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Fuat Sezgin L A D É C O U V E R T E D U C O N T I N E N T A M E R I C A I N P A

Fuat Sezgin L A D É C O U V E R T E D U C O N T I N E N T A M E R I C A I N P A R D E S M A R I N S M U S U L M A N S A V A N T C H R I S T O P H E C O L O M B Extrait de G E S C H I C H T E D E S A R A B I S C H E N S C H R I F T T U M S p a r Fuat Sezgin Volume XIII (Francfort sur le Main, 2007) 2012 Institut für Geschichte der Arabisch-Islamischen Wissenschaften an der Johann Wolfgang Goethe-Universität Francfort am Main www.uni-frankfurt.de/fb13/igaiw L A D É C O U V E R T E D U C O N T I N E N T A M É R I C A I N 2 L A D É C O U V E R T E D U C O N T I N E N T A M E R I C A I N P A R D E S M A R I N S M U S U L M A N S A V A N T C H R I S T O P H E C O L O M B Fuat Sezgin La question concernant la possibilité de la découverte antérieure à Colomb du quatrième et éventuellement même aus si du cinquième continent de notre terre a déjà occupé de nombreux esprits dans la deuxième moitié du xxe s., et elle est aujourd’hui encore d’actualité. L’intérêt suscité par cette question a considéra blement augmenté, particulièrement au cours des dernières années, depuis la parution, en 2002, du livre 1421. The Year China Discovered The World 1, par Gavin Menzies. Il en existe, depuis 2004, une traduction allemande.2 L’auteur, un commandant de sous- marin retraité, déclare certes que son livre s’adresse à un large public, et non à un public savant. Mais cette déclaration modeste est en contradiction avec l’atti tude caractéristique avec laquelle il se pose dans son livre en soi-disant expert pionnier de l’histoire de la cartographie. Selon Menzies, c’est une carte pro venant de la collection de Sir Thomas Phillips, dans la Bibliothèque James Ford Bell au Minnesota, qui a parti culièrement attiré son attention. Elle porte le nom du cartographe vénitien Zuane Pizzigano et est datée de 1424. Ce qui intéresse Menzies3 particuliè rement sur cette carte est l’apparition d’un groupe de quatre îles dans l’Ouest de l’Atlantique qui ont pour nom Sata nazes, Antilia, Saya et Ymana. Il ac quiert la conviction que Antilia et Sata nazes correspondent aux îles Caraïbes de Porto Rico et Guadeloupe. «... Or cela signifierait que quelques soixante- dix ans avant que Christophe Colomb n’eut atteint les Caraïbes, quelqu’un avait minutieusement exploré ces îles.» Au cours de ses recherches, Menzies est fermement convaincu d’avoir trouvé une preuve inébranlable en faveur du fait que quelque 70 ans avant Christophe Colomb quelqu’un a effectivement at teint les Caraïbes et y aurait fondé une colonie. Il se demanda alors s’il pouvait s’agir des Portugais, mais trouva cette hypothèse improbable.4 Il convient de noter que, en dehors du fait que l’apparition de l’archipel en question a été discutée depuis envi ron 200 ans, ce fut le savant Armando Cortesão qui découvrit la carte de Zuane Pizzigano datant de 1424 et qui, dans son livre, The Nautical Charts of 1424 and the Early Discovery and Cartogra phical Representation of America. A Stu 1 Bantam Press, London – New York – Toronto – Sidney – Auckland. 2 1421. Als China die Welt entdeckte, trad. par Sigrid Langhaeuser et Helga Migura, Munich, Knaur Verlag. Trad. franç.: 1421, l’année où la Chine a découvert l’Amérique, trad. par Julie Sauvage, Pari, ed. Intervalles, 2007. 3 1421. The Year China Discovered The World, op. cit., 29-31, trad. all., p. 15. 4 Id., p. 31, trad. all., p. 15. P A R D E S M A R I N S M U S U L M A N S A V A N T C H R I S T O P H E C O L O M B . 