Ode à Metz, de Paul Verlaine (1892) […] O Metz, mon berceau fatidique, Metz, vi

Ode à Metz, de Paul Verlaine (1892) […] O Metz, mon berceau fatidique, Metz, violée et plus pudique Et plus pucelle que jamais ! O ville où riait mon enfance, O citadelle sans défense Qu’un chef de la honte devance. O mère auguste que j’aimais. […] Metz aux campagnes magnifiques, Rivières aux ondes prolifiques, Coteaux boisés, vignes de feu, Cathédrale toute en volute, Où le vent chante sur la flûte Et qui lui répond par la Mute, Cette grosse voix du Bon Dieu ! […] Patiente encor, bonne ville : On pense à toi. Reste tranquille. On pense à toi, rien ne se perd. […] Mute, joins à la générale Ton tocsin, rumeur sépulcrale, Prophétise à ces lourds bandits Leur déroute absolue, entière Bien au-delà de la frontière, Que suivra la volée altière Des Te Deum enfin redits ! Paul Verlaine Mutte : grosse cloche de la cathédrale Saint-Étienne de Metz, dans la tour de la Mutte (93 m à la flèche). Elle « ameutait » la population. QUATRE REGARDS SUR NANCY « Nancy, cette ville si forte, chef-d’œuvre de Vauban, parut abominable à Lucien. La saleté, la pauvreté semblaient s’en disputer tous les aspects et les physionomies des habitants répondaient parfaitement à la tristesse des bâtiments. […] Les rues étroites, mal pavées, remplies d’angles et de recoins, n’avait rien de remarquable qu’une malpropreté abominable ; au milieu coulait un ruisseau d’eau boueuse, qui lui parut une décoction d’ardoise. » Lucien Leuwen / Stendhal.- S.l., SERCAP, [s.d.]. pp.36-37 « Il faut chercher Nancy, très loin, et l’attendre sous la pluie. Elle ne vient pas toujours, et comme les coquettes, préfère le désir qu’on a d’elle à la présence de l’amant. Nancy-la- Coquette. Il y en a qui s’étonnent de son nom, et parce qu’un trottoir est sale se ridiculisent d’indignation. Au vrai, ceux-là n’aiment pas Nancy.[…] » Texte de Jean Borella [philosophe né en 1930] in : Nancy Royale et familière.- Paris, Itinéraires Esquisse, 1957 Nancy, comme Toul, est dans une vallée mais dans une large et opulente vallée. La ville a peu d’aspect : les clochers de la Cathédrale sont des poivrières pompadour. Cependant, je me suis réconcilié avec Nancy, d’abord parce que j’y ai dîné, et j’avais grand faim ; ensuite parce que la place de l’Hôtel de Ville est une des places rococo les plus jolies, les plus gaies et les plus complètes que j’ai vues […] : des fontaines en rocaille, des bosquets d’arbres taillés et façonnés, des grilles de fer épaisses, dorées et ouvragées, une statue du roi Stanislas, un arc de Triomphe d’un style tourmenté et amusant, des façades nobles, élégantes, bien liées entre elles et disposées selon des angles intelligents. […] C’est une place marquise. Victor Hugo, Le Rhin « Nous terminions notre périple sous les arbres taillés qui bordaient la place de la République. Au centre de celle-ci, la statue verdâtre d’un homme en redingote accueillait les merdes de pigeons avec sérénité de bronze. Grand-père m’expliqua un jour qu’il s’agissait de Monsieur Thiers, un des plus fabuleux bouchers du siècle précédent, et que sa statue n’était pas là pour honorer sa mémoire, mais pour que les oiseaux de leurs fientes vengent toutes les créatures qu’il avait jadis assassinées. La forme de la Grande ville a changé aussi vite que mon cœur de mortel : on a coupé les arbres, lissé la place, déboulonné la statue. Sans doute dort-elle dans quelque hangar municipal, entre trois poilus de fonte hors d’usage, deux lampadaires rouillés et les vestiges d’antiques vespasiennes. Les pigeons ont trouvé d’autres lieux d’aisance que le crâne de Thiers, et les cadavres fantômes des derniers Communards ont fini par dévorer l’ombre du petit homme. » Le Café de l’Excelsior / Philippe Claudel.- Nancy : La Dragonne, 1999. pp.71-72 DEUX TOURISTES À PLOMBIÈRES-LES-BAINS : MONTAIGNE ET VOLTAIRE Nous entrâmes [à Plombières] le vendredi 16e de Septembre 1580 à deux heures après midi. Ce lieu est assis aux confins de la Lorraine et de l’Allemagne dans une fondrière, entre plusieurs collines hautes et coupées, qui le serrent de tous côtés. Au fond de cette vallée naissent plusieurs fontaines tant froides naturelles, que chaudes : l’eau chaude n’a nulle senteur ni goût, et est chaude tout ce qui s’en peu souffrir au boire, de façon que M. de Montaigne était contraint de la remuer de verre à autre. Il y en a deux seulement de quoi on boit. Celle qui tourne le cul