CLIMAT, MENSONGES ET PROPAGANDE Hacène Arezki Équipe éditoriale : Elvire Siepra
CLIMAT, MENSONGES ET PROPAGANDE Hacène Arezki Équipe éditoriale : Elvire Sieprawski, Priscille Tremblais, Caroline Sandrez Conception graphique et réalisation : Cather- ine Julia (Montfrin) Illustrations : Idée Graphie Illustration de la couverture : © Beboy – Fo- tolia.com Dépôt légal : 4e trimestre 2010 ISBN : 978-2-916878-60-7 Je remercie les éditions Thierry Souccar, pour la confiance qui m’a été accordée. À mes proches, pour leur soutien sans faille. INTRODUCTION Le 23 avril 2010, l’émission BIBLIOTHÈQUE MÉDICIS, installée sous les ors de la République au palais du Luxem- bourg, siège du Sénat, à Paris, proposait à ses téléspectateurs un débat contradictoire sur le réchauffement climatique comme con- séquence supposée des activités humaines, en présence de Madame Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Celle-ci avait été saisie peu de temps auparavant par 400 scientifiques du climat, signataires d’une pétition lui de- mandant de défendre leur intégrité face aux allégations de Claude Allègre, auteur d’un livre intitulé L’imposture climatique. L’an- cien ministre et chercheur, dans des déclara- tions à l’emporte-pièce, accusait les climato- logues d’agir comme des activistes plutôt que comme des scientifiques. Face à Vincent Courtillot (géophysicien) et Benoît Rittaud (mathématicien), tous deux critiques de la manière selon laquelle la responsabilité hu- maine dans le changement climatique est tenue comme certaine, le glaciologue Jean Jouzel et le physicien de l’atmosphère Bern- ard Legras, pétitionnaires, représentaient le courant dominant. Legras, lors d’un premier tour de table, s’exprima en ces termes : « Nous avons affaire à des insinuations, des accusations, que nous jugeons outrancières, voire souvent injurieuses, qui sont portées à l’égard de toute une communauté. Ces accus- ations sont portées par des personnalités qui se disent scientifiques et qui disent parler au nom de la science. […] On a fait un salmi- gondis considérable, où la science en fait est 6/668 instrumentalisée dans une discussion qui n’a rien de scientifique, mais qui est idéologique et politique. Monsieur Claude Allègre a comme point de vue d’avoir une foi inébran- lable dans le progrès technologique. C’est son choix, c’est tout à fait respectable si on veut, c’est une opinion qu’on peut défendre ; c’est à peu près celle de l’administration Bush ». Claude Allègre, bien que faisant référence à nombre de publications scienti- fiques, a, il est vrai, expliqué que son livre est avant tout « politique ». La dénonciation de Bernard Legras s’avère donc au moins en partie justifiée. Il adopte pourtant une posi- tion similaire à celle qu’il réprouve en se plaçant lui aussi immédiatement sur le ter- rain de l’idéologie et en reprochant à son an- cien ministre de tutelle sa vision du monde. Cette anecdote illustre parfaitement l’état actuel du débat sur le réchauffement cli- matique. L’évolution récente du climat est un sujet avant tout scientifique. Il s’agit de 7/668 savoir comment elle se place dans le cadre de sa variabilité naturelle, quelles en sont les causes et quel est le poids de chacune d’elles, comment elle va se poursuivre et avec quelles conséquences. Une controverse sci- entifique existe, ce qui n’a rien d’inhabituel. L’incertitude, le doute, la controverse sont des éléments essentiels de la science, qui s’arrange très bien de l’existence de théories éventuellement exclusives les unes des autres. Par ailleurs, ce débat a également une dimension politique importante. Selon les conclusions scientifiques sur la responsabil- ité des activités humaines dans le change- ment climatique récent et sur la gravité de celui-ci, les hommes politiques peuvent être amenés à prendre des décisions impliquant les acteurs économiques et la vie quotidienne de leurs administrés. C’est la raison pour laquelle a été créé le GIEC, Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du cli- mat, en 1988. Les hommes politiques 8/668 doivent pouvoir s’appuyer sur ses conclu- sions afin de fonder leur action. Le doute quant à la responsabilité humaine, même s’il avait été jugé important par le GIEC, n’aurait pas été en soi un frein à la décision politique. Une société peut en effet juger que les enjeux commandent d’agir malgré une incertitude importante. Mais encore faut-il pour cela que le débat politique ait lieu réellement. Les hommes politiques comme la société s’en re- mettent au contraire totalement à la science, à laquelle on impose implicitement de ne parler que d’une seule voix. Si bien que c’est sur le terrain scientifique qu’a lieu la con- frontation des opinions politiques et des vis- ions du monde. Le débat actuel est en effet, pour reprendre l’expression de Bernard Legras, un « salmigondis » de considérations d’ordres divers, légitimes, mais ne devant pas être mises au même niveau, ni se côtoyer dans le discours sans être distinguées. 