REGARD Magazine francophone de Roumanie SOCIETE Vacances tumultueuses à Mamaia

REGARD Magazine francophone de Roumanie SOCIETE Vacances tumultueuses à Mamaia ECONOMIE Un peu plus d’IDE CULTURE Les trésors de l’Académie roumaine Regard 61 / 15 juillet - 15 octobre 2013 / 10 lei VOYAGE EN ARCHITECTURE PELICAM Majestueux. Quand au bout du Delta, le Danube rejoint la mer Noire. Confrontation effervescente ou retrouvailles joyeuses ? Le spectacle est assourdis­ sant, aveuglant. Autour, rien, ou plutôt tout : champs de roseaux, familles de pélicans, sur une étendue plane sans fin où se côtoient des centaines d’espèces d’oiseaux. A quelques centimètres d’une vie aquati­ que insoupçonnée. Le pêcheur a légèrement ensablé sa petite barque, environ deux cents mètres avant l’effusion du fleuve, magnifiquement noire. Je peux marcher, l’eau sensuelle embrassant mes chevilles, étourdi par tant de beauté. Retour sur terre, à Sfântu Gheorghe, avant de prendre le bateau pour Tulcea où, en ce début du mois de juin, commence Pelicam, le festival du film sur l’environnement et les hom­ mes. Trois jours de rencontres, de films, de fêtes, de concerts. Trois jours d’émotions, et de réflexions. Images et témoignages troublants, on sort souvent touché de la grande salle du centre culturel Jean Bart. Même si un ou deux documentaires auront été trop engagés pour vraiment convaincre. Les participants au festival, réalisateurs, journalistes, étudiants, asso­ ciatifs, professeurs, politiques, entrepreneurs, venus de Roumanie ou d’ailleurs, montrent une même envie de s’intéresser, de faire le point. Mais il ne s’agissait pas seulement d’alarmer une nouvelle fois sur les dangers qui menacent la planète. La sélection judicieuse des films allait au-delà. Pelicam est aussi une grande rencontre pour parler de l’homme, des rapports merveilleux qu’il peut avoir avec son envi­ ronnement, de sa sensibilité extrême, parfois. Et de la force de la nature, au final imperceptible. Certes, de façon générale, « pourquoi les hommes adorent-ils davantage les chimères abstraites que la beauté des cristaux de neige ? » interroge l’auteur français Sylvain Tesson (Dans les forêts de Sibérie, Gallimard, 2011). Peut-être qu’un jour la contemplation simple sera mieux considérée, peut-être qu’un jour les cristaux de neige n’auront effectivement pas de prix. Comme la seule vision du Danube rejoignant la mer Noire. Laurent Couderc Regard 60 15 juillet - 15 octobre 2013 REGARD Magazine francophone de Roumanie SOCIETE Vacances tumultueuses à Mamaia ECONOMIE Un peu plus d’IDE CULTURE Les trésors de l’Académie roumaine Regard 61 / 15 juillet - 15 octobre 2013 / 10 lei Voyage en architecture ISSN 1843 - 7567 Illustration de couverture : Sorina Vasilescu (dessin) et Paul Pierret (photo, palais Cantacuzino à Floreşti, Prahova) RENCONTRE Radu Paraschivescu 4 SOCIETE Vacances tumultueuses à Mamaia 8 Régionalisation : l’effort incontournable 14 Tout beau et flambant neuf 18 A LA UNE Voyage en architecture  20 ECONOMIE Un peu plus d’IDE 40 Marche à l’ombre 44 Vert d’inquiétude 46 CULTURE Les trésors de l’Académie roumaine 54 Stănescu, poète génial 56 Accent roumain à Douarnenez 63 CHRONIQUES Isabelle Wesselingh 17 Nicolas Don  19 Michael Schroeder 52 Matei Martin 64 Luca Niculescu 70 3 SOMMAIRE Il a rapidement accepté l’entretien, disponible et très aimable au téléphone. Seule exigence : se rencontrer dans un endroit frais, Radu Paraschivescu supportant mal la chaleur. Nous avons donc trouvé une terrasse ombragée où converser tranquillement. Et ce fut un plaisir. Radu Paraschivescu est un écrivain délicieux à écouter, son regard sur ce qui l’entoure est d’une sensibilité rare. D’une voix douce, il a répondu à nos questions avec sincérité et sans ambages. 5 RENCONTRE Regard : Vous sentez-vous mieux aujourd’hui qu’il y a quelques années ? Radu Paraschivescu : Cela dépend de ce que vous entendez par quelques an­ nées. Je me sens plus ou moins pareil qu’il y a cinq ans, beaucoup mieux qu’il y a 15 ans, et incomparablement mieux qu’il y a 25 ans. Personnellement et professionnellement, rien de particu­ lier ne s’est passé récemment, d’autant que ce que je fais, ce que j’écris, n’a pas grand-chose à voir avec les événe­ ments de l’actualité quotidienne. De toute façon, je ne me sens pas suffi­ samment préparé pour m’exprimer sur la politique, l’économie ou la finance. J’ai connu des joies, des moments de mélancolie, de stupeur, comme tout le monde. Et en général, je ne peux pas me plaindre, ce serait hypocrite de ma part. Que vous dire d’autre… j’ai du diabète, mais cela semble s’être stabi­ lisé, j’ai notamment réussi à vaincre ma passion pour les gâteaux.