11 HÉLÈNE BERR HÉLÈNE BERR JOURNAL (1942-1944) (ISBNÞ: 978-2-7578-1375-1, 4Þ€)
11 HÉLÈNE BERR HÉLÈNE BERR JOURNAL (1942-1944) (ISBNÞ: 978-2-7578-1375-1, 4Þ€) Pour une étude du Journal d’Hélène Berr en œuvre intégrale Le Journal d’Hélène Berr a connu un très grand succès à sa publication, au mois de janvierÞ2008. Le texte, écrit par une jeune femme juive pendant l’Occupation, a surpris par sa qualité littéraire mais aussi et surtout par la qualité du témoignage sur des années terribles qui apparaissent, sous la plume de la narratrice, comme un condensé d’émotions contradictoires. En effet, la tragédie de l’exclusion et des persécutions antisémites, organisées par le gouvernement de Vichy, côtoie le bonheur de vivre, l’amour et le goût pour les œuvres les plus raffinées. Le Journal est un texte qui brûle, le récit d’un destin tracé, de certitudes et d’angoisses qui vont grandissant. Nous ne proposons pas une séquence didactique au sens le plus traditionnel, comme on le ferait pour une œuvre «ÞordinaireÞ», mais des pistes pour réfléchir et travailler avec une classe de troisième sur ce livre qui marque. Voulant respecter cette alternance entre le bonheur et le tragique, nous proposons de suivre un plan d’étude qui imite ce mouvement propre à la jeune diariste. 12 I.ÞL’écriture du Journal 1. POSER QUELQUES JALONS «ÞCeci est mon journal. Le reste se trouve à Aubergenville.Þ» La première phrase, placée en page de garde, rappelle le caractère intime et personnel de ce type de document. Plus énigmatique est la deuxième phrase. Qu’est-ce que ce resteÞ? Des lettresÞ? Des textesÞ? Nul ne le sait. Une date, une heure, l’emploi du présent et de la pre- mière personne du singulierÞ: les principaux indices de l’écriture diariste sont posés. L’emploi du passé composé montre que cette première page a été écrite après coup, au retour de la visite décrite. 2. UNE PREMIÈRE PAGE Le premier paragraphe de ce Journal donne le ton. Hélène Berr le commence en avrilÞ1942. Elle rapporte une visite chez Paul Valéry, grand écrivain de cette entre-deux- guerres, sorte de machine intellectuelle, en même temps que poète sensuel et raffiné. Cette information que l’on donnera aux élèves permet de situer la jeune femme qui écrit, entre intelligence et sensibilité, d’une haute culture comme le veut le milieu dont elle est issue, la grande bour- geoisie israélite d’origine lorraine ou alsacienne. Ce pre- mier paragraphe qu’on lira avec plus d’attention met en relief ses hésitations, ses craintes, avant d’arriver rue de Villejust. Par contraste, sa joie se manifeste dans une forme de communion avec le ciel et la ville, lumineux, ensoleillés. 3. LA DERNIÈRE PAGE La lecture de la dernière page crée le contraste. Elle date du 15Þfévrier 1944. Les déportations se succèdent, 13 HÉLÈNE BERR les Juifs français sont traqués comme l’ont été ceux qui étaient devenus étrangers sous le coup des lois de Vichy, les rumeurs sont dramatiques. Cette opposition entre la première page et la dernière se reflète dans l’écriture de la diaristeÞ: elle est plus serrée, moins lisible, l’espace semble compté. C’est comme si une asphyxie menaçait. Les faits évoqués dans cette page écrite à 7ÞhÞ15 sont un récit rapporté des faits horribles qui donnent une idée de ce qui se passe à l’est de l’Europe. Il n’y est pas question des camps, mais ce qui se passe dans la ferme allemande décrite est violent. L’allusion au sort des prisonniers russes donne une idée – encore imprécise – de ce qu’ils auront subi, au mépris de toutes les conventions de guerre. L’exclamation finale tirée du Roi Lear («ÞHorrorÞ! HorrorÞ! HorrorÞ!Þ») fait écho aux premières pages lumineuses du Journal. Certes, le hasard a voulu qu’il s’ouvre sur une visite chez Paul Valéry, mais on sent bien l’importance d’une autre dimension de l’existence pour cette jeune femme qui mourra bientôt. À travers cette comparaison entre les deux pages, on donnera aux élèves quelques clés sur le genre du JournalÞ: on y parle au jour le jour de certaines expériences faites, d’émotions ressenties, mais aussi on témoigne. II. Une idée du bonheur 1. SCÈNES D’AUBERGENVILLE Avec le recul des années, on aurait tendance à croire que la période de l’Occupation est synonyme d’oppres- sion constante, de déchaînement de violence ou de répres- sion. Le Journal montre qu’il n’en est rien, en Europe de l’Ouest s’entend, puisque le joug imposé à la Pologne et 14 aux territoires de l’Est est tout autre. La vie continue, et pendant un certain temps Hélène Berr mène une existence encore relativement protégée. Ainsi peut-elle profiter de la demeure familiale d’Aubergenville, sur les bords de Seine, et ses coteaux environnants. On trou- vera dans certaines pages, notamment celles du 11Þavril 1942 ou du 15Þaoût de la même année, des évocations de ces dimanches à Aubergenville. Le sentiment de plénitude n’est jamais éloigné de la peur de ce qui finira, et la description de l’atmosphère n’en est que plus intenseÞ: «ÞJe rentre d’Aubergenville. Tellement abreuvée de grand air, de soleil brillant, de vent, de giboulées, de fatigue et de plaisir que je ne sais plus où j’en suis. «Þ[…] Je n’ai jamais pu m’habituer à ce que les choses agréables aient une fin.