Annuaire français de droit international La Nigeria en marche vers l'indépendan

Annuaire français de droit international La Nigeria en marche vers l'indépendance Monsieur Georges Fischer Citer ce document / Cite this document : Fischer Georges. La Nigeria en marche vers l'indépendance. In: Annuaire français de droit international, volume 5, 1959. pp. 205-219; doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1959.1428 https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1959_num_5_1_1428 Fichier pdf généré le 09/04/2018 ACCESSION A L'INDEPENDANCE ET SES ETAPES LE CAS DE LA NIGERIA Georges FISCHER Suivant la déclaration faite en 1958 par le Secrétaire aux Colonies de Sa Majesté Britannique, la Nigeria doit devenir indépendante le 1er octobre 1960. Ce pays, quatre fois plus étendu que la Métropole, la plus peuplée des dépendances britanniques (34 millions d'habitants) sera donc le septième nouvel Etat à qui, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le Royaume-Uni accorde l'indépendance (1) . La technique utilisée, les mécanismes employés, sont maintenant au point; ils présentent, suivant le cas, des variations qui, sans être d'une très grande portée, permettent de s'adapter aux conditions locales. Nous nous contenterons ici d'appeler l'attention sur quatre aspects du processus : le rythme du progrès constitutionnel, les critères de l'indépendance, le problème des minorités et celui de la fonction publique. La Nigeria, comme tant d'autres pays d'Afrique, constitue une entité politique artificielle dont les frontières ont été tracées lors du partage du continent. D'autre part, pour des raisons historiques, politiques et administratives, le pays est divisé en trois régions, l'Est, l'Ouest et le Nord (2). Dans chaque région, la population comprend une majorité (deux tiers de la population) appartenant à une tribu ou un groupe tribal et une minorité. Ainsi (*) Georges Fischer, Docteur es sciences économiques, chargé de recherches au C.N.R.S. — Principales publications : Les rapports entre VO.I.T. et la C.P.J.L; Contribution à l'étude de la séparation des pouvoirs dans le domaine international, Paris, 1946; L'énergie atomique et les Etats-Unis, droit interne et droit international, Paris, 1957; Un cas de décolonisation : les Etats-Unis et les Philippines, Paris, 1960. (1) Après l'Inde, le Pakistan, Ceylan, la Birmanie, le Ghana et la Fédération de Malaisie. (2) Précisons qu'outre ces trois régions, le Cameroun sous tutelle britannique était destiné à faire partie de la Fédération. Mais en vertu d'une résolution de l'Assemblée générale de l'O.N.U. de 1959, la décision sur le sort de ce territoire ne sera prise que d'ici deux ans. D'autre part, la ville de Lagos, capitale de la Fédération, est territoire fédéral. 206 l'indépendance de la Nigeria l'idée de l'unité nationale se heurte à des oppositions régionales qui sont en même temps des oppositions tribales. Celles-ci revêtent aussi une forme moderne: la vie publique de chaque région est dominée par un parti politique qui s'identifie avec un groupe tribal. Les oppositions ont également un caractère religieux et social : la région du Nord, la seule où la majorité de la population est musulmane (3) , a aussi gardé une structure sociale féodale qui s'est conservée grâce au régime de l'administration indirecte prônée par Lord Lugard. Aussi le Nord est-il beaucoup plus retardé que le reste du pays : il suffit de constater qu'à Lagos (324 000 habitants) le nombre d'enfants scolarisés dans les écoles secondaires est plus élevé que dans la région du Nord (17 714 000 habitants) . Il apparaît donc que l'administration britannique a été à la fois un facteur d'unité et de division (4) . C'est en 1914 que des institutions s'étendant à l'ensemble de la Nigeria sont créées. En 1922, est établi le Conseil Législatif dont la compétence couvre le Sud et ne s'étend au Nord qu'en matière financière. Il comprend une majorité officielle (émanation de l'administration) et quatre représentants élus à un suffrage très restreint par Lagos et Calabar. En fait, le Conseil Législatif joue un rôle minime et le Gouverneur possède de très larges pouvoirs. Il est assisté d'un Conseil Exécutif composé exclusivement de représentants de l'administration et auquel seront admis, en 1943 seulement, trois membres non officiels (5). En 1946 est introduite la Constitution Richards qui, dans l'esprit de son auteur, devait demeurer en vigueur au moins neuf ans. Cette Constitution était destinée à assurer une certaine unité en même temps qu'à exprimer la diversité du pays. Elle avait pour tâche de donner quelques satisfactions à l'opinion publique africaine, en offrant aux Africains de plus larges possibilités de participer à la discussion des affaires publiques. Elle refusait cependant de donner satisfaction aux revendications nationalistes tendant à une participation réelle à la gestion desdites affaires (6). Dans chaque région est créé un Conseil Législatif comprenant une majorité de membres africains non officiels désignés