Paul Virilio Le Futurisme de l’instant Stop—Eicct Galilée COLLECTION L’ESPACE C
Paul Virilio Le Futurisme de l’instant Stop—Eicct Galilée COLLECTION L’ESPACE CRITIQUE dirigée par Paul Virilio Le Futurisme de l’instant DU MÊME AUTEUR Aux Éditions Galilee VITESSE ET POLITIQUE, 1977. DÉFENSE POPULAIRE ET LUTTES ÉCOLOGIQUES, 1978. L’HORIZON NÉGATIF, 1984. LA MACHINE DE VISION, 1988, 1994. ESTHÉTIQUE DE LA DISPARITION, 1989. L’ÉCRAN DU DÉSERT, 1991. L’INSÉCURITÉ DU TERRITOIRE, 1993. L’ART DU MOTEUR, 1993. LA VITESSE DE LIBÉRATION, 1995. UN PAYSAGE D‘ÉVÉNEMENTS, 1996. LA BOMBE INFORMATIQUE, 1998. STRATÉGIE DE LA DÉCEPTION, 1999. LA PROCÉDURE SILENCE, 2000. CE QUI ARRIVE. Naissance a’e la plaz’lafiîlie, 2002. VILLE PANIQUE. Ailleurs commence ici, 2004. L’ACCIDENT ORIGINEL, 2005. L’ART A PERTE DE VUE, 2005. L’UNIVERSITÉ DU DÉSASTRE, 2007. BUNKER ARCHÉOLOGIE, 2008. Chez d’autres éditeurs L’ESPACE CRITIQUE, Christian Bourgois, 1984. LOGISTIQUE DE LA PERCEPTION — GUERRE ET CINÉMA I, Editions de I’Étoile, Cahiers du cine’ma, 1984, 1990. L’INERTIE POIAIRE, Christian Bourgois, 1990. CYBERMONDE, LA POLITIQUE DU PIRE, Textuel, 1996. Paul Virilio Le Futurisme de l’instant Stop—Eject Galilée © 2009, ÉDI'I'IONS GALILÉE. 9, rue Linné. 75005 Paris lin application (le la loi du l] mars I957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l'éditeur ou du Centre frai}- çais d'exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. ISBN 978-2-7186-0778-7 ISSN 0335-3095 www.editions—galilec.Fr De par sa plénitude l’avenir est propagande. JOSEPH BRODSKY Stop—Eject Loin d’ici voilà mon but. FRANZ KAFKA Un rapport, publié en 2007 par Christian Aid (ONG britannique), estime à près d’un mil— liard le nombre des futurs migrants de l’envi— ronnement. D’après ce document, 645 millions de personnes devraient, d’ici une quarantaine d’années, se déplacer à cause de grands pro— jets tels que l’exploitation minière intensive ou la construction de barrages hydroélectriques ; 250 millions, en raison de phénomènes de ré— chauffement climatique, d’inondation ou de sub— mersion du sol littoral ; et, enfin, 50 millions, au moins, pour fuir les conflits engendrés par ces bouleversements catastrophiques du repeuple— ment démographique de la planète. 11 Le Futurisme de l’instant Devant cette crise migratoire sans précé- dent, incomparablement plus grave que l’im— migration de l’âge industriel — et que certains dénomment l’oflemive migratoire du troisième millenium —, la question de l’urbanisation du monde contemporain se trouve posée en des termes qui remettent en cause la distinction classique entre SÉDENTARITÉ et NOMADISME. En effet, après l’ère multiséculaire du station- nement durable dans les quartiers d’un cadastre urbain qui devait, dans l’Antiquité, introduire le «droit de cité » de la localisation politique et, enfin, l’« État de droit» des nations, c’est l’ère de la circulation habitable qui débute avec cette délocalisation transpolitique remettant en ques- tion la géopolitique du peuplement de l’âge de la globalisation. Et cela à l’instant précis où, grâce aux télétechnologies de l’information, le se’a’en— taire demeure partout chez lui et le nomade nulle part, en dehors de l’hébergement provisoire d’une transhumance désormais sans but, non seule- ment entre les divers pays mais au sein d’une même patrie et d’un même territoire où les camps de réfugiés succèdent non pas aux BIDON- VILLES de naguère, mais aux VILLES, la mégalopole des exclus de tous bords venant concurrencer celle, bien réelle, des inclus de l’OUTRE-VILLE. L’exotisme du malheur venant ainsi à la ren— 12 Stop—Eject contre de celui du bonheur touristique, on ima— gine aisément l’ampleur du télescopage de ces populations désarrimées de leur urbanité, com— me hier de leur ruralité coutumière, et l’acci— dent d’une circulation devenue globale et non plus locale, comme jadis, à l’époque des grandes invasions. Autorisés à voyager depuis 1997, les Chinois étaient, l’an dernier, 37 millions à quitter leur pays. Après les Jeux olympiques de 2008, gageons qu’ils seront peut—être 70 millions de touristes... Observons, à ce propos, qu’il existe depuis longtemps, en Chine, une population flottante de près de 100 millions de paysans démunis qui errent à la recherche d’un emploi et échouent le plus souvent dans les grandes gares du pays, comme l’indique Chen Guidi Wu Chuntao : « Barrer la route des villes aux paysans a été mis en place, avec le plan d’approvisionnement en céréales à la fin des années 1950, avec l’instau— ration du PERMIS DE RÉSIDENCE -— le hukow — par Mao Tsé—toung, qui divise la société en deux classes : les urbains et les ruraux. [...] Dorénavant, la ville et la campagne seront comme des véhicules circulant sur a’es pistes se’pare’es 1. » 1. Chen Guidi Wu Chuntao, Les Paysans chinois d’au— jourd’hui, Bourin, 2007. 