Couverture Titre TERRE HUMAINE CIVILISATIONS ET SOCIÉTÉS COLLECTION D’ÉTUDES ET
Couverture Titre TERRE HUMAINE CIVILISATIONS ET SOCIÉTÉS COLLECTION D’ÉTUDES ET DE TÉMOIGNAGES DIRIGÉE PAR JEAN MALAURIE LE DÉSERT DES DÉSERTS Avec les Bédouins, derniers nomades de l’Arabie du Sud par Wilfred THESIGER Avec 32 photographies hors texte de l’auteur, 8 cartes in texte et un index Traduction de Michèle Bouchet-Forner © Wilfred Thesiger, 1959 pour la traduction française, Plon, 1978. INTRODUCTION Jamais, lors des années passées en Arabie, je n’aurais imaginé que j’en entreprendrais un jour le récit. S’il en avait été ainsi, j’aurais pris des notes plus nombreuses qui m’auraient aidé et gêné tout à la fois. Sept ans après avoir quitté l’Arabie, j’en parlai à Graham Watson qui m’encouragea vivement à écrire un livre sur le désert. Je refusai. Je savais fort bien que cela exigerait de moi un temps considérable et je ne souhaitais nullement demeurer deux ans en Europe, alors que je pouvais continuer à explorer des pays qui m’intéressaient passionnément. Le lendemain, Graham Watson revint me voir, accompagné cette fois de Mark Longman. Après avoir longuement argumenté, ils finirent par me convaincre d’écrire ce livre. Maintenant que je l’ai terminé, je leur en suis profondément reconnaissant, parce que l’effort de mémoire que j’ai dû faire pour me rappeler les moindres détails de mes expéditions me les a fait revivre. J’ai retrouvé ces Bédouins parmi lesquels j’ai voyagé et toutes les péripéties de mes randonnées à travers ces immenses terres désertiques que j’ai parcourues à dos de chameau sur des dizaines de milliers de kilomètres. Je suis allé en Arabie du Sud juste avant qu’il ne soit trop tard. D’autres assurément s’y rendront pour y étudier la géologie et l’archéologie, l’ornithologie, les plantes ou les animaux, et éventuellement, les Arabes eux-mêmes. Mais en voiture et avec la radio. Ils en rapporteront sans doute des renseignements plus utiles que les miens, mais ils ne pourront plus saisir l’âme secrète de ce pays. Si l’on souhaitait vivre aujourd’hui là-bas la même vie que la mienne, ce ne serait pas possible, parce qu'entre-temps sont apparus les techniciens, à la recherche de pétrole. Le désert que j’ai connu est défiguré par les roues des camions et les déchets qu’y ont laissés derrière eux les Européens et les Américains. Et cette profanation matérielle n’est rien encore au regard de la démoralisation qui s’est emparée des Bédouins eux-mêmes. Lorsque je vivais parmi eux, ils n’avaient aucune idée de l’existence d’un monde autre que le leur. Non qu’ils fussent d’ignorants sauvages ; bien au contraire, mais, descendants directs d’une très ancienne civilisation, ils trouvaient au sein même de leurs traditions cette liberté individuelle et cette discipline de soi qu’ils recherchaient passionnément. Maintenant, ils sont peu à peu chassés du désert et poussés vers les villes où les qualités qui faisaient jadis leur grandeur sont dévalorisées. Des forces, aussi irrésistibles que les sécheresses qui causaient si souvent leur mort autrefois, ont détruit l’équilibre de leur vie. Aujourd’hui ce n’est pas la mort, mais la déchéance, qu’il leur faut affronter. Depuis que j’ai quitté l’Arabie, j’ai voyagé dans les monts du Khorassan, l’Hindou Kouch, les monts du Kurdistan et les zones marécageuses de l’Iraq, toujours attiré par les endroits reculés où l’automobile ne peut accéder et où subsistent les vestiges des anciennes traditions. Je me suis trouvé devant les plus beaux paysages du monde et j’ai partagé la vie de tribus presque inconnues. Aucun de ces lieux ne m’a causé d’émotion plus profonde que les déserts de l’Arabie. Il y a cinquante ans, le mot Arabe signifiait celui ou celle qui habite l’Arabie et il était souvent considéré comme synonyme de Bédouin. On donnait le nom d’Arabes non pas aux citadins ou aux cultivateurs mais aux membres des tribus qui, ayant émigré d’Arabie en Egypte ou dans d’autres pays, étaient demeurés nomades. C’est dans ce sens que j’emploie le mot « Arabe », et non dans celui qu’il a récemment acquis avec le développement du nationalisme arabe, désignant désormais quiconque a l’arabe comme langue maternelle, quel que soit son pays d’origine. Les Bédouins sont les nomades, éleveurs de chameaux, qui habitent le désert d’Arabie. En anglais, on utilise habituellement pour les désigner un double pluriel : « Beduin », dont eux-mêmes se servent rarement. Je lui préfère la forme simple du pluriel : « Bedu » ; c’est celle que j’utilise au cours de mon récit. Eux-mêmes se désignent généralement sous le nom de Al Arab si bien que, pour parler d’eux, j’emploie indistinctement les mots Bédouin et Arabe. En arabe, le mot Bédouin comporte deux formes, un singulier et un