Direction générale du Trésor N° 316 Novembre 2022 Un ralentissement structure
Direction générale du Trésor N° 316 Novembre 2022 Un ralentissement structurel de l'activité dans les grands pays émergents Xavier COELN Le rattrapage généralisé des pays avancés par les grands pays émergents marque le pas. Après avoir dépassé en moyenne 7 % entre 2000 et 2007, la croissance annuelle des grands pays émergents s'est stabilisée à 6,5 % entre 2008 et 2012 grâce aux politiques de relance post-crise financière, mais elle a ensuite faibli, autour de 5 % en moyenne entre 2013 et 2019 (cf. Graphique). Ce ralentissement de l'activité est structurel dans la plupart des pays, en raison de l'affaiblissement de la dynamique des facteurs de production (travail, capital, productivité globale des facteurs), qui déterminent le potentiel de croissance d'une économie. Depuis près de dix ans, le ralentissement est particulièrement marqué en Afrique du Sud, au Brésil et en Chine. Seules l'Inde et l'Indonésie, à un stade moins avancé de leur dynamique de rattrapage, maintiennent des taux de croissance élevés et relativement stables. La contribution du travail diminue en raison du vieillissement de la population ou de créations d'emplois insuffisantes. L'accumulation du capital, via l'investissement, décélère également. Les gains de productivité issus de l'exode rural (transfert de la main d'œuvre agricole vers des secteurs plus productifs) se tarissent en Asie, de même que ceux qui résultaient des réformes menées dans les années 1990 et 2000 dans la plupart des pays. Tous les pays disposent de marges pour augmenter leur croissance potentielle. Ils peuvent accroître la contribution du travail, via une participation accrue des femmes au marché du travail, et dynamiser l'investissement et la productivité, à travers une hausse du niveau d'éducation ou une plus grande ouverture des marchés domestiques. La trajectoire de croissance des grands émergents est soumise à de nombreux aléas. Le rééquilibrage de l'économie chinoise, la reconfiguration des chaînes de valeur mondiales, la transition énergétique et les effets du réchauffement climatique en sont les principaux. Taux de croissance annuel du PIB (%) Source : FMI, DG Trésor ; dernier point : 2019. Note : Les « grands pays émergents » désignent l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique et la Turquie. #TrésorEco n° 316 Novembre 2022 p.2 Direction générale du Trésor 1. Un rattrapage généralisé qui marque le pas 1.1 Une croissance qui a faibli au cours de la dernière décennie La part des grands pays émergents1 dans l'économie mondiale a fortement augmenté depuis trente ans (cf. Tableau 1). Alors que le PIB de ces pays représentait environ 10 % du PIB mondial au début des années 1990 (exprimé en dollars courants), leur part s'élevait à plus d'un quart à la fin de la décennie 2010, et ce malgré le recul de leur part dans la population mondiale. Au sein de ce groupe et sur longue période, la Chine se singularise par une croissance stable et élevée, et son PIB dépasse le PIB cumulé des six autres pays étudiés depuis 2012, en dollars courants. Après une période de croissance élevée et continue (2000-2012), le rattrapage des pays avancés par l'ensemble des grands pays émergents a marqué le pas. Leur croissance, heurtée par plusieurs crises dans les années 1990, a en moyenne atteint près de 4 % par an entre 1991 et 1999 (cf. Graphique de la page de garde) puis augmenté significativement jusqu'à plus de 7 % en moyenne entre 2000 et 2007. Après la crise financière de 2008, les politiques de relance dans de nombreux pays, avancés comme émergents, ont permis le maintien d'un taux de croissance de près de 6½ % entre 2008 et 2012. Depuis 2013, la croissance a reflué en moyenne autour de 5 % et sa baisse est quasi générale. Malgré ce récent ralentissement, la part des grands pays émergents dans la croissance mondiale n'a cessé d'augmenter sur les trois décennies, d'un tiers dans la décennie 1990 à la moitié dans la décennie 2010. La croissance des économies avancées a fléchi dans une moindre mesure, passant de 2½ % entre 2000 et 2007 à 2 % entre 2013 et 2019. Le différentiel de croissance entre les économies émergentes et avancées s'est donc nettement réduit dans la décennie 2010, marquant un ralentissement de la convergence à l'œuvre durant la décennie précédente. Source : FMI, Banque mondiale, calculs DG Trésor. Note : Le commerce mondial de biens correspond à la somme des exportations et importations mondiales. * Lecture : Sur la période 2010-2019, 51,5 % de la croissance cumulée mondiale est due aux grands émergents. 