Þ» Aubergenville est un cadre impressionniste et Hélène Berr le sait, le sent, le rend dans ses descriptions évo- quant «Þl’harmonie merveilleuse des couleurs du paysage qui s’étendait devant moi, le bleu du ciel, le bleu doux des col- lines, le rose, le sombre et les verts embrumés des champs, les bruns et les ocres tranquilles des toits, le gris paisible du clocher, tout baignés de douceur lumineuse. Seule l’herbe fraîche et verte à mes pieds mettait une note plus crue, comme si elle seule était vivante dans ce paysage de rêveÞ». On pourra partir de la description d’une toile de Monet ou d’un autre peintre impressionniste comme Sisley pour demander aux élèves d’écrire un texte à la façon de la jeune diariste. Ce sera également l’occasion de travailler sur le vocabulaire des couleurs et sur la palette qu’on peut ainsi fabriquer. On pourra également reprendre les pages du Journal évoquant Aubergenville pour concevoir un diaporama, à partir de photos et surtout de tableaux qui s’en approchent. 15 HÉLÈNE BERR 2. PARIS Les promenades dans Paris sont une seconde façon d’envisager le rapport qu’Hélène Berr entretient avec le paysage. Il y a une géographie parisienne dont on retrou- vera la cartographie sur les plans proposés dans l’édition abrégée. Plusieurs Paris coexistentÞ: d’abord le quartier qu’elle habite, près du Champ-de-Mars. Ensuite celui qu’elle aime, le Quartier latinÞ: «ÞÀÞpartir de la rue Soufflot, jusqu’au boulevard Saint-Germain, je suis en territoire enchanté.Þ» Là se trouvent la Sorbonne et sa cour, où elle rencontre tous ses amis étudiants. Et surtout le jardin du Luxem- bourg, son lieu de prédilection. Elle aime comme à Auber- genville le soleil et l’eauÞ: «ÞJe n’ai plus qu’un souvenir de la fascination qu’exerçait sur moi l’étincellement de l’eau sous le soleil, le clapotis léger et les rides qui étaient pleines de joie, la courbe gracieuse des petits voiliers sous le vent, et par-dessus tout, le grand ciel bleu frissonnant. Autour de moi, il y avait une foule d’enfants et de grandes personnes. Mais c’était l’eau étin- celante, dansante qui m’attirait.Þ» Cette relation forte que l’on trouve dans une page du 16Þavril, on pourra deman- der aux élèves de la déduire d’une comparaison entre les descriptions de lieux dans le Journal. Et pour que la com- paraison soit encore plus nette, on pourra ajouter ce pas- sage de novembreÞ1943, alors qu’elle vit douloureusement l’absence de Jean, l’homme qu’elle aime, et la cruauté des persécutionsÞ: «ÞJ’ai marché tout au bord de l’eau, qui a eu son effet magique sur moi, me calmant, me berçant, sans me faire oublier, mais en rafraîchissant ma tête souvent surchar- gée. Il n’y avait personne. Deux péniches ont passé lentement, sans un bruit, seul le léger clapotis des longues ondes trans- versales mises en mouvement par le sillage du bateau, et qui venaient mourir sur la berge.Þ» Afin que les élèves s’approprient pleinement ces extraits, on leur demandera de définir le cadre naturel dans lequel 16 ils se sentent le plus heureux, en insistant sur un élément qui définit le paysage, qu’il s’agisse de l’eau, du ciel ou de la terre, que ce paysage soit marin, rural ou de montagne. 3. L’AMOUR NAISSANT ET SA PLÉNITUDE Au moment où commence l’écriture du Journal, Hélène Berr est officiellement fiancée à Gérard Lyon-Caen, à qui elle fait parfois allusion. Mais le doute l’emporte sur tout autre sentiment et l’on pourra étudier la page du jeudi 18Þjuinþ1942. De brefs paragraphes, parfois constitués d’une unique phrase, et des phrases interrogatives tra- duisent les doutes de la jeune femme. L’usage de la para- taxe, l’absence de liaisons logiques entre les propositions contribuent également à dire ce malaise d’une relation menant à une impasse. On ne s’étendra pas davantage sur ce passage dans lequel Hélène Berr ne se livre guère, ne dit pas grand-chose sur son lien avec Gérard. Cette dis- crétion est une autre caractéristique de la jeune femme, peu prompte aux épanchements sentimentaux. La rencontre de Jean Morawiecki ne donne pas uploads/Geographie/ heleneberr-guide.pdf
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- Publié le Fev 22, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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