Le Discours décliniste en France Author(s): Stéphane Spoiden Source: The French
Le Discours décliniste en France Author(s): Stéphane Spoiden Source: The French Review, Vol. 84, No. 1 (October 2010), pp. 68-80 Published by: American Association of Teachers of French Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25758335 Accessed: 27-04-2016 10:55 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. American Association of Teachers of French is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to The French Review This content downloaded from 193.48.45.27 on Wed, 27 Apr 2016 10:55:08 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms The French Review, Vol. 84, No. 1, October 2010 Printed in U.S.A. Le Discours decliniste en France par Stephane Spoiden Tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique. Charles Peguy Le declinisme en France a une longue histoire ponctuee d'acces de fievre aigue dont le dernier en date remonte a 2003 avec la parution de Pouvrage intitule La Trance qui tombe de Nicolas Baverez1. Si Pon cherche a dormer une definition du declinisme, il faut commencer par dire qu'il etablit invariablement un diagnostic critique accablant sur l'etat general? economique, politique, social?de la France avec comme corollaire la conviction d'un rayonnement diminue sur la scene internationale. La perception du declin de la France est le plus souvent decretee et soutenue par des exercices de comparaison avec d'autres pays economiquement plus importants et/ou militairement plus puissants, comme PAllemagne ou les Etats-Unis. Ces comparaisons inspirent aux observateurs des sentiments d'envie, de complexe d'inferiorite ou de superiority, de perte d'estime de soi et autres conjectures d'ordre psy chologique. Mais sans doute n'est-ce pas l'endroit ici de se risquer a une tentative de socio-psychanalyse, meme si la theorie de la critique culrurelle n'a a ce jour pas encore su faire la place que merite ce type d'eclairage dans les affaires sociopolitiques. Deux manieres classiques d'aborder le phenomene de declinisme sont a envisager: par le fond et par la forme. L'approche sur le fond con siste a analyser les faits, y compris les statistiques, et de voir si oui ou non le sentiment de declin est confirme par une realite tangible et chiffrable; l'approche par la forme, en revanche, consiste a considerer le phenomene comme discours, avec sa genealogie, son ordre, pour reprendre des termes foucaldiens un peu oublies. Dans cet essai, les deux approches seront utilisees a la fois, sans ordre particulier et suivant l'interet de l'argumenta tion, d'abord afin de definir les contours rhetoriques et les ressorts du 68 This content downloaded from 193.48.45.27 on Wed, 27 Apr 2016 10:55:08 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Le Discours decliniste 69 discours decliniste tels qu'ils apparaissent dans divers ouvrages et les medias de masse; ensuite, la question de savoir si la France est bel et bien en declin sera abordee; et, enfin, une conclusion sur les fins politiques du discours decliniste sera suggeree. Tout d'abord, il parait primordial de tordre le cou a une fausse per spective historique qui sous-tend de nombreux commentaires declinistes. Pour repondre a la question "La France est-elle en declin?", de nombreux observateurs commencent par faire une comparaison de l'importance de la France dans le monde a differentes dates de l'histoire. Ils se posent, par exemple, la question: est-ce que la France d'aujourd'hui est plus importante qu'en 1940 ou en 1900, ou encore, disons, en 1700? II s'agit d'une fagon simpliste et en fin de compte fallacieuse de proceder. II est sur que la France jouit d'un rayonnement reduit par rapport a l'epoque de Louis XIV ou durant les annees du colonialisme. Mais quels sont au juste les criteres appliques a ce jeu de comparaison? Au tournant du dix-huitieme siecle, la France etait la plus grande puissance d'Europe, alors qu'elle n'est plus aujourd'hui qu'un pays d'importance globale moyenne. Cependant, une stricte comparaison dans la diachronie ne resiste pas a une analyse qui prend en compte les moyens et ressorts, souvent contestables, du rayonnement trop sommairement defini. La France d'aujourd'hui n'a rien a envier a la puissance dont jouissait la France coloniale au tournant du vingtieme siecle, etant donne que ce type de puissance reposait sur des valeurs et pratiques morales inacceptables aujourd'hui. Poussee a l'extreme, cette fausse vision historique pourrait amener un citoyen alle mand d'aujourd'hui a decreter et regretter que son pays soit en declin par rapport au Troisieme Reich. On voit tout de suite le danger et l'absurdite d'un tel raisonnement. Une comparaison