1.2 Un environnement international moins porteur D'un point de vue commercial, de nombreux pays émergents ont bénéficié de l'émergence de la Chine dans les années 2000 et du dynamisme des échanges internationaux. Les pays producteurs de matières premières (Afrique du Sud, Brésil, Indonésie) ont particulièrement profité d'un « supercycle », grâce à la hausse des cours internationaux et des volumes exportés, en particulier à destination de la Chine. Inférieure à 5 % au début de la décennie 2000, la part de la Chine dans les exportations du Brésil représentait, par exemple, plus de 25 % en 2019 (cf. Graphique 1), un phénomène également visible en Indonésie. Le ralentissement de la croissance chinoise (cf. infra) a entraîné une modération de la demande en matières premières, portant un coup d'arrêt au supercycle en 2011 et provoquant une chute des cours pétroliers en 2014. Parmi les grands pays émergents, le Mexique et la Turquie ont moins directement bénéficié du dynamisme de la Chine, parce que tournés davantage vers les États-Unis et l'Union européenne respectivement, et leur cycle économique a davantage évolué avec celui des pays avancés. (1) Les pays couverts par cette étude sont les pays émergents du G20 dont l'économie est suffisamment diversifiée : Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique et Turquie, qui représentaient 68 % du PIB total des pays émergents entre 1991 et 2019. Tableau 1 : Part des grands pays émergents au sein de l'économie mondiale (%) 1990-1999 2000-2009 2010-2019 Grands émergents Dont Chine Grands émergents Dont Chine Grands émergents Dont Chine Population mondiale 49,4 22,0 48,0 20,4 47,0 19,1 PIB mondial (USD courants) 9,0 2,3 12,9 5,2 23,2 13,3 PIB mondial (USD, PPA)a 20,0 5,6 24,2 9,9 31,5 15,7 Part de la croissance mondiale (USD, PPA)* 35,2 17,4 44,2 26,7 51,5 31,4 Commerce mondial de biens 6,8 1,9 11,8 5,3 19 10,2 a. Contrairement au PIB en USD courant, le PIB exprimé en parité de pouvoir d'achat permet prendre en compte l'écart de prix entre les pays. Direction générale du Trésor #TrésorEco n° 316 Novembre 2022 p.3 La politique monétaire dans les pays avancés a longtemps soutenu l'investissement dans les grands pays émergents. Dans la décennie 2000, la faiblesse des taux d'intérêt réels, résultant de la politique monétaire accommodante dans les pays avancés, et les perspectives de croissance du PIB et de rendements plus élevés dans les pays émergents, ont favorisé les investissements de portefeuille et les investissements directs étrangers (IDE) à destination de ces pays. Cette dynamique généralisée s'est toutefois essoufflée après la crise financière, et plus nettement après 2013 et l'annonce du resserrement de la politique monétaire américaine (taper tantrum). Dans les grands pays émergents, les flux nets entrants d'IDE et de portefeuille, en moyenne autour de 2,5 % du PIB dans la décennie 1990, ont crû tendanciellement après 2002 (exception faite de 2008) pour atteindre 4,9 % du PIB en 2012. Depuis, ce niveau a diminué pour s’établir à 3 % du PIB en moyenne entre 2015 et 2019. Graphique 1 : Pays clients (% des exportations en dollars courants ) Source : FMI, DG Trésor. Note de lecture : En 2000, la Chine représentait 2,6 % des exportations brésiliennes. En 2019, cette part s'élevait à 29,1 %. 2. Une baisse structurelle du taux de croissance 2.1 Des trajectoires qui dépendent du niveau initial de revenu de chaque pays Passée au second plan face au rattrapage généralisé de la décennie 2000, la divergence de trajectoire des grands pays émergents est réapparue depuis une décennie. Les pays à un stade de rattrapage initialement moins avancé (Chine, Inde, Indonésie) ont connu les taux de croissance les plus élevés depuis 30 ans (cf. Graphique 2), grâce à leur transition démographique, la croissance de leur stock de capital et de la productivité globale des facteurs (PGF), initialement faibles (cf. Encadré 1). Depuis 1991, la Chine a ainsi connu une croissance sans précédent, grâce à un taux d'investissement élevé, à l'exode rural (réallocation des actifs du secteur agricole vers les autres secteurs plus productifs) et à des réformes structurelles menées dans les années 1990 et 2000. Même si elle est plus modeste qu'en Chine, la croissance de l'Inde et de l'Indonésie a été forte, grâce à l'exode rural, à des progrès éducatifs et à un taux investissement élevé, facilité par une forte rentabilité du capital compte tenu du niveau de développement plus limité de ces économies (cf. infra). La dynamique des pays à un stade initial de rattrapage plus avancé est contrastée. uploads/Geographie/ un-ralentissement-structurel-de-l-x27-activite-dans-les-grands-pays-emergents.pdf
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- Publié le Jul 17, 2022
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