3 dy on History of Early Navigation and Cartography (Coimbra, 1954)», publié en 1954, fut le premier à exprimer l’opi nion selon laquelle ce furent des marins portugais qui apportèrent en Europe la connaissance des îles Caraïbe et peut- être aussi du continent américain avant 1424.5 Cette opinion, entretenue et défen due par Cortesão, dans son livre History of Portuguese Cartography,6 a déclenché un vaste débat. Menzies a assurément pu en avoir eu connaissance au plus tard par la contribution de Tony Campbell dans History of Cartography.7 D’autres réflexions et recherches ont toutefois convaincu Menzies que les Por tugais étaient loin d’être les premiers explorateurs des îles Caraïbes:8 «Ils [les explorateurs] devaient être d’habiles connaisseurs de la navigation astronomique et avoir développé une méthode pour déterminer la longitude géographique leur permettant de tracer des cartes dont les longitudes ne pré sentent que des erreurs négligeables.»9 «A cette époque, il n’y avait qu’un seul pays possédant les moyens maté riels, les connaissances scientifiques et l’expérience nautique nécessaires pour entreprendre un voyage d’exploration d’une telle envergure. Ce pays était Chine — mais l’idée de devoir fournir la preuve irréfutable en faveur de la thèse disant qu’une flotte chinoise avait ex ploré le monde bien avant que les Euro péens se soient mis en route, me faisait peur.»10 Telle est l’opinion de Menzies. Au cours d’autres recherches non spécifiées, Menzies «découvre» «que plu sieurs flottes chinoises avaient effecti vement entrepris des voyages d’explora tion. La dernière et la plus grande de ces flottes — quatre flottes s’étaient formées en une armada — avait mis les voiles au début de l’an 1421. Les derniers navires ayant survécu au voyage retournèrent en Chine en été et en automne 1423. Il n’y a pas de récit précis révélant où ils ont été durant les années qui se sont écoulées entre ces deux dates. Mais les cartes prouvaient qu’ils n’avaient pas seulement doublé le Cap de Bonne Es pérance, traversé l’Atlantique et carto graphié les îles que j’avais vues sur la carte de Pizzigano, datant de 1424; ils avaient ensuite exploré l’Antarctique et l’Arctique, l’Amérique du nord et du sud et avait navigué vers l’Australie en tra versant le Pacifique. Ils avaient résout le problème du calcul de la latitude et de la longitude géographique, et avaient cartographié la terre et le ciel avec la même précision.»11 Sans vouloir aborder ici la question de savoir si Menzies attribue à juste titre aux Chinois lesdites réalisations (sur 5 The Nautical Charts of 1424,op. cit., 109. 6 vol. II, Coimbra 1971, p. 125-139. "The more I study the subject, taking into consideration the various criticisms of my book of 1954, the more convinced I am that the Antilla group of Islands in Zuane Pizzigano’s chart of 1424 represents for the ﬁrst time some undetermined American land sigh ted during an unknown Portugese voyage to the western Atlantic" (p. 139). 7 I, 1987, p. 371-458, en partic. 410-411; la con tribution de Campbell est intitulée: Portolan Charts from the Late Thirteenth Century to 1500. 8 1421. The Year China Discovered The World, op. cit., 31, trad. all., p. 16. 9 Id., p. 33, retraduit, v. trad. all. p. 17. 10 Id., p. 34, trad. all., p. 19. 11 Id., p. 36-37, d’après la trad. all., p. 21-22. L A D É C O U V E R T E D U C O N T I N E N T A M É R I C A I N 4 cela voir plus tard en détail), il convient d’abord de dire qu’il s’agit des sept ex péditions militaires, envoyées par l’Em pereur Chéng Zi (nom de règne: Yong Lè), dans le premier quart du 15e siècle, chez les peuples «barbares de l’Occident» dans le but d’établir ou de renouveler avec eux des relations diplomatiques et de réclamer un tribut. Ces expéditions navales, qui eurent lieu entre 1405 et 1433, sont documen tées en détail dans la littérature chinoise. Les trois plus anciens récits connus sur les expéditions ont été rédigés par les survivants de ces expéditions eux- mêmes. Parmi eux se trouvait Mă Hu®n, un musulman connaissant l’arabe, dont l’ouvrage porte le titre: Yíng Yaí Shèng Lăn («Enquête exhaustive sur les côtes de l’Océan») au contenu essentiellement scientifique.12 La sinologie s’occupe de puis la seconde moitié du 19e siècle siècle de l’analyse de ces textes. Les sources conservées nous informent clairement et presque sans lacunes sur les routes empruntées par les flottes et leurs ports de destination dans 36 pays tout autour de l’océan Indien, au sud de Bornéo, à Timor oriental et à Zanzibar, mais qui ne vont pas jusqu’à Madagascar et en uploads/Geographie/ sezgin-francais.pdf