ACTES DE COLLOQUE Les origines du Coran, le Coran des origines François Déroche

ACTES DE COLLOQUE Les origines du Coran, le Coran des origines François Déroche, Christian Julien Robin et Michel Zink éd. ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES François Déroche, Christian Julien Robin et Michel Zink éd. Actes du colloque international organisé par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissen- schaften à la Fondation Simone et Cino del Duca et à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, les 3 et 4 mars 2011 avec le soutien de la Fondation Max van Berchem, de l’École pratique des Hautes Études, du CNRS (UMR 7192 « Proche Orient-Caucase » et UMR 8167 « Orient & Méditerranée »), de la Hermann und Elise geborene Heckmann Wentzel-Stiftung et du programme franco-allemand Coranica (ANR et DFG) Ouvrage publié avec le concours de l’École pratique des Hautes Études, du programme franco-allemand Coranica (ANR et Deutsche Forschungs- gemeinschaft) et du CNRS (UMR 7192 et UMR 8167) Les origines du Coran, le Coran des origines Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Paris n 2015 L’ARABIE DANS LE CORAN. RéEXAMEN DE QUELQUES TERMES à LA LUMIèRE DES INSCRIPTIONS PRéISLAMIQUES Pour l’historien, le texte coranique est déroutant, parce qu’il ne com- porte que très peu de données concrètes, se rapportant à l’histoire ou à la géographie. Tout au plus peut-on dénombrer quelque six personnages1 ; une douzaine de lieux et monuments2 ; huit tribus et peuples3 et quatre évé- nements4. Au total, ce ne sont donc qu’une trentaine de noms propres qui fixent le cadre temporel ou spatial – nombre approximatif puisque diverses 1. Abū Lahab (Q 111 / 1), Aḥmad (prophète annoncé par Jésus et identifié avec Muḥammad, Q 61 / 6), dhū ʾl-Qarnayn (Q 18 / [82] 83), Muḥammad (Q 3 / [138] 144 ; 47 / 2 et titre de la sourate 47), Tubbaʿ (dans l’expression « le Peuple de Tubbaʿ », qawm Tubbaʿ, Q 44 / [36] 37 et 50 / [13] 14) et Zayd (Q 33 / 37). Quand un verset porte un double numéro, le premier (entre crochets) renvoie à l’édition de Flügel et le second à celle du Caire. Nous n’avons pas retenu les prophètes arabiques : Hūd (prophète des ʿĀd), Idrīs, Luqmān, Ṣāliḥ (prophète de Thamūd) et Shuʿayb (prophète de Madyan) ; et pas davantage les 24 personnages « bibliques » ou les anges empruntés au judaïsme et au christianisme. 2. al-Aḥqāf (Q 46 / [20] 21 et titre de la sourate 46), al-ʿArim (Q 34 / [15] 16), Bābil (Babylone, Q 2 / [96] 102), Bakka (lieu du premier temple fondé pour les hommes dans la religion d’Abraham, Q 3 / [90] 96), al-Ḥijr (Q 15 / 80 et titre de la sourate 15), Iram dhāt al-ʿImād (Q 89 / [6] 7 ; autre lecture, « Aram »), al-Kaʿba (Q 5 / [96] 95, [98] 97), al-Madīna (Q 9 / [102] 101, [121] 120 ; 33 / 60 ; 63 / 8 ), Makka (Q 48 / 24), Ṭūr Sināʾ (Sinaï, Q 23 / 20 ; ou Ṭūr Sīnīn, Q 95 / 2 ; ou al-Ṭūr, Q 2 / [60] 63, [87] 93 ; 4 / [153] 154 ; 20 / [82] 80), le Val sacré de Ṭuwà (al-wādi ʾl-muqaddas Ṭuwà, Q 20 / 12 ; 79 / 16) et Yathrib (Q 33 / 13). 3. ʿĀd (20 mentions, Q 7 / [63] 65 etc.), les banū Isrāʾīl (43 mentions, Q 2 / [38] 40 etc.), Miṣr (Égypte, Q 10 / 87), Madyan (10 mentions, Q 7 / [83] 85 etc.), Quraysh (titre de la sourate 106), al-Rūm (Q 30 / [1] 2 et titre de la sourate 30), Sabaʾ (Q 27 / 22 ; 34 / [14] 15 et titre de la sourate 34) et Thamūd (26 mentions, Q 7 / [71] 73 etc.). 4. Les batailles de Badr (Q 3 / [119] 123) et Ḥunayn (Q 9 / 25), le massacre de chrétiens à Najrān (Q 85 / 4-8) et l’expédition d’Abraha contre la Kaʿba (Q 105), si on accepte l’interprétation traditionnelle des « Gens de la Fosse » (aṣḥāb al-Ukhdūd) et des « Compagnons de l’Éléphant » (aṣḥāb al-Fīl). On pourrait ajouter d’autres événements simplement évoqués, notamment la bataille du Fossé (Q 33 / 7-27), l’expulsion des banū Naḍīr (Q 59 / 1-10), le massacre des banū Qurayẓa (Q 33 / 26-27), ou le pacte de Ḥudaybiyya (Q 48 / 1-10), sans parler des affaires domestiques de Muḥammad. Pour un inventaire analytique des noms propres du Coran, voir par exemple Horovitz 1925 et 1926. christian julien robin 28 expressions énigmatiques renvoient peut-être à des lieux ou à des événe- ments (comme Aṣḥāb al-Ayka, Aṣḥāb al-Rass, al-Baḥrayn etc.). L’États- unien F. E. Peters a joliment résumé ce constat en qualifiant le Coran de « texte sans contexte » (1991, p. 300). Un seul passage fait allusion à un événement contemporain se produi- sant hors d’Arabie. Ce sont les fameux versets au début de la Sourate 30 [« Les Romains », al-Rūm] / [1-2] 2-3 : Leçon commune : « [1] 2 « Les “Romains” ont été vaincus aux confins de notre terre. [2] 3 [Mais] eux, après leur défaite seront vainqueurs, [3] 4 dans quelques années » Variante : [1] 2 « Les “Romains” ont vaincu aux confins de notre terre. [2] 3 [Mais] eux, après leur victoire, seront vaincus, [3] 4 dans quelques années »5 (Blachère 1966, p. 429-430). Pour les deux versions, le corps consonantique est le même : le désac- cord porte sur la vocalisation (notée en arabe par de petits symboles qu’on ajoute au-dessus ou au-dessous des consonnes) des deux verbes : dans la version commune, le premier verbe est au passif et le second à l’actif (ghu- libat et sa-yaghlibūna) et dans la variante, c’est le contraire (ghalabat et sa-yughlabūna). La variante avec ghalabat et sa-yughlabūna semble secon- daire : Theodor Nöldeke observait déjà qu’elle se fondait sur des savants moins fiables et qu’elle faisait allusion aux défaites que les musulmans avaient infligées aux « Romains », c’est-à-dire à Byzance, après la mort de Muḥammad b. ʿAbd Allāh6. On notera l’absence, dans le Coran, de toute mention de la Perse sāsānide, la puissance la plus influente en Arabie aux alentours de 600, et des puissances de second rang que sont Ḥimyar en Arabie du Sud et Aksūm en Afrique7. L’allusion à la victoire des Romains est un écho bien faible des guerres qui ensanglantaient alors le Proche-Orient et le monde médi- terranéen. Les deux grands empires de la région, le byzantin et le sāsānide, se livraient une lutte sans merci. La déposition et le meurtre de l’empereur Maurice en 602 avaient permis à Khusraw II de reconquérir progressive- 5. Ghulibat al-Rūmu / fī adnà ʾl-arḍi wa-hum min baʿdi ghalabi-him sa-yaghlibūna / fī biḍʿi sinīna. 6. Nöldeke et al., 2013, p. 122 et n. 30. 7. Pour les toponymes et les ethnonymes, se reporter à la carte ci-contre (fig. 1). L’ARABIE DANS LE CORAN 29 Retour : juin 521 521 Retour : août 521 Sabaʾ, Ḥimyar, Raḥbatān, Ḥaḍramawt et Yamana Kinda et Madhḥij banū Thaʿlaba et Muḍar { Bishr b. Ḥiṣn avec Saʿd et Murād Abījabr avec Kinda et ʿUla 552 avril-sept. A L - Ḥ IJ Ā Z NA JD ṬA W Du m WĀDĪ ʾL-QURÀ Qaryat [Qaryat al-Faʾw] PHOINIKÔN RAḤBAṬĀN banū Naṣr banū Jafna banū Ḥujr b. ‘Amr AL-NAḌĪR QAYNUQĀʿ QURAYẒA AL-AWS AL-KHAZRAJ HADL banū Hamdān banū Yazʾan banū Haṣbaḥ banū Ḥujr b. ‘Amr {banū Salīḥ} banū Thaʿlaba AL -A ZD KA LB M AH RA SU LA Y M HA M D ĀN HA W ĀZ IN AL- M Aʿ ĀFI R Marib al-Ṭāʾif JUDHĀM SAʿD ʿULA N A H D K H A W L Ā N B A J Ī L A ʿ A B D A L - Q A Y S S H A Y B Ā N P E R S E ḤA ḌR A MA W T J A N B Najrān Khaybar Makka Taymāʾ Ghamr dhī Kinda [Ḥāʾil] Tabūk Fadak al-ʿAqīq Maqnà j.Uḥud 1 2 al-Ḥīra Ṣanʿāʾ Ẓafār Qanīʾ Aksūm Adoulis Hajar [al-Hufūf] al-Ḥijr [Madāʾin Ṣāliḥ] Dūmat [Dūmat al-Jandal] [Ẓahrān al-Janūb] {Leukê Komê} Ḥajr [al-Riyāḍ] al-Kharj / al-Jaww [al-Ḥamḍa] ʿAdan al-Shiḥr Badr al-Baṣra Jurash al-Kūfa Kuthaʾ Makhawān Maddabān Maʾsal al-Jumḥ Yathrib [al-Madīna] al-Khaṭṭ [al-ʿUqayr] [Murayghān] [Ḥalibān] [Turābān] [Ḥimà] [Kawkab] [al-Qaṭīʿa] [Umm Jadhāyidh] d h ū - M ar kh al-Qurà [al-ʿUlā] 2 Qurḥ [al-Mibyāt] 1 0 500 km 0 m 200 m 500 m 1000 m 2000 m 3000 m AKSŪM AL-ʿARŪḌ Makka Nom de royaume, de commune ou de tribu Nom de région, de mer ou d’île Toponyme Ville, bourgade, oasis Montagne [...] {...} Nom contemporain Nom disparu au VIe s. Lieu-dit Puits banū Naṣr Lignage royal ou princier Fig. 1 – L’Arabie à la veille de l’Islam, avec l’illustration de deux campagnes ḥimyarites connues par les inscriptions, celles des rois Maʿdīkarib Yaʿfur (521, trait continu) et Abraha (552, trait discontinu). A'E;§ ~ \ . i C \~ !)'\. ~' -~~ AL-YAMÂMÀ- -fllMvAR * • * * christian julien robin 30 ment l’Arménie et toute la uploads/Geographie/ larabie-dans-le-coran-reexamen-de-quelq-pdf.pdf

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