1 2 Lucie RAUZIER-FONTAYNE LE RÊVE DE CAROLINE QUE de mystères peuvent se cache

1 2 Lucie RAUZIER-FONTAYNE LE RÊVE DE CAROLINE QUE de mystères peuvent se cacher derrière les murs gris d'un village des Cévennes ! Maxime Domergue, cet enfant des îles, ne l'eût jamais soupçonné, si l'entrain de cinq petites filles aux tabliers rosés, les « Natasœurs », n'était venu l'arracher à ses idées sombres. Mystère troublant de la « Belle Inconnue » au regard si triste. Mystère de ce château de la Belle au bois dormant, que hantent les souvenirs et les fantômes d'un passé brillant. Autre énigme que de voir la châtelaine, Mlle Elisabeth, demeurer insensible à la détresse de sa propre nièce Céline, pauvre enfant vouée aux plus rebutants travaux. C'est tout un monde secret que peu à peu découvrent ces enfants.... Et le beau rêve que seule l'imaginative Caroline avait osé concevoir, ce rêvé prestigieux se fait réalité dans l'éblouissement du bal de la Merlière. Autre miracle, plus étonnant encore : avec le château, plus d'un cœur malheureux s'ouvrira de nouveau à la vie. Chemin faisant, les jeunes héros offrent au lecteur nombre d'émotions. Mais aussi que de surprises amusantes nous ménagent leur imagination toujours en éveil et leur fraîche fantaisie ! 3 LE RÊVE DE CAROLINE Copyright 1955 by Librairie Hachette. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. 4 LUCIE RAUZIER-FONTAYNE LE RÊVE DE CAROLINE ILLUSTRATIONS DE A. CHAZELLE HACHETTE 82 5 TABLE DES MATIERES Avant-propos — La poésie de Caroline 7 I. Du nouveau à Fontanès. — La belle inconnue 9 II. « Natasœurs ». — La famille du docteur Mercadier 17 III. Les gens de Fontanès 25 IV. Une fenêtre brillait dans la nuit. Les remèdes du 36 docteur Mercadier. — Maxime est dans la place. V. Une surprise à la Merlière. — Souvenirs 47 VI. Ezéchiel. — Première visite à la Merlière 52 VII. Le bel oiseau sort de sa cage. — Céline. — 62 Un chant et des larmes VIII. Encore la Merlière. — Le « cadeau » de Caroline 77 IX. Les portes ouvertes 85 X. Visite à la belle inconnue. — La Merlière reprend vie. 90 — Maxime s'en va XI. Les invitations. — Lettre à Maxime. 104 XII. Lettre à Maxime. — Sensation au village. — Les réponses 113 XIII. Maxime est de retour. — Noël 119 XIV. Le soir de Noël. — La robe de soie pékinée 126 XV. Le jour du bal. — La fête commence 135 XVI. La fête commence. — ...et pendant ce temps, au village 146 XVII. Encore le bal 156 XVIII. Céline 166 XIX. Après le bal 173 6 AVANT-PROPOS LA POÉSIE DE CAROLINE Sur une feuille arrachée à son cahier d'écolière, une petite fille de douze ans écrivit un jour cette poésie : LA MERLIÈRE Dans un rêve, j'ai vu la vieille maison morte Se ranimer soudain, ainsi qu'aux anciens ternes; Une invisible main m'avait ouvert la porte, Révélant la splendeur des grands appartements. Les violons jouaient des valses langoureuses, Les bougies scintillaient aux lustres de cristal, Le parfum, des lilas, des lis, des tubéreuses Flottait dans les salons où tournoyait le bal. Au bras des cavaliers en fracs bleus ou violine, Les dames, en dansant, passaient légèrement Dans les atours soyeux des vastes crinolines; A leur cou fulgurait l'éclat des diamants. Le vin doré moussait dans les flûtes de verre, Les mets les plus exquis chargeaient les plats d'argent. La joie se prolongeait durant la nuit entière : Déjà le pâle jour blanchissait l'orient. 7 Mais qui se souciait de la nuit finissante ? Le temps semblait trop court aux heureux invités ! La valse succédait à la valse enivrante, Nul ne voulait quitter le domaine enchanté. Hélas ! C'était un rêve, et la maison ruinée, Solitaire, aujourd'hui, pleure l'ancien bonheur. Oh ! Qui donc lui rendra sa splendeur oubliée? Qui fera, de nouveau, palpiter son vieux cœur ? CAROLINE MERCADIER (Octobre 187...). Ce n'était pas mal, n'est-ce pas, pour une « poétesse » en herbe ? Certes, on pouvait reprocher à ces vers quelques rimes indigentes, quelques fautes, quelques « chevilles ». Pourtant, dans son imperfection, la poésie de Caroline contribua pour sa petite part à provoquer un événement qui changea bien des choses dans le village cévenol de Fontanès.... Bien des vies, aussi : en premier lieu la vie de la demoiselle de la Merlière. L'interrogation passionnée contenue dans les dernières lignes reçut sa réponse. La « splendeur oubliée » fut rendue à la vieille maison, 1' « ancien bonheur » y refleurit une nuit d'hiver, la nuit de la Saint- Sylvestre, au cours d'un bal, et le rêve de Caroline devint réalité. 