Biopiraterie BIOPIRATERIE Quelles alternatives au pillage des ressources nature

Biopiraterie BIOPIRATERIE Quelles alternatives au pillage des ressources naturelles et des savoirs ancestraux ? Pierre William Johnson 38, rue Saint-Sabin 75011 Paris / France Tél. et fax : 33 (0)1 48 06 48 86 / www.eclm.fr BIOPIRATERIE 4 5 ©  Éditions Charles Léopold Mayer, 2011 Essai n° 185 * ISBN 978-2-84377-163-7 Mise en page : Françoise Maurel Conception graphique : Nicolas Pruvost Les Éditions Charles Léopold Mayer, fondées en 1995, ont pour objectif d’aider à l’échange et à la diffusion des idées et des expé­ riences de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme (FPH) et de ses partenaires. Les ECLM sont membres de la Coredem, une confédération de sites-ressources pour une démocra­ tie mondiale qui rassemble des partenaires autour d’une charte, d’un moteur de recherche et d’un wiki. www.coredem.info L’auteur Pierre Johnson, consultant, formateur et chercheur, a une longue ex­ périence des enjeux du commerce international pour l’avènement d’une économie plus soutenable. Au cours des quinze dernières an­ nées, il a monté et coordonné des projets de développement écono­ mique durable en Amérique latine et en Afrique de l’Ouest pour la coopération belge, le PNUD et des organisations de la société civile, et animé des réseaux internationaux d’acteurs et d’experts du com­ merce équitable et du développement durable. REMERCIEMENTS À Alain Ruellan et à Vahinala Raharinirina-Douguet, pour avoir éveillé mon intérêt sur les thèmes de la biodiversité et des secteurs économiques associés. À Sophie Dunkerley, pour sa précieuse orientation vers les ac­ teurs institutionnels liés à la Convention sur la diversité biologique ; à Eduardo Escobado du bureau Biotrade de la Cnuced et à Rik Kutsch Lojenga de l’Union for Ethical BioTrade, pour leur ouverture. À Daniel Joutard, pour sa confiance, son exemple d’intégrité dans l’entrepreneuriat et les échanges francs d’idées qu’il affectionne. À Patricia Guzman et à Catherine Aubertin pour les échanges attentifs que nous avons eus sur ces sujets nouveaux et fascinants. Au Collectif pour une alternative à la biopiraterie et à ses membres, pour les nombreux échanges que nous avons eus au sujet de la biopiraterie et de la Convention sur la diversité biologique. À Maurizio Fraboni (Acopiama, Brésil) et à Ranil Senanayake (FGP, Sri Lanka), pour leur engagement sur le terrain et les échanges riches et fournis que nous avons eus ensemble, ainsi qu’à Rémi Gouin, pour son aide bienveillante et les contacts qu’il m’a fournis. Aux dirigeants et représentants des entreprises et associations suivantes : African Centre for Biosafety, Andines, Analog Forestry Network, Beraca, Cosmébio, Cosmetic Valley, Ecocert, Ecoflora, FairWild, Fédération Artisans du Monde, FLO-Cert, Fondation L’Occitane, Fondation pour la recherche sur la biodiversité, Fondo Biocomercio, Forest Garden Products, Forest People, Guayapi, L’Homme et l’En­ vironnement – Aroma Forest, Institut de recherche pour le déve­ loppement, NaTrue, Natura, Natural Resources Stewardship Circle, PhytoTrade Africa, RDV Production, Swazi Indigenous Products, Union for Ethical Biotrade, Voy Alimento, Waliwa et World Fair Trade Organisation, pour avoir bien voulu m’accorder des entretiens et répondre à mes questions. 7 PRÉFACE Par Guy Kastler, délégué général du réseau Semences Paysannes, chargé de mission à Nature et Progrès. LA PERSISTANCE DES SAVOIRS COLLECTIFS PARTAGÉS Les semences, la pharmacie et les cosmétiques sont les trois secteurs sur lesquels se focalisent aujourd’hui les conflits les plus embléma­ tiques résultant de la mise en marché de la biodiversité. La définition de la valeur marchande du vivant porte en elle une contradiction irréductible : comment donner un droit de propriété exclusif à des produits qui se reproduisent gratuitement ou que tout un chacun peut reproduire en s’appuyant sur des savoirs collectifs partagés ? Aucune activité marchande n’est durable en présence d’une offre commerciale identique et moins onéreuse. La recherche du monopole est le moteur de nombreuses stratégies industrielles marchandes. Dans le cas du vivant, ce monopole ne peut résulter que de la confisca­ tion des ressources indispensables à sa reproduction, de l’interdiction de leur utilisation gratuite et de l’éradication des savoirs collectifs as­ sociés. Ces trois piliers de l’expansion du capitalisme « extractiviste » s’accompagnent de la destruction des sociétés humaines vivant de l’uti­ lisation locale de ces ressources. Les pirates des premières expéditions coloniales en furent les premiers mercenaires. La biopiraterie décrite par Pierre Johnson n’est que la poursuite de leur œuvre civilisatrice. L’éradication des sorcières reste l’acte fondateur des sociétés euro­ péennes marchandes. La destruction des savoirs populaires transmis de génération en génération par les femmes praticiennes de l’agri­ culture vivrière, de la médecine domestique et des soins du corps (aujourd’hui baptisés « cosmétique ») fut indispensable au monopole du savoir