historique fondee sur des criteres de Realpolitik, ancres dans des positions immuables de strict interet national sans egard aucun a des considerations ethiques (peu importe les moyens pourvu que la France tienne son rang), releve egalement d'une approche problematique, tant du point de vue moral que diplomatique dans un monde de plus en plus interdependant. On pourrait retorquer que la puissance d'une nation doit alors s'exprimer dans le cadre des criteres acceptes d'une epoque. Mais a ce jour, les nations ne se sont jamais mises en accord complet sur un modele de references, meme pas au niveau economique ou le calcul du produit national brut, le critere le plus general, varie largement d'un pays a l'autre, ainsi que dans le temps, et se voit de plus en plus conteste comme indicateur de richesse2. A ce propos, il faut egalement considerer un autre aspect du contexte actuel: la montee en puissance de continents et nations autrefois sous developpes. Les declinistes font volontiers remarquer que la France a perdu en 2007 deux places (de numero quatre a numero six) au classement mondial du produit interieur brut3. Quoi de plus normal, par exemple, qu'un pays d'un milliard trois cents millions d'habitants comme la Chine This content downloaded from 193.48.45.27 on Wed, 27 Apr 2016 10:55:08 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 70 FRENCH REVIEW 84.1 depasse la France dans le contexte actuel de mondialisation economique? L'etat d'un pays doit ainsi s'evaluer dans la synchronie selon les contours et les dynamiques du contexte international de l'epoque, et selon son role par rapport a des pays de meme importance (demographie, superficie). Est-ce que le pays tient sa place? On a souvent fait remarquer que la France cherche encore et toujours a boxer dans une categorie superieure a la sienne. Si c'est le cas, peut-etre devrait-elle integrer la classe relative a son poids? Car pendant trop longtemps elle aurait officie dans une categorie qui ne lui appartenait pas. Cela veut-il dire que la France est en declin? Loin s'en faut! Outre le fait qu'il n'y a peut-etre plus de classifications par poids qui vaillent, soumettons alors la proposition suivante. Est-il possible de comparer la France, disons, de 1900 a celle de 2000 quand celle-ci est imbriquee dans TUnion europeenne? Quel est alors le poids reel de la France? Le monde a evolue et s'est diversifie d'une telle fagon que faire partie d'une Union europeenne en paix autour de Tan 2000 dans le monde globalise qui est le notre est certainement preferable au statut d'une nation dominante en 1900 dans un contexte europeen d'equilibre instable des forces et de politique de puissance. Et par ailleurs, le calcul de la puissance, ses definitions changeantes et les moyens d'agir varient selon le contexte historique, rendent l'exercice de comparaison difficile et, en fin de compte, improductif (on cite souvent aujourd'hui la notion de "soft power" introduite par Joseph Nye en 1990; ou encore le "transforma tional power" en ce qui concerne l'Union europeenne). Comme breve illustration, il suffit d'evoquer la guerre en Irak pour immediatement comprendre que la puissance traditionnelle, le "hard power" militaire, possede egalement des limites, et que la capacite d'attraction et de trans formation developpee par TUnion europeenne pourrait bien emerger au vingt-et-unieme siecle comme la veritable mesure du pouvoir, ou du moins Tune d'entre elles4. Le discours decliniste en France a en effet une tres longue histoire qui, pour sa periode moderne, remonte a la crise de 1870 et la defaite face a la Prusse. La debacle de 1870-71 va en effet engendrer divers senti ments de peur et d'inferiorite, mais aussi de revanche, vis-a-vis de FAUemagne, nouvellement unifiee aux depens de la France. L'idee de crise de civilisation, qui s'etendra par ailleurs a PEurope entiere avec la Premiere Guerre mondiale5, va rapidement s'installer en France et creer une sensation de malaise qui ne disparaitra que durant les Trente Glorieuses avec la reconcialition orchestree par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Cependant, a observer le socle theorique et analytique du recent corpus decliniste, et comme le suggere Ezra Suleiman dans son ouvrage Les Ressorts caches de la reussite frangaise, il apparait que ce soit une grille de lecture tiree des ouvrages de Tocqueville qui semble ici a Poeuvre. Suleiman affirme que les deux ouvrages principaux de Tocqueville, sur This content downloaded from 193.48.45.27 on Wed, 27 Apr 2016 10:55:08 uploads/Geographie/ stephane-spoden-le-discours-decliniste-en-france.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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