13 Le Futurisme de l’instant Après le stationnement «durable» du peu- plement de l’hisroire du passé, la circulation « habitable » ouvre de vertigineuses perspectives en matière de repeuplement planétaire. Ayant perdu son hinterland rural, après ses faubourgs, la MÉTACITÉ de demain ne résistera pas très longtemps à la pression démographique du OUTLAND, à l’exode d’un peuplement sans espoir de retour à la sédentarité de la ville libre des origines. On imagine mal, en effet, l’avenir radieux du «développement durable» devant ce charivari de moyens de communications et de télécom- munications progressistes certes, mais bien in- capables de faire face à la tragédie transpolitique de l’écologie, à l’effet de serre atmosphérique du climat terrestre, comme à celui dromosp/ÿe’rique de l’exode massif des foules désoeuvrées. Ici, ce n’est donc plus l’INSTANT-CITY des futuristes anglais qui s’impose à l’esprit des bâtisseurs, mais plutôt le NON-STOP CIRCUS, la croisière au long cours des exilés de l’externali- sation. «Guerre de tous contre tous», ultime figure d’une sorte de guerre civile de mouvement qui succéderait ainsi à l’ancestrale guerre de siège de la commune ou des banlieues défavorisées. De fait, nous assistons là, au début de ce troi- sième millénaire, à l’émergence d’une forme ab— 14 Stop—EjeCt solument inconnue d’exterritorialisation du po— tentiel humain susceptible d’interdire bientôt toute possibilité d’un quelconque potentiel ur- bain, qui déboucherait, cette fois, sur une forme nouvelle d’EX—CENTRICITÉ, où la quête d’une EXOPLANÈTE, d’un OUTRE-MONDE de substitu— tion à l’ancien trop pollué, se doublerait, ici-bas, de celle de l’OUTRE—VILLE, sorte de plateforme logistique dont l’aéroport, le port et la gare n’étaient jamais que des modèles réduits. Faisant ainsi l’impasse sur le droit du sol de la géopolitique comme sur la persistance histo— rique des sites, la révolution de l’emport viendrait parachever celle des transports, la révolution des transmissions aboutissant à ce PLANISPHÈRE in- teractif susceptible, nous dit—on, de suppléer à la trop étroite BIOSPHÈRE et à ses cinq conti— nents, grâce aux performances informatiques d’un continent virtuel celui—là, la grande colonie cybernétique succédant aux empires de jadis. EMERGENCY EXIT : si l’événement majeur, pour les anthropologues du moment, c’est la croissance démographique des siècles derniers (1,5 milliard d’individus en 1900 et 6 milliards en l’an 2000) couplée à l’essor des transmissions 15 Le Futurisme de l’instant insrantanées et du transport supersonique, c’est demain un milliard de déplacés, de déportés de tous bords qu’il faudra envisager de reloger et ceci, en moins d’un demi-siècle, ce qui semble tout bonnement impossible à réaliser, à moins d’abandonner la Cité, la ville libre, pour en revenir aux campements, à la précarité des << Cités de transit ». En 1900, un habitant de la planète sur dix était citadin : l’exoa’e rural battait son plein en Occident. Aujourd’hui, c’est un habitant sur deux, autrement dit quatre fois plus qu’en 1950, avec plus de 3 milliards de sédentaires mé— tropolitains, alors que vient tout juste de dé— buter l’exoa’e urbain, en attendant, demain, le milliard annoncé de réfugiés en déshérence de l’an 2050. . . Après la mobilisation générale de la Grande Guerre — issue de l’idéologie du peuple en armes — et la mobilisation totale de la seconde guerre mondiale, ce qui s’annonce avec la grande trans— humance économique et écologique, c’est moins la lutte finale que la mobilisation intégrale des populations chassées de leur terre natale et de cette GÉOLOCALISATION qui n’était pas encore un problème de satellite de positionnement (GPS ou GALILEO), mais le fait politique majeur de l’hisroire de l’humanité où le bic et mine et la 16 Stop—5m géopolitique s’étaient retrouvés confondus dans la Cité des origines, la POLIS du « droit au sol >> opposé au « droit du sang » des tribus nomades. Tout cela pour donner forme au lieu du lien social et d’un «droit commun», ce qu’expri— mait d’ailleurs parfaitement cet AXIS MUNDI des cités antiques où se trouvait figurer le centre du monde. Mais revenons à cette soudaine dérive d’un dépeuplement où l’EXURBANISME se prépare à supplanter le SUBURBANISME des périphéries de l’ère industrielle. À la fin de 2007, les villes de La Have et de Rotterdam faisaient face, à elles seules, à l’afflux de 40 000 arrivants, et on y en— visageait déjà l’installation de containers dans lesquels pourrait être hébergée la main—d’oeuvre d’origine polonaise... Nul ici ne s’offiasque d’une pratique délibérément ségrégative des munici— palités à l’égard des étrangers de l’Est de la Com— munauté européenne, puisque à Amsterdam, par exemple, les désormais fameux containers du port, où se retrouvaient naguère les dockers, accueillent aujourd’hui les étudiants néerlan— dais et qu’Algéco, le fabricant des uploads/Geographie/ virilio-paul-le-futurisme-de-l-x27-instant.pdf
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- Publié le Mai 30, 2021
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