par les autorités traditionnelles indigènes. Ces Conseils sont consultatifs, mais possèdent des compétences délibératives en ce qui concerne le budget régional. La compétence réelle, ainsi attribuée aux régions, entraîne la création de Conseils Exécutifs régionaux composés, en majorité, de membres officiels. Le Conseil Législatif Central est habilité à prendre des décisions pour l'ensemble de la Nigeria. Ses membres non officiels constituent la majorité, mais ils sont désignés par (3) Dans la région de l'Ouest, il y a 2 201 000 chrétiens, 1 971 000 musulmans et 1 913 000 animistes; dans la région de l'Est respectivement 3 612 000, 23 000 et 3 580 000; dans le Nord, 547 000, 11 322 000 et 4 279 000. Nigeria, Report of the Commission appointed to enquire into the Fears of the Minorities, Cmnd. 505, 1958, pp. 11, 35, 54. (4) Cf. Coleman, Nigeria, Background to Nationalism, Berkeley, 1958, pp. 319 s.; aussi Awolowo, Path to Nigerian Freedom, London, 1947, pp. 47 s.; Proceedings of the General Conference on Review of the Constitution, Lagos, 1950, pp. 14 s., 69 s. (5) J. Wheare, The Nigerian Legislative Council, London, 1950, pp. 33 s. (6) Ibid., pp. 1 s., 168 s.; Coleman, op. cit., pp. 271 s. L'INDÉPENDANCE DE LA NIGERIA 207 le Gouverneur ou par les Conseils Législatifs régionaux (qui constituent ainsi un lien entre les autorités indigènes traditionnelles, d'une part, et le Conseil Législatif central, de l'autre). Comme par le passé, quatre membres seulement sont élus et toujours au suffrage restreint. Le Conseil exécutif central ne subit guère de changements. Aussi les mouvements nationalistes critiquent-ils âprement le refus d'admettre les Africains à participer aux décisions, le mode de désignation des membres des Conseils, les pouvoirs réservés au Gouverneur, et surtout le fait que la Constitution Richards a été imposée et n'a pas été discutée avec les Africains avant son adoption (7) . Cependant, dès 1948, les autorités britanniques sont amenées à envisager la révision de la Constitution de 1946. Cette fois- ci on consulte le pays au moyen d'une méthode originale. La discussion se déroule successivement dans les conseils de district, les conseils provinciaux, des conférences régionales, une conférence générale nigérienne et le Conseil Législatif Central. Les partis politiques sont donc laissés en dehors de cette consultation (8) . La nouvelle Constitution est introduite en 1951. Les Régions reçoivent des compétences énumérées, tandis que la Fédération dispose de pouvoirs résiduels. La Chambre des Représentants (le législatif fédéral) est élue par les Conseils Législatifs régionaux qui eux-mêmes sont élus par un système indirect. Le Conseil Exécutif Central comprend une majorité de ministres non officiels, désignés par chacun des Conseils Législatifs régionaux. Les ministres sont égaux en rang, ne sont pas responsables, même individuellement, devant la Chambre. Les affaires d'un département sont gérées par le Ministre, en collaboration avec un haut-fonctionnaire, les compétences respectives de chacun n'étant pas délimitées avec précision. Dans les Régions, les Conseils exécutifs comprennent une majorité de ministres désignés par le Conseil Législatif. La Constitution de 1951, malgré ses défauts, permet aux partis politiques de manifester leur force au moyen des élections aux Conseils Législatifs régionaux et à la Chambre des Représentants. En 1953-54, nouvelle avance obtenue par les trois partis politiques dominants (9). Une conférence constitutionnelle est convoquée dont le mandat est fixé par les trois partis en question et le Gouverneur. Participent à la conférence six délégués de chaque région (représentant les partis majoritaires et minoritaires), le Gouverneur et les représentants du Royaume-Uni, dont le Secrétaire aux Colonies (10) . La nouvelle Constitution établit une liste des compétences fédérales et une autre énumérant les compétences concurrentes. Les compétences résiduelles sont attribuées aux Régions. Celles-ci disposent de Législatures désignées par voie d'élections directes dans l'Est et l'Ouest (11) (7) Awolowo, op. cit., pp. 118 s. (8) V. Nicholson, West African Ferment, London, 1950, pp. 37-38. (9) Report by the Conference on the Nigerian Constitution, Cmd. 8934, 1953; Report by the Resumed Conference on the Nigerian Constitution, Cmd. 9059, 1954. (10) Cmd. 8934, pp. 3-4, 13-15. (11) L'Est adopte le suffrage universel et l'Ouest le suffrage de tous les contribuables adultes. 208 l'indépendance de la Nigeria et toujours par des élections indirectes dans le Nord. Les Exécutifs régionaux de l'Est et de l'Ouest comprennent uniquement des ministres désignés à la demande du Premier Ministre. Le Conseil des Ministres est présidé par le Gouverneur de la Région et le principe de la responsabilité collective du Cabinet est admis. Au Centre, les élections législatives sont désormais directes et distinctes de celles qui uploads/Geographie/ le-nigeria-en-marche-vers-la-democratie.pdf

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