pluriel. Pour simplifier, j’utilise la même forme, celle du pluriel, aussi bien au singulier qu’au pluriel. De même, pour les noms des tribus, j’utilise invariablement les formes du pluriel (Rashid, par exemple, dont le singulier est Rashdi, ou Awamir, dont le singulier est Amari) afin de ne pas dérouter le lecteur. J’ai évité d’employer un trop grand nombre de mots arabes. Mais la plupart des plantes mentionnées dans ce livre n’ayant pas de noms en anglais, j’ai préféré les termes indigènes à leurs équivalents latins ; on retient, en effet, plus facilement le mot ghaf que le terme latin Prosopsis spicigera et on en comprend tout aussi bien le sens. On trouvera à la fin du volume une liste des noms arabes des plantes citées, avec leurs équivalents scientifiques. Ce livre contient inévitablement de nombreux termes qui paraîtront étranges aux lecteurs n’ayant qu’une vague connaissance de l’Arabie. C’est pourquoi ils trouveront, insérées dans le texte, plusieurs cartes- croquis indiquant l’emplacement des lieux mentionnés dans le récit de chaque voyage et, en fin de volume, une liste des principaux personnages évoqués. Ces cartes ont été spécialement réalisées par K.C. Jordan à qui je suis reconnaissant du soin apporté. Il a exécuté ses cartes à partir de celles réalisées par la Royal Geographical Society d’après le tracé de mes itinéraires à travers l’Arabie et utilisé des renseignements puisés dans les récits de Thomas et Philby. C’est délibérément que je me suis abstenu de les corriger ou de les compléter à la lumière de recherches postérieures à mon séjour en Arabie. Toute transcription de mots arabes est sujette à controverse. J’ai essayé de simplifier dans la mesure du possible ; j’ai donc renoncé à transcrire la lettre Aïn généralement représentée par le signe De toute façon, peu d’Anglais sont capables de prononcer cette lettre correctement et la majorité des lecteurs auraient été déroutés et agacés par la fréquente répétition de cet inintelligible signe ’. Quant à l’autre lettre qui s’avère difficile : Ghaïn, je l’ai transcrite, selon la convention, par : gh. Les experts affirment que ce son doux et guttural se prononce comme le r des Parisiens. C’est cette lettre qu’on trouve dans le nom de l’un des personnages principaux du livre, bin Ghabaisha. Je suis le seul à savoir ce qu’ont représenté pour moi l’intérêt manifesté par ma mère et ses encouragements. J’avais à peine neuf mois lorsqu’elle m’emmena d’Addis-Abeba jusqu’au bord de la mer Rouge. Ce fut le premier des nombreux voyages à dos de chameau ou de mulet que je fis dans mon enfance. Ayant elle-même connu la fascination des voyages en terre africaine avant qu’ils ne soient devenus faciles, elle a toujours partagé et compris mon goût pour l’exploration. Je dois exprimer ici ma profonde gratitude à Valffrench Blake, qui a pris connaissance du premier chapitre de ce livre dès sa rédaction et qui, par la suite, en a lu le manuscrit dactylographié, non pas une, mais plusieurs fois. Sa compréhension et ses encouragements ainsi que ses excellents conseils et ses critiques judicieuses ont été pour moi d’un intérêt inestimable. Mon frère Roderic a lui aussi lu le texte avec le plus grand soin et la plus grande patience ; il m’a fait de précieuses suggestions. J’ai aussi une immense dette à l’égard de John Verney et de Graham Watson qui m’ont aidé, l’un par ses précieux conseils, l’autre par sa confiance dans l’aboutissement de la tâche qu’il m’avait incité à entreprendre. W.P.G. Thomson, du Permanent Committee on Geographical News, a bien voulu vérifier et confirmer l’orthographe des mots arabes figurant dans ce volume, ce dont je lui suis très reconnaissant. Je dois également remercier James Sinclair and Company, de Whitehall, pour le soin qu’ils ont pris, pendant de nombreuses années, de mes photographies, ce dont témoignent certaines planches de ce livre. Je veux aussi adresser mes remerciements aux membres de la Royal Geographical Society, pour l’aide apportée et les encouragements prodigués avant que je n’entreprenne ces voyages. Il est évident que c’est aux Bédouins qui m’ont accompagné dans ces expéditions que je dois tout, bien qu’il paraisse déplacé de les remercier dans un livre qu’aucun d’entre eux ne lira jamais. Sans leur aide, je n’aurais jamais pu traverser le Désert des Déserts. Grâce à leur amitié, ces cinq années passées parmi eux auront été les plus fortes années de ma vie. PROLOGUE Un nuage se forme, la pluie tombe, les hommes vivent ; le nuage se dissipe, pas de pluie, hommes uploads/Geographie/ thesiger-x27-le-deser-des-deserts-x27.pdf
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- Publié le Fev 05, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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