­ Comment comprenez-vous cette nos­­ talgie que certains Roumains entre­ tiennent avec la période communiste ? Je crois que la nostalgie est liée à l’âge. On peut regretter sa jeunesse, ou un amour que l’on a vécu pendant cette période. D’autres sont prisonniers de certitudes liées au régime communiste, ils sont restés d’une certaine façon endoctrinés. Enfin il y a une caste qui a perdu ses privilèges, une position sociale. Quoi qu’il en soit, je peux comprendre ce sentiment de nostalgie, le temps rend les mauvais souvenirs acceptables. Un exemple, j’ai détesté le service militaire, mais aujourd’hui je me rappelle surtout des moments très joyeux de cette parenthèse dans ma vie. J’ai même publié un livre sur mes souvenirs de caserne, plutôt comique. Cela aurait été impossible au moment où je faisais mon armée, il me semblait alors que le temps ne passait pas, que j’avais été condamné. Après plus de 30 ans, on regarde tout cela différem­ ment. A 50, 60 ans, on regrette sa jeu­ nesse. Cette nostalgie à laquelle vous faites allusion est, selon moi, surtout liée au temps qui passe. Ceci étant, pour les plus démunis d’aujourd’hui, la nostalgie se base sur des éléments concrets, elle est en quelque sorte plus authentique. Avant, il n’y avait pas de chômage, tout le monde travaillait, ou plutôt simulait le travail. Et les syndi­ cats donnaient des oranges aux enfants pour Noël. Plus généralement, il y a ce fatalisme qui nous poursuit, de tout temps, on n’arrête pas de se sous-es­ timer. Alors que lorsqu’on regarde la Roumanie de 1991, juste après la chute du communisme, face à celle de 2013, on ne peut que remarquer son évolu­ tion, tous les changements qui se sont produits. Ceux qui disent le contraire sont de mauvaise foi. « Je me sens plus ou moins pareil qu’il y a cinq ans, beaucoup mieux qu’il y a 15 ans, et incomparablement mieux qu’il y a 25 ans »­ Qu’est-ce que vous aimez en Rouma­ nie ? J’aime ce pays d’abord parce que c’est d’ici que je viens. J’ai passé mon enfance dans le Banat avant de venir à Bucarest. Plusieurs fois j’ai voulu quitter la Roumanie, sans pouvoir. Et aujourd’hui, quand je voyage, en France, en Italie ou en Espagne, avec un plaisir immense, je me rends compte que je ne pourrais pas vivre ailleurs qu’ici. J’aime cette dose d’inso­ Romancier, traducteur, chroniqueur et également éditeur chez Humanitas, Radu Paraschivescu (52 ans) est une figure des lettres roumaines. Sa sensibilité, son humilité et surtout son humour font qu’il jouit d’une place à part dans le petit monde intellectuel bucarestois. Son dernier livre, Astăzi este mâinele de care te-ai temut ieri (Aujourd’hui est le futur que tu as craint hier), publié en 2012, transporte le lecteur dans le temps et l’espace, de l’Irlande à l’Australie, une quête de liberté qui traite aussi de la souffrance, la solidarité, le succès, l’échec... Rencontre avec un homme brillant et drôle qui parle ici de son pays, de l’Europe, et d’autres choses. ECRIVAIN, À L’HUMOUR TENDRE 6 RENCONTRE lite qui subsiste au quotidien, que tout peut arriver à n’importe quel moment, et aussi le caractère intemporel de ce pays. Mais comme je le disais précé­ demment, je ressens avant tout un lien fort, quelque chose qui fait que je ne pourrais pas partir. Et ce qui vous déplait ? Je ne supporte pas quand certains parlent trop fort, dans la rue, dans le métro, où que ce soit. La pollution so­ nore atteint souvent un seuil inaccep­ table, je considère que c’est une forme d’invasion, inconsciente peut-être, mais c’en est une. Et cela ne va pas en s’arrangeant, malheureusement. Autre chose… Beaucoup de Roumains ne savent pas dire « merci », ou « s’il vous plait » ; c’est également insupportable. Ou dans un restaurant, il n’est pas rare d’entendre un jeune client tutoyer directement un serveur qui est de 40 ans son aîné, quel manque d’éduca­ tion. Et de façon globale, je dirai que ce qui ne me plait pas en Roumanie est que nous ne terminons jamais ce que nous commençons. Nous sommes spécialistes en projets non finis, ou qui ont échoué. Les éditions Humanitas où vous travaillez ont récemment édité un livre qui connaît un grand succès, De ce este România altfel ? (Pourquoi la Roumanie est-elle différente ?), de l’historien Lucian Boia. Un livre très intéressant qui explique précisément pourquoi le pays souffre toujours de certains comportements, de ces maux dont vous venez de parler. Mais il est aussi critiqué pour être un peu trop dur… Je suis plutôt d’accord avec le livre de Lucian uploads/Geographie/ regard-no6-magasine-francophone-de-roumanie.pdf

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