkunden3. Dans ces derniers, dont il va être question, c’est la lutte pour le pouvoir royal hérité de Geb par Osiris l’aîné et transmis à son fils Horus qui motive a priori le discours abordé par la présente contribution. Quelques observations, maintenant, relatives à ces deux papyrus rédigés en hiératique, en écriture cursive. Le premier est le papyrus du British Museum (pBM) EA 10252 ayant appartenu à Paouerem fils de Qiqi, issu d’une famille de la région de Thèbes (Haute Égypte), le second, le pLouvre N 3129 dont le propriétaire se nommait Pacherienmin fils 2 Pour cette divinité dans les textes tardifs, voir Mark Smith, « The Reign of Seth: Egyptian Perspectives from the First Millenium BCE », in Ladislav Bareš, Filip Coppens, Květa Smoláriková (ed.), Egypt in Transition. Social and Religious Development of Egypt in the First Millennium BCE. Proceedings of an international conference, Prague, September 1-4, 2009, Prague, Czech Institute of Egyptology, 2010, p. 396-430. De façon plus générale (avec bibliographie antérieure), Bernard Mathieu, « Seth polymorphe : le rival, le vaincu, l’auxiliaire », Égypte Nilotique et Méditerranéenne, 4, 2011, p. 137-158. 3 Voir une proposition de répartition spatiale dans Victoria Altmann, Die Kultfrevel des Seth. Die Gefährdung der göttlichen Ordnung in zwei Vernichtungsritualen der ägyptischen Spätzeit (Urk. VI), Studien zur spätägyptischen Religion, 1, Wiesbaden, Harrassowitz, 2010, p. 184-185. Au-delà du « mythe » 43 d’Asetouret, un papyrus qui provient selon toute vraisemblance de la même région ; leur datation oscille entre les règnes des derniers pharaons indigènes et le tout début de l’époque ptolémaïque, soit le dernier tiers du IVe s. av. n.è.4. Ils mesurent respectivement environ 1 m et 10 m de long, autant dire qu’ils contiennent bien d’autres textes que les deux rituels, notamment tout un arsenal de formules extraites du « Livre des Morts » (plus de 150 pour le pLouvre), ainsi que d’autres rituels, comme par exemple celui de protéger la barque nechmet (la barque abydénienne d’Osiris) ou encore celui d’amener le dieu Sokar hors de la chétyt5. Il est encore considéré que ces compositions puisent aux bibliothèques-archives des temples et témoignent de l’appropriation par des particuliers de textes que l’égyptologie nomme « liturgies osiriennes », en référence à toute une série de rites mis en œuvre afin de reconstituer le corps d’Osiris, de restaurer ses facultés, de le pourvoir en aliments, etc.6, voire d’exécrer les ennemis du dieu, une fonction traditionnellement retenue s’agissant des rituels des Urkunden VI. Au détour de certaines constatations, il arrive que ce schéma soit mis à mal, au moins en signalant l’ambiguïté qui entoure ce processus7 ; celle-ci est moins anecdotique qu’il n’y paraît car, de la même façon que les scènes et les textes rituels présents sur les parois d’une salle de temple ne sont plus naïvement interprétés comme le déroulement concret de rites censés s’y pratiquer, peut-on résolument concevoir qu’un texte « rituel » corresponde systématiquement et concrètement à une mise en pratique ? Pourquoi un texte identifié comme rituel (ou assujetti à un rite), rédigé sur papyrus et parallèlement identifié (souvent partiellement) sur une paroi de temple correspondrait-il mieux à un 4 Pour une mise au point sur la datation, Ursula Verhoeven, Untersuchungen zur späthieratischen Buchschrift, Orientalia Lovaniensia Analecta, 99, Louvain, Peeters, 2001, p. 75-80. 5 Aperçu commode dans Frank Feder, « Egyptian Mortuary Liturgies in the Papyri of the Ptolemaic Period », in Panagiotis Kousoulis, Nikolaos Lazaridis (ed.), Proceedings of the Tenth International Congress of Egyptologists, University of the Aegean, Rhodes 22-29 May 2008. 1, Orientalia Lovaniensia Analecta, 241, Louvain, Peeters, 2015, p. 1083-1091. 6 Processus uploads/Geographie/ gonzalez-au-dela-du-mythe-2019.pdf

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