académique, unique prescripteur de l’ingénieur chargé de concevoir les produits industriels marchands destinés à remplacer les économies vivrières fondées sur l’utilisation des ressources locales et 8 9 BIOPIRATERIE PRÉFACE l’entretien des écosystèmes associés. Les bûchers qui ont ouvert la voie de la rationalité des « Lumières » n’auraient-ils pas achevé leur mission purificatrice ? On peut le penser au vu de la persistance des médecines « alternatives » utilisées par plus de la moitié de la popu­ lation européenne, de la renaissance de l’agriculture et des cosmé­ tiques « biologiques », des semences paysannes, de l’écoconstruction, tous issus de savoirs populaires partagés, traditionnels et renouvelés, locaux ou venus des quatre coins de la planète. L’ouvrage de Pierre Johnson nous conte un nouvel épisode de cette épopée désormais mondialisée. LA NAISSANCE DE LA BIOPIRATERIE DANS LE SECTEUR DES SEMENCES Le monopole des semences industrielles débute il y a un siècle avec le verrouillage technique des hybrides F1, premier « Terminator » qui interdit au paysan d’utiliser sa récolte comme semence. Pour les plantes autogammes se prêtant mal à la technique hybride F1, le monopole est instauré par la loi. L’autorisation de mise en marché de semences est conditionnée par l’inscription sur un catalogue officiel de la variété à laquelle elles appartiennent. Les normes techniques de cette inscription éliminent les semences paysannes non standardisables car sélectionnées et multipliées en pollini­ sation libre depuis des millénaires dans les champs des paysans. Fondement de toutes les sélections industrielles, ces semences pay­ sannes ont été collectées avant de disparaître des champs de l’agri­ culture marchande, puis enfermées dans des collections réfrigérées et baptisées « patrimoine commun de l’humanité ». Interdites de commercialisation, elles constituent en fait le « patrimoine com­ mun » des seuls semenciers, base indispensable de leurs sélections de semences standardisées. La biopiraterie des semences paysannes se généralise ainsi dès le milieu du siècle dernier, bien avant l’appa­ rition du mot destiné à la caractériser. Depuis, elles ne sont tolérées que sur les marchés non solvables de l’agriculture vivrière des pays du Sud, trop pauvres pour acheter les semences industrielles, ou sur les « marchés de niche » des agricultures biologiques, paysannes et de proximité des pays riches. En 1961, les industriels des semences organisent un système original de protection de leurs droits de propriété sur la reproduc­ tion des semences. Le certificat d’obtention végétale (COV) accorde un droit exclusif de commercialisation des semences de la variété protégée, tout en les laissant libres d’utilisation pour sélectionner d’autres variétés. Ce système open source est réservé aux seules va­ riétés industrielles standardisées par les critères du catalogue et re­ fuse toute protection des semences paysannes non standardisables. À sa naissance, il est cependant contraint de tolérer l’utilisation des semences de ferme car aucun moyen technique simple ne permet alors d’identifier avec précision la variété reproduite par chaque paysan. Cette tolérance facilite alors son acceptation. Mais, dès la fin des années 1980, les marqueurs génétiques ou moléculaires offrent la promesse de la maîtrise prochaine de l’outil technique simple permettant d’identifier la variété ou les gènes utilisés dans toute se­ mence et dans toute récolte. Dès 1991 (1994 en droit européen), une réforme du COV peut alors interdire les semences de ferme ou les soumettre au paiement de royalties. Cette réforme achève avec un cynisme consommé la légalisation de la biopiraterie des semences paysannes : pour faire l’objet d’un droit de propriété exclusif, une variété ne doit être distincte et nouvelle que par rapport aux varié­ tés commerciales standardisées, et peut donc être la simple copie d’une plante issue d’une variété population « découverte » dans le champ d’un paysan. AVEC LA CONVENTION SUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE (CDB), LE BREVET GÉNÉRALISE LA BIOPIRATERIE En 1992, la Convention sur la diversité biologique annule le « pa­ trimoine commun » des semenciers. En échange de la reconnaissance du brevet ressenti par les pays du Sud riches en biodiversité comme un instrument de pillage au service des entreprises du Nord, la conven­ tion instaure la souveraineté nationale sur les ressources biologiques, BIOPIRATERIE 10 11 PRÉFACE le consentement préalable et les accords de partage des avantages issus de leur utilisation (APA). Les industries pharmaceutique et cosmétique ont d’autres besoins que l’industrie semencière. Elles recherchent un entretien au plus bas coût des écosystèmes associés aux ressources na­ turelles qu’elles exploitent directement, sans pouvoir les multiplier ou les reproduire hors de ces écosystèmes. Ou bien, pour découvrir les mo­ lécules brevetables issues de ces écosystèmes, elles ont besoin d’avoir accès aux uploads/Geographie/biopiraterie.pdf

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