9/668 Pour l’historien roumain Lucian Moia, auteur en 2004 de L’Homme face au climat : L’imaginaire de la pluie et du beau temps, « il n’y a aucun secret que le cataclysme cli- matique est annoncé de nos jours par ceux qui ne croient pas aux vertus de la civilisa- tion technologique. Et contesté non moins fortement par les partisans de ce type de civilisation. Écologistes contre libéraux : les uns et les autres manipulent les mêmes don- nées scientifiques, mais mises au service des idéologies opposées ». Mais il poursuit égale- ment en ces termes : « Constater la charge culturelle et idéologique de chaque option ne préjuge pas automatiquement de la part de vérité ou de non vérité exprimée par la théorie en question. Les optimistes ou les pessimistes peuvent avoir raison ou tort (ou partiellement raison, ou partiellement tort) indépendamment de leurs raisons idéolo- giques ». C’est dans la perspective ouverte 10/668 par une telle considération que cet ouvrage voudrait s’inscrire. Le climat est une réalité fuyante, ab- straite, dont il n’existe probablement pas de définition pleinement satisfaisante. D’où des conceptions ou, au moins, des pratiques différentes de la climatologie. Chacun a pu constater la variabilité du temps qu’il fait, non seulement dans la durée, mais aussi au sein d’un espace même restreint. Dans nos latitudes moyennes, sous climat tempéré, on peut passer en moins de 24 h d’un temps sec et ensoleillé à un temps couvert, humide et nettement plus frais. En outre, il peut y avoir une averse ponctuelle ou même une journée de pluie là où l’on se trouve et rien de tel à quelques kilomètres. La fois suivante, cela pourrait être l’inverse, ou pas. C’est pour cette raison que, là où la météorologie étudie les phénomènes atmosphériques sur un temps court (et tente de le prévoir à brève échéance), la climatologie, elle, a besoin 11/668 d’une certaine épaisseur de temps. Le climat peut être défini ainsi, comme le font Gérard Beltrando et Laure Chémery[1] : « La com- binaison des états de l’atmosphère (tem- pérature, précipitation, humidité de l’air, en- soleillement, vent…) en un lieu donné et sur une période définie ». C’est, en quelque sorte, le temps qu’il fait dans le temps qui passe, l’épaisseur temporelle permettant soit de se détacher de cette variabilité en établis- sant des moyennes, soit de la prendre pleine- ment en compte en l’étudiant par exemple par des calculs de fréquences de types de temps, ou encore en analysant la succession de ceux-ci. Dans tous les cas, la durée d’ob- servation est importante. On considère généralement que la variabilité naturelle du temps n’est plus une gêne sur une période de trente ans et qu’il faut en conséquence au moins s’approcher de cette durée pour que la caractérisation du climat d’un espace géo- graphique donné soit valide. Ajoutons qu’il 12/668 est rare de disposer de mesures pour de nombreuses variables. Les plus courantes sont la température et les précipitations, qui servent donc presque à elles seules à la de- scription de tel ou tel climat. Cerner le climat étant difficile, on comprend la gageure que représente la tentative d’en saisir l’évolution, de la quantifier et d’en attribuer la cause à un facteur prépondérant, par exemple anthro- pique. D’autant plus que le climat n’a jamais été stable, qu’il évolue naturellement à toutes les échelles de temps et d’espace. Le débat sur l’« attribution des causes du changement climatique » n’a en réalité jamais cessé, bien qu’il ait été toutefois soustrait à la connais- sance du grand public. Ce livre souhaite donc inviter le lecteur s’intéressant pour la première fois à la ques- tion du réchauffement climatique à écouter un autre son de cloche que celui que l’on en- tend le plus souvent dans les médias, mais aussi permettre au lecteur averti et 13/668 documenté d’approfondir la question en re- visitant ses certitudes, s’il a adopté les con- clusions du GIEC sur la responsabilité avérée des activités humaines dans le réchauffe- ment climatique du XXesiècle, ou encore de les étayer, s’il considère déjà que rien n’est certain en la matière et qu’il peut exister d’autres hypothèses scientifiques au moins aussi solides. Pour cela, nous revenons d’abord sur les aspects historiques, depuis les premières considérations sur l’action de l’Homme sur le climat, particulièrement à partir de l’époque moderne, jusqu’aux débats de la période contemporaine et la naissance des préoccupations actuelles en la matière, avec la uploads/Geographie/Unconfirmed 398855.pdf
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- Publié le Jui 30, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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