à l’orient et qui produit le bain qu’ils appellent le bain de la reine, laisse en la bouche quelque goût doux comme de réglisse […]. L’autre qui sourd du pied de la montagne opposite, de quoi M. de Montaigne ne but qu’un seul jour, a un peu d’âpreté […]. La façon du pays, c’est seulement de se baigner deux ou trois fois le jour. Aucuns prennent leur repas au bain, où ils se font communément ventouser et scarifier, et ne s’en servent qu’après s’être purgés. S’ils boivent, c’est un verre ou deux dans le bain. Ils trouvaient étrange la façon de M. de Montaigne, qui sans médecine précédente en buvait neuf verres […]. Nous vîmes des hommes guéris d’ulcères, et d’autres de rougeurs par le corps. La coutume est d’y être pour le moins un mois. . MONTAIGNE. Journal de voyage. Paris : Edition Arléa, 1992, pp. 14 (Plombières en Lorraine le 12 Juillet 1729.) Du fond de cet antre pierreux Entre deux montagnes cornues, Sous un ciel noir et pluvieux Où les tonnerres orageux Sont portés sur d'épaisses nues, Près d'un bain chaud toujours crotté, Plein d'une eau qui fume et bouillonne Où tout malade empaqueté Et tout hypocondre entêté Qui de son mal toujours raisonne, Se baigne, s'enfume, et se donne La question pour la santé. De cet antre où je vois venir D'impotentes sempiternelles Qui toutes pensent rajeunir, Un petit nombre de pucelles, Mais un beaucoup plus grand de celles Qui voudraient le redevenir, […] De ces lieux où l'ennui foisonne J'ose encore écrire à Paris. [...] Voltaire. Correspondances. Paris : Éditions Gallimard, 1977, pp. 241-242 Bibliographie : Voltaire séjourne à plusieurs reprises en Lorraine, à Lunéville, Plombières et à Senones. En 1754 il reste durant plusieurs semaines à Senones où il utilise les ressources de la bibliothèque afin de travailler à son Histoire universelle. Les Plombinois seront contents. Le Langage vosgien, Par Charles Charton Écoutons-la du reste : « Au fond de nos vallées La foudre a resombé (1) ; les brebis affolées Voisent (2) à l'aventure ; à la quicque (3) d'un pin L'oiseau s'effraie et pinche (4) ; au-dessous le lapin Rebeule (5) ses gros yeux, se cache et fait la boule.  Quel est ce vieux becquey (6) qui lentement aboule (7) ? Quelle peute (8) figure ! On dirait un camant (9) Décorant d'un bicqui (10) son grossier vêtement. […]  Joyeux enfants, jouez, mais d'une main prudente, A la guiche (16) qui saute, au pavé qui redente (17), A la chique (18) qui roule, à la pidole (19) aussi : La quiche (20) vous attend dans une heure d'ici. La quiche cuite au four et non à la coquotte (21), Plaira même au néreux (22) qui sagement fricotte (23). Le galafre (24) la croque en humant le breulà (25) ; Il se brindesingue (26) et l'image de cula (27) Voltige sous ses yeux et l'embarlificote (28).  Traçons d'autres portraits. Le tauniat (29) tasticote (30), Au lieu de travailler le noviant (31) s'endort, Le fiarant (32) fignole (33) enchanté de son sort, Le mordat (34) est si laid qu'il fait sauver les filles, Craignant de se piquer la mignotte (35) aux aiguilles Ose à peine toucher, et la mane (36) à son tour Fait rarement tourner les fuseaux ou le tour.  Pouvoir au cabaret licher (37) toute sa vie Voilà du brelaudeur(38) la glorieuse envie. Laissons le s'empapher (39) et gigottons aux champs. Le temps est pur, clarteux (40). Les oiseaux par leurs chants Proclament le retour de leur saison chérie. L'herbe rebique (41). L'eau trisse(42) dans la prairie Où bondit le godin (43). Le boudion (44) aux fleurs Accourt en bourdonnant comparer ses couleurs.  Le gaviant (45) limaçon et la voite (46) chenille, Sous des brins de rameau que le vent éparpille, Pour n'être point fralés (47), recherchent un abri. On rondie (48) à la ville, on gible (49), on jette un cri Lorsque, noir comme un crau (50), le racmicmicque (51) entonne Sur le toit des maisons le chant de la baronne. […] ).  Mais je m'arrête ici, car j'éprouve la teusse (56) D’endormir l'auditeur et de faire chabeusse (57). 1) A retenti. 2) Fuyant. ; 3) A la cime. 4) Crie. 5) Roule.  6) Boiteux. 7) Avance. 8) Laide. 9) Mendiant. 10) Pan de chemise.  16) Morceau de bois pointu. 17) Rebondit. 18) Bille. 19) Toupie 20) Galette. 21) Ustensile de cuisine. 22) Puant. 23) Mange. 24) Glouton. 25) eau-de-vie. 26) S'enivre. 27) Feu follet. 28) L'entortille.  29) Patelin. 30) Tâtonne. 31) Indolent. 32) uploads/Geographie/ textes-lorraine-et-vosges.pdf

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