8 CHAPITRE PREMIER DU NOUVEAU À FONTANÈS. — LA BELLE INCONNUE CINQ heures de l'après-midi sonnèrent à Fontanès. Par cette belle journée de septembre les tintements de l'horloge se propagèrent très loin, dans le silence de la montagne. Mais les voyageurs de l'omnibus ne les entendirent pas, assourdis qu'ils étaient par le grincement des roues, le trot sonore des deux chevaux et la voix d'Odilon, le voiturier, qui ne cessait d'encourager ses bêtes. Le véhicule avançait lentement sur la route montante et toute en lacets, semblable de loin à quelque gros insecte de forme bizarre. L'amoncellement des marchandises et des bagages entassés sous sa bâche verte défiait les lois de l'équilibre. A l'intérieur, les gens soupiraient d'impatience à mesure qu'on approchait du village. La plupart d'entre eux étaient des fermiers qui revenaient d'une foire et qui parlaient le rude patois cévenol. Trois personnes seulement paraissaient étrangères au pays. Une jeune femme élégante et très belle se blottissait dans un coin, tout au fond de la voiture. Le regard de ses yeux couleur de bleuet avait une expression triste et inquiète. Ses mains gantées de chevreau gris perle serraient nerveusement un réticule qu'elle ne cessait d'ouvrir et de fermer sans raison apparente, tandis qu'un suave parfum s'en échappait qui se mêlait à l'odeur LE REVE DE CAROLINE 9 moins poétique des chevaux en sueur, du vieux cuir des banquettes et des paniers posés sur les genoux des paysans. Dans le coin opposé, un monsieur d'une quarantaine d'années et un jeune garçon qui pouvait avoir de quatorze à quinze ans voyageaient ensemble sans échanger une parole. Le visage du père ne montrait qu'indifférence et mélancolie. Le fils, au contraire, considérait avec intérêt cette contrée toute nouvelle pour lui et, sur sa figure ouverte et intelligente, on lisait clairement ses impressions, comme s'il les eût exprimées à haute voix. « Pas drôle, ce pays ! avait-il l'air de dire. Des châtaigniers, des châtaigniers, encore des châtaigniers !... Et cette pierraille inculte!... Et ces monotones étendues de bruyères! » La bruyère en fleur, en effet, revêtait les pentes de la montagne d'un tapis vieux rosé, les arbres aux branches alourdies par les bogues épineuses, pleines de fruits presque mûrs, dressaient leurs troncs puissants et tourmentés sur le ciel d'une incomparable pureté et tout au fond de la vallée, au bord de la rivière, on apercevait quelques prés où s'ouvraient les tendres coupes mauves des premiers colchiques. Mais le jeune garçon restait insensible à l'austère beauté du paysage cévenol : « Et puis, c'est au diable ! Nous avons parcouru des kilomètres sans rencontrer autre chose que des fermes isolées ou de pauvres hameaux tristes et sales.... Ah ! Cette fois, nous arrivons ! Il n'est guère avenant, le village ! Murs gris, toits gris, fumées grises... c'est gai ! » Fontanès venait d'apparaître au tournant du chemin. Il s'étirait le long du torrent que les maisons de la rue Basse dominaient de quelques mètres à peine. C'est dans cette rue que l'omnibus s'engagea en cahotant sur les pavés inégaux. Il s'arrêta devant l'auberge, tandis que les gamins accouraient en piaillant pour assister au spectacle quotidien de l'arrivée et que la veuve Bonafous apparaissait sur le seuil. Les occupants de la voiture descendirent et se dispersèrent. Le monsieur et son fils, portant leurs valises, se dirigèrent par une venelle montante vers la rue Haute. Seule, la jeune femme entra dans la grand- salle du café, où Priscille Bonafous, fort intriguée par cette élégante cliente, s'empressa de la rejoindre. « Emilie ! Emilie ! Viens vite ! » A travers la vitrine, Léa Pincemaille, une des deux sœurs qui tenaient l'épicerie du village, regardait venir le jeune 10 garçon et son père. Elle écarquillait ses petits yeux semblables à des têtes d'épingles noires, et la plus intense curiosité se peignait sur son visage ridé aux pommettes vermeilles. Trottinant comme une souris, haute comme trois pommes et ronde comme une citrouille, Emilie s'avança. Une seconde paire de têtes d'épingles noires considéra les voyageurs qui semblaient marcher vers un but précis. « Et alors ? Qu'est-ce que ça signifie ? Des gens arrivent à Fontanès et personne ne nous en a parlé? C'est extraordinaire ! — Qui sont ces deux-là ? Leurs figures ne me disent rien. — Nous allons bien voir où ils vont, si toutefois ils s'arrêtent dans la rue Haute. Chut ! » Silencieuses, les deux sœurs uploads/Geographie/ ib-fontayne-rauzier-le-reve-de-